Nos conceptions de la démocratie reposent encore sur la représentation c'est-à-dire sur des systèmes de vote à majorité qualifiée. En général il s'agit de voter pour des représentants qui ensuite prennent des décisions d'ailleurs souvent contraires aux idées qui ont conduit à leur élection.
Pour plus de démocratie, il faut permettre à l'opinion de mieux se former, il faudrait un meilleur contrat entre les représentants (plus de
démocratie participative ?) et les représentés ou développer une démocratie plus directe par le biais du référendum en permettant comme en Suisse qu'une pétition regroupant tel nombre de signature y donne accès.
Ce système de vote à une majorité qualifiée a l'avantage de permettre de trancher entre un certain nombre d'options politiques en un temps restreint.
Cependant peut-on éviter avec une démocratie fondée sur un vote à la majorité qualifiée qu'une majorité tyrannise une minorité ? La solution actuelle consiste en une constitution politique qui permet de rendre anticonstitutionnel et donc illégitime une décision qui aboutirait à une telle tyrannie. Les droits de l'homme ont en préambule de notre constitution cette fonction.
Mais à vrai dire le droit reste formel et à une époque où l'on voit des politiques dessiner des citoyennetés à plusieurs vitesses sans que vraiment les gardes fous constitutionnels s'y opposent il est temps d'envisager autrement les gardes fous par rapport à des décisions majoritaires.
La démocratie actuelle fondée sur la représentation et la constitution ne semble plus très bien fonctionner. Elle connaît une désaffection des citoyens démocrates à côté de votes profondément anticonstitutionnels. Le meilleur moyen de sauvegarder nos démocraties et d'être plus sensible à des individus qui ne se reconnaissent pas dans des représentants est de produire des consensus.
Un consensus au sein d'un parti politique implique que le futur représentant sera aussi et avant tout un délégué et non quelqu'un qui doté du pouvoir de représentant agit suivant sa seule représentation.
Le consensus par compromis est décevant car chacun estime avoir au final sacrifier ses intérêts.
Le consensus par recoupements proposé par John Rawls dans ses théories politiques paraît plus forts dans la mesure où il représente non le fruit de concessions mais le fruit d'un accord. Mais ce type de consensus a à voir avec
une éthique de la discussion. Il ne peut être atteint que si les gens ont développé une certaine capacité rationnelle leur permettant de distinguer la conviction et l'argumentation, le sophisme du raisonnement, etc.
Pour former des consensus par accord et non par concessions plus ambitieux nous avons le modèle de Rousseau de la
Volonté Générale. Chacun exprime son point de vue indépendamment des autres. Une autorité extérieure au pouvoir de décision propose à partir de là une représentation de la volonté générale de tous les citoyens. Ce n'est plus un compris, ni un accord par recoupement mais une synthèse de toutes les volontés individuelles non contraires à l'harmonie collective. Cet expert est comme un auditeur qui rend à chaque individu le son que lui seul entend quand tous les individus jouent sans entendre les autres et que les sons disharmonieux avec l'ensemble produits par chaque individu sont effacés. Cette autorité partage le pouvoir et donc elle propose en retour sa représentation de la Volonté Générale à la décision de la volonté de ceux qu'elle cherche à représenter. Une représentation de la Volonté Générale doit donc pour valoir comme loi obtenir
le consentement unanime des citoyens réunis en assemblée. Le passage par une représentation de la Volonté générale atténue et/ou contourne les défauts des citoyens en ce qui concerne une éthique de la discussion.
Le consensus exigeait une éthique de la discussion supposant la rationalité. L'utopie de la Volonté Générale exige que chaque personne ait une volonté individuelle et ne soit pas simplement par sa volonté l'expression de la volonté d'un groupe d'intérêt particulier. A la rationalisation qu'exige le consensus s'ajouterait alors une nécessité d'individualisation des volontés individuelles en dehors de toute appartenance communautaire fermée.
Les penseurs et pratiquants de
la sociocratie peuvent s'inscrire dans le sillage de la Volonté Générale de de Rousseau ainsi que de l'éthique de la discussion de Jürgen Habermas. La
sociocratie est un mode de décision qui prend en compte la limite des assemblées pour une discussion mettant en valeur le consentement. Son fonctionnement basé sur un va-et-vient entre groupe de citoyens élus par consentement rationnel et cercles de citoyens peut permettre d'allier recherche de la Volonté Générale et d'amoindrir les intérêts communautaires qui faussent l'expression des volontés individuelles.
A vrai dire les approches démocratiques radicales doivent aussi prendre en compte les décalages de mentalités.
Voici une description rapide de ces mentalités :
Est-ce qu'un tel tableau peut coïncider avec celui-ci ?
Une autre façon de considérer l'évolution du politique au plus près de l'évolution des mentalités serait celle-ci :
Ce schéma contrairement au précédent montre comment chaque système d'organisation politique a sa version positive et sa version négative. Chaque mentalité a son sens du dépassement de l'égocentrisme mais aussi sa propre face égocentrique, sa manière de ramener l'égoïsme de l'ego au centre.
Dans cette approche nous envisageons une rupture spirituelle après la rupture démocratique moderne. A vrai dire la recherche de consensus ne s'est jamais cristallisé en ordre politique. La sociocratie en a plus les moyens. Mais au-delà si on prend au sérieux l'évolution des mentalités et le fait que nos sociétés offrent un éventail de mentalités diverses, il faut trouver une version d'un exercice du pouvoir non hiérarchique qui cependant permette à la mentalité la plus individualisante (cf. l'exigence spirituelle de la véritable Volonté Générale) de contrecarrer toutes les tendances inverses qu'elles soient dues à des mimétismes égocentriques, familiaux, claniques, ethnocentriques, nationaux, anthropocentriques (au dépens du reste de la nature)... L'anarchie du pouvoir est au sens strict l'absence de hiérarchie que nous recherchons dans l'exercice du pouvoir soit à travers le consensus ou la sociocratie mais donc face à ces mentalités étrangères à l'individualisation de la volonté il nous faut des autorités qui vraiment partagent ce pouvoir fondé sur l'individualisation. Reste à préciser de quelle nature pourrait être cette autorité et en quoi son développement implique après la rupture moderne des formes prémodernes d'organisation politique une rupture spirituelle.
Nous parlerons de rupture spirituelle éventuelle en ce qui concerne notre futur proche dans le domaine politique en considérant les tableaux suivants :