mercredi 3 septembre 2008

LE PRINCIPE DE TOUT ENSEIGNEMENT INTEGRAL.


INDIVIDUALITE ET EDUCATION.

Le scientifique met en avant dans l'évolution des principes d'auto-organisations et de complexification de la matière. Un scientifique a en vu des lois qui valent universellement et c'est là la limite de toute démarche scientifique car on observera que l'évolution de l'univers à partir de masses énergétiques uniformes et de lois universelles finit par produire de plus en plus d'individualité. Toutes lois à notre échelle humaine risque de passer à côté de ses exceptions dues au fait que la différence individuelle l'emporte toujours. Cette observation philosophique de la différence, de l'individualité irréductible qui émerge au fil de l'évolution dont Leibniz et surtout Nietzsche en occident furent les promoteurs est aussi pour Prajnanpad, le maître spirituel d'Arnaud Desjardins un principe fondamental. Ceci explique en partie que Prajnanpad s'est toujours adressé à des disciples singuliers même si on peut dégager des constantes au fil de son enseignement.

Cette idée que l'évolution de l'univers exprimerait un principe d'individualisation a donc des conséquences immédiates sur la manière dont on doit envisager tout processus d'éducation.


APPROFONDISSEMENT DE LA NATURE DU PRINCIPE D'INDIVIDUALISATION.

Ce principe d'individualisation dans le cas de la conscience humaine ne peut être selon nous le simple résultat de l'auto-organisation cérébrale par simple jeu du hasard et de la nécessité. Ken Wilber insiste sur le fait que la vision scientifique du monde pour objective qu'elle soit est incomplète tant qu'on ne considère pas la dimension subjective du monde. Ceci nous inspire donc ce quadrant :

Il n'est pas certain que Ken Wilber adhérerait à notre interprétation de son quadrant dans la mesure où il estime que la vision darwinienne de l'évolution n'est plus défendable. Quant à nous, nous estimons que le paradigme darwinien actualisé par les idées d'auto-organisation, de complexification reste défendable d'un point de vue objectif tout en n'interdisant pas d'apercevoir subjectivement à l'oeuvre une force de prise de conscience de la conscience. Par expérience, apercevoir cette force nous semble lié à une forme de foi qui ouvre à la conscience de sa présence. Sinon comment expliquer que tant de spiritualités la nient sous quelque forme que ce soit en estimant que l'univers est une illusion ou une malédiction ou que tant de scientifiques confrontés aux données de l'évolution voit dans notre conscience humaine qu'un épiphénomène perdu au sein de l'inconscience matérielle ? Le point de vue subjectif implique toujours des cercles herméneutiques et donc la question de la foi qui commence toujours par l'adhésion à certaines valeurs reste toujours problématique. Même un enseignement philosophique areligieux comme l'était le scepticisme antique nécessite une forme de foi quand on l'emprunte : il faut avoir foi dans son efficacité quand on ne parvient pas encore à suspendre son jugement rigoureusement de tout ce qui apparaît dans la conscience...

Toutefois puisque la foi pour s'individualiser a besoin tout d'abord de raisons, il nous faut esquisser en quoi le point de vue objectif qui nie l'importance de la subjectivité en la réduisant à la conscience ponctuelle d'un être humain est cependant conciliable avec l'idée d'une individualisation d'une conscience de l'Un primitive et absolue.

Avant qu'un homme inconnu ne lève le bras pouvait-on prévoir celui qu'il léverait ? Bien sûr il y a des statistiques reliées au fait qu'il y a des droitiers et des gauchers mais qui nous dit qu'un inconnu ne lévera pas le bras qui n'est pas le plus adroit ? Une telle prédiction nous confronte donc au hasard cadré cependant par une certaine nécessité... Mais si on interroge l'homme qui vient de lever son bras cette analyse en terme de hasard et de nécessité le satisfera-t-il ? Il sera prêt à reconnaître qu'effectivement il est en grande partie déterminé mais lorsqu'on évoquera le hasard, il estimera lui qu'il s'agit plutôt de liberté, de prise de conscience qui s'auto-détermine.

Toutefois notre exemple qui éclaire un positionnement subjectif par rapport à une enquête objective scientifique reste très critiquable et d'ailleurs il suffit pour le disqualifier de montrer combien l'ego dispose de peu de liberté et combien ses prises de conscience sont limitées pour redonner toute sa place au jeu objectif de la matière.

Mais là encore il y a un acte de foi et l'expérience évolutive qui l'accompagne qu'on risque de bien vite exclure et qui seul peut faire émerger un authentique pôle d'individualisation en nous au lieu de cet ego où sans cesse des forces universelles tirent les ficelles si bien que l'individualisation dont il témoigne paraît presque illusoire. Cet acte de foi n'est pas une simple adhésion mentale à une doctrine mentale elle est avant tout une transparence de l'ego à son authentique courant d'individualisation. Autrement dit cet acte de foi lorsqu'il est authentique serait une action même de l'être psychique en croissance sous la surface de notre vie subjective la plupart du temps extérieure et donc toute entière soumise aux fluctuations universelles. Ce serait le commencement d'un retour à soi-même au travers du poste avancé mais si instable qu'est l'ego dans son action d'individualisation dans le cours de l'évolution.

Et il faut bien le dire pour avancer sur le chemin de ce retour à soi-même, il faut paradoxalement parfaire l'impulsion évolutive d'individualisation dont nous résultons. L'ego doit donc se libérer de ses idées, de ses désirs et de ses sensations qui en fait le soumettent inconsciemment à l'univers et ses forces. Il doit non les exclure mais les intégrer consciemment en se soumettant aux authentiques forces universelles qui au lieu d'assurer la reproduction de l'univers le pousse en avant vers l'émergence de nouvelles possibilités individuelles de conscience en lui qui vaudront pour tous. A vrai dire le point de vue objectif qui admet l'émergence de nouvelles lois universelles est un point de vue rétrospectif essentiellement matérialiste, plus encore que vers l'émergence de nouvelles lois de la nature qui seraient de nouvelles formes de déterminismes l'évolution semble relativiser les lois en tant qu'habitudes qui pourront être manipulables du point de vue d'une liberté et d'une conscience plus vaste.

Ce principe d'individualisation authentique est ce que certaines traditions spirituelles ont nommé l'âme, psychè. La tradition à laquelle appartient Socrate et qui en occident s'est diffusé à travers lui reconnaît l'existence d'un tel principe psychique (à ne pas confondre ici avec notre psychologie essentiellement liée à l'ego) comme une démultiplication ou un rayonnement de l'absolu. L'âme est engendrée en son fond par cet absolu, cet Un qui s'est différencié en toutes choses. Dans le christianisme on affirme que l'âme peut être damnée et donc qu'elle n'est pas intrinsèquement de nature divine mais comme il faut bien qu'en son sein une étincelle divine l'individualise à la fois dans l'éternité et le temps, on a spéculé sur ce lieu psychique où se joue au fond notre divinisation.

Si on est libre de toute limite doctrinale, on peut comprendre que l'âme ou le principe de l'être psychique est en son fond d'abord une démultiplication de l'Un qui s'Un-dividualise en quelque sorte par là au sein de sa démultiplication matérielle, vitale et mentale cosmique et universelle. L'évolution pourrait se comprendre comme un mouvement de démultiplication de la conscience de l'Un lui-même au sein d'individus psychiques multiples. Dans un langage religieux, il semblerait que Dieu lui-même se manifeste de plus en plus complètement en un nombre infini de personnes, d'âmes personnelles. Mais ce langage revient vite à poser une âme personnelle qui confierait à la grâce de Dieu sa divinisation. La foi nous le répétons n'est pas de notre point de vue une adhésion mentale à une doctrine qui renouvelée régulièrement au travers de rites religieux suffirait à nous faire mériter notre salut c'est-à-dire la divinisation de notre esprit et de notre chair. Le secours de la grâce est essentielle certes mais aucune divinisation ne peut avoir lieu sans qu'ici même dans notre chair, notre principe d'individualisation authentique n'émerge et ne réforme cet avant-poste qu'est l'ego.

Le plus grand nombre des religieux quand il nous parle de foi religieuse ne nous parle que d'une dimension de conservation de leur ego en l'état. La foi est alors une technique de l'ego pour garder la tête dans le sable face à tout ce qui menace sa posture.

Certes il y a une dignité de l'ego mais il n'est qu'une créature séparé de son créateur (ou de ce qui le manifeste si on veut éviter de s'enfermer dans un vocabulaire théologique chrétien) et il ignore la plupart du temps son impulsion créatrice parce que certains processus auxquels l'ego s'identifie nie cette impulsion individualisante qui le manifeste. Dans ce contexte quand l'ego embrasse une foi religieuse, un tel type de foi reste aveugle à son contact avec son créateur même s'il permet parfois de sauvegarder l'espoir face à des circonstances cruelles. Ce type de foi qui reste aveugle permet alors d'accueillir ce qui permet de changer les circonstances matérielles et sociales qui valorisent le développement et la sécurité de l'ego. L'évolution mentale qui permet la technoscience et la satisfaction sociale équitable des désirs des egos ne pouvait donc que triompher si le noyau de la foi religieuse consiste majoritairement en cela. Cependant quand elle reste aveugle, la foi est prisonnière de processus idéologiques qui conduisent à rejeter sa dissolution à tout prix dans un monde technoscientifique et libéral où elle n'est plus nécessaire au processus évolutif : la foi aveugle et ignorante de sa nature devient alors de plus en plus nettement diverses formes destructrices de terrorisme de l'ego.

La foi religieuse est un reflet plus ou moins authentique de la foi psychique véritable dans la mesure où elle exprime plus ou moins un besoin d'être intérieur, une aspiration à plus d'être. Cette foi vraie qui au sein de notre ego participe à son individualisation, à son élargissement et donc sa dissolution pour directement servir l'Un-dividualisation de l'absolu finira donc par outrepasser toute limitation religieuse et toute limitation doctrinale de conceptions philosophiques et spirituelles.

La durée d'une vie humaine est donc un mouvement de flux et de reflux de ce mouvement d'individualisation universel. L'ego meurt mais quelque chose du mouvement d'individualisation dont il fût la réalisation demeure. Ce quelque chose acquis dans le temps a pris une dimension éternelle qui pourra se rejouer de nouveau à travers un tout autre ego. Ce dont nous parlons n'est pas d'un ego qui change de peau et de visage voire de costumes. Autrement dit un ego ne se réincarne pas. Ceci n'est pas vraiment non plus une transmigration de l'âme qui quitterait un corps pour loger dans un autre. Comment un principe d'individualisation s'individualisant psychiquement sur un plan tempiternel (où le temps et l'éternité se fondent) quitterait un corps pour loger dans un autre disponible ? Il y aura plutôt comme une influence psychique qui se traduira au niveau de la composition d'un nouveau corps comme la forme de la feuille dépend de celle de la brindille où elle a bourgeonnée et la forme de la brindille dépend de la feuille de la saison précèdente et aussi de toute l'histoire de l'arbre la saison passée.

Certes très rarement l'âme a conscience d'elle-même. Tout au plus y a-t-il ces moments privilégiés qui semble surnager au milieu de ce qui s'est dissous dans l'espace temps, ces moments qu'on ne regrette pas parce qu'ils sont là vivants, ces moments qui ne nous ont jamais fait souffrir aussi douloureux qu'ils aient pu être vus qu'ils nous ont fait grandir. L'ego est certainement un certain reflet de l'âme au niveau même du sentiment réfléchi de soi-même et de sa capacité de personnalisation des univers mentaux, émotionnels et même physiques mais il est aussi et trop souvent le jouet des opinions de son temps et de son entourage, des émotions de son milieu, et même des perceptions physiques de sa race. L'ego même titanisé (exacerbé plus qu'intégré à une conscience plus large) n'est donc jamais soi-même.

Notre société actuelle pourrait revendiquer une capacité d'individualisation authentique plus grande que les sociétés du passé. Pour preuve tous les discours sur "devenir soi", sur le développement personnel, l'épanouissement de la personnalité, etc.

Mais à bien y regarder nous constatons être les jouets de processus psychologiques familiaux, sociaux et nationaux. Plus globalement nous autres postmodernes qui n'imposons plus un récit global plus ou moins dogmatique et idéologique et qui n'assignons plus une place sociale à nos enfants, nous nous apercevons qu'eux et nous plus que jamais peut-être restons le jouet des désirs les plus bestiaux : recherches de reconnaissance, désirs d'appropriations et désirs sexuels.

Ce triangle que malgré nous nous transmettons à nos enfants est la cause directe entre autre des drames familiaux, des injustices économiques persistantes et du déséquilibre écologique.

La foi psychique aujourd'hui quand elle commence à s'éprouver par delà les formations émotionnelles et mentales est l'aspiration à évoluer vraiment au-delà de notre condition animale, à intégrer dans une évolution consciente de notre conscience les pulsions de vie et de mort caractéristiques de nos cellules.

Nous sommes au carrefour d'une évolution de tous nos principes d'individualisation à la fois : il faut que notre Un-dividualisation spirituelle collective rencontre notre Un-dividualisation psychique.

Nous sommes donc à un carrefour où il nous faut reconsidérer simultanément l'éducation et la vie sociale.


CONSEQUENCES SUR NOS CONCEPTIONS EDUCATIVES.

Si il y a une tempiternité d'être de l'individualisation qui s'inscrit au coeur de toute vie humaine, l'enseignement doit donc consister à réactualiser cette croissance psychique et à en favoriser le devenir. Socrate exprime-t-il autre chose à travers sa théorie de la réminiscence ? Le modèle éducatif doit s'inspirer de la maïeutique, cet art de faire accoucher l'esprit des réminiscences de sa véritable nature au-delà de tous les vernis égocentriques, sociaux, idéologiques, corporels, etc.

De ce point de vue, l'éducation qui étymologiquement signifie conduire (ducere) hors de (e(x)-) est soit un terme à rejeter soit un terme à entendre autrement.

Aurobindo en 1910 affirme en ce sens dans un article de sa revue Karmayogin :

"The first principle of true teaching is that nothing can be taught. The teacher is not an instructor or task-master, he is a helper and a guide. His business is to suggest and not to impose. He does not actually train the pupil's mind, he only shows him how to perfect his instrument of knowledge and helps and encourages him in the process. He does not impart knowledge to him, he shows him to acquire knowledge for himself. He does not call forth the knowledge that is within ; he only shows him where it lies and how it can be habitued to rise the surface. The distinction that reserves this principle for the teaching of adolescent and adult minds and denies its application to the child, is a conservative and unintelligent doctrine. Child or man, boy or girl, there is only one sound principle of good teaching. Difference of age only serves to diminish or increase the amount of help and guidance necessary ; it does not change its nature."

[ "Le premier principe d’un véritable enseignement est que rien ne peut être enseigné. Le professeur n’est ni un instructeur ni un maître d’école, c’est un guide. Son travail est de suggérer et non d’imposer. Il n'entraîne pas l'esprit de l'enseigné, il lui montre seulement comment perfectionner son instrument de connaissance et il l'aide et l'encourage dans le progrès. Il ne lui transmet pas de la connaissance, il lui montre comment acquérir de la connaissance pour lui-même. Il ne provoque pas ce qui est à l'intérieur, il lui montre seulement où ça se tient et comment ça peut s'habituer à gagner la surface. La distinction qui réserve ce principe pour l'enseignement des esprits adolescents et adultes et dénie son application à l'enfant est une doctrine conservatrice et inintelligente. Pour l'enfant ou l'homme, la fille ou le garçon, il y a seulement un principe sensé de bon enseignement. La différence d'âge sert seulement à diminuer ou à accroître la sorte d'aide et de guidance nécessaire, cela ne change pas sa nature."]


Satprem dans La génese du surhomme p.192-195 prolonge ce point de vue de manière percutante :

" Aussi bien, l'apprenti surhomme pourra-t-il commencer sa bataille tres tôt, non seulement en lui-même mais dans ses enfants, et non seulement à la naissance de l'enfant mais dès sa conception.

Nous naissons sous une cloche de plomb. Elle nous entoure bien, elle est hermétique et invisible, mais elle est la, elle coiffe nos moindres gestes, nos moindres réactions. Nous naissons "tout faits", pourrions-nous dire, mais cette facture-là n'est pas la nôtre, ni dans le meilleur ni dans le pire. C'est un million de sensations, qui ne sont pas encore des pensées mais comme des semences de désir ou de repulsion, des odeurs de crainte, des odeurs d'angoisse comme un subtil salpêtre qui tapisse nos caves : des couches et des couches de défenses et d'interdits, et quelques rares permissions qui sont comme la même fuite d'une même ruée obscure dans nos tunnels; et puis, là-dedans, un petit regard étonné qui n'y comprend rien, mais à qui l'on a vite fait d'apprendre la "vie", le bien, le mal, la géométrie et les tables de la loi - un petit regard qui se voile, qui se voile, et qui n'y comprend définitivement plus rien quand on lui a tout fait comprendre. Parce que le principe évident, naturel, est qu'un enfant ne comprend rien et qu'il faut lui apprendre à vivre. Mais il se pourrait fort bien que l'enfant comprenne très bien, même si ce n'est pas conforme à nos structures, et que nous lui apprenions seulement à enterrer sa connaissance pour la remplacer par une science toute faite, qui l'enterre pour de bon. Et nous passons trente ans de notre vie à défaire ce qu'ils ont fait, à moins que nous ne soyons un sujet particulièrement réussi, c'est-à-dire un emmuré définitif, consentant, poli et diplômé. Une bonne partie du travail consiste donc, non pas à "faire" mais à défaire cet envoûtement. On nous dira que cette lutte est fructueuse, qu'elle nous enrichit, fait nos muscles et notre personnalité c'est une fausseté. Elle nous durcit, elle nous fait des muscles militants et risque de nous enfoncer dans un "contre" aussi nocif que le "pour". Et par-dessus le marché, elle ne nous fait pas une personnalité, mais un masque, car la vraie personne est là, toute là, candide et grande ouverte, dans le regard d'un enfant qui vient de naître - on y ajoute seulement la misère de la lutte. Nous croyons formidablement, intensément, aveuglément en le pouvoir de la souffrance : c'est le sceau subconscient de toute notre civilisation occidentale depuis deux mille ans. Et peut-être était-elle nécessaire, vu l'épaisseur de notre substance. Mais la loi de la souffrance est une loi du Mensonge - ce qui est vrai sourit, c'est tout. La souffrance est le signe de la fausseté, elle va avec elle, elle est le produit de la fausseté. Et croire que cette souffrance nous enrichit, c'est croire que la tuberculose est un bienfait des dieux, encore que la tuberculose puisse nous aider aussi à briser la carapace de mensonge. Cette vertu négative, comme toutes les vertus, laisse à jamais sur nous une ombre; et même le soleil découvert est encore taché par cette ombre-là. Les coups, en vérité et par nécessité physique, laissent leur contrecoup, et font des délivres au coeur brûlant qui se souviennent d'avoir souffert. Ce souvenir-là est encore un voile sur le regard candide. La loi des dieux est une loi ensoleillée. Et peut-être toute l'oeuvre de Sri Aurobindo et de la Mère est-elle d'avoir apporté au monde la possibilité d'une voie ensoleillée où il ne soit plus besoin de souffrance ni de douleur ni de catastrophe pour progresser.

L'apprenti surhomme ne croit pas en la souffrance, il croit en l'enrichissement de la joie, il croit en l'Harmonie; il ne croit pas en l'éducation, il croit en le pouvoir-de-vérité qui est au coeur de toute chose et de tout être - il aide seulement cette vérité à croître avec le moins d'entraves possibles. Il a confiance en le pouvoir de cette vérité. Il sait que l'homme va toujours, inexorablement, a son but, en dépit de tout ce qu'on peut lui dire ou lui apprendre - il cherche seulement à supprimer ce "en dépit". Il arrose seulement cette petite pousse de vérité; et encore, avec prudence, car il est des pousses qui aiment les sables et les rocailles. "


BILAN.

L'éducation n'est pas une sortie hors de soi mais doit plutôt devenir une aide à la réminiscence du fil de l'évolution de l'âme. L'âme envisagée comme le principe d'individualisation individualisé et s'individualisant au sein de l'univers paraît une notion recevable du point de vue de ceux qui veulent prendre au sérieux la dimension subjective de l'évolution.

L'enseignant quel qu'il soit vise donc à réactualiser la tempiternité de l'âme et son modèle en occident est par excellence la maïeutique de Socrate.

Imaginons que toute famille soit face à ses enfants, comme face à une tentative d'incarnation divine du principe d'individualisation universelle ce que certains chrétiens nomment le Christ :

Aurions-nous l'idée de les mettre dans un moule éducatif ou servirions-nous leur croissance psychique qui au fond aide la nôtre aussi à croître ?