George Fox en donne une expression dans son Journal qu'un musulman initié au soufisme pourrait faire sienne en ayant l'expérience de la lumière divine :
Le Seigneur Dieu me révéla par son pouvoir invisible, comment ‘chaque homme était illuminé par la lumière divine du Christ’. Je la vis briller travers tous, et que ceux qui croyaient en elle sortaient de la condamnation pour aller vers la lumière de vie, et devenaient ses enfants; mais ceux qui la détestaient, et ne croyaient pas en elle, se trouvaient condamnés par celle-ci, même s’ils faisaient profession du Christ. Je vis ceci, dans les pures ouvertures de la lumière sans l’aide d’aucun homme; je ne savais pas non plus ou la trouver dans les écritures; même si après, en sondant les écritures, je la trouvai.
« D’une façon générale, le soufisme de France professe l’orthodoxie pour plusieurs raisons : - la religion Musulmane est de plus en plus prégnante en France, et elle modèle aussi les comportements des soufis, - le soufisme de France est encore imprégné du fidéisme qui prévaut en pays Musulman, - l’influence de Guénon, qui porte à l’intériorisation, reste très présente et censure des comportements de type New Age, que l’on trouve plus facilement en climat anglo-saxon. »
« S’il offre une voie spirituelle à certains Européens, le soufisme sert plus largement de médiateur entre l’Islam et l’Occident. »
« D’autres groupes se sont en revanche détachés de la forme Islamique pour mieux dégager, à leurs yeux, l’universalisme de la sagesse soufie. […]. Ils participent de ce que certains appellent le « néo-soufisme », qui désigne un courant purement occidental […].Ses représentants sont souvent des ‘‘orientaux’’ tels qu’Idries Shah (mort en 1996), en Angleterre, et Pir Vilayat Khan (mort en 2004), aux USA et en France. Les adeptes du soufisme ‘‘Islamique’’ les tiennent pour des charlatans, et rappellent qu’il n’y a d’initiation qu’à l’intérieur d’une forme religieuse définie. Pour eux, l’universalisme ne nécessite nul syncrétisme, car il s’énonce dans l’exploration de la révélation Islamique. »
Pir Vilayat Inayat Khan |
« Cette tentation d’opposer un soufisme pur, idéal, à son expression confrérique n’est pas sans rappeler la tendance actuelle à séparer systématiquement le soufisme de l’Islam. »
Toutefois ce genre de condamnation des groupes spirituels non affiliés religieusement n’est-il pas courant aussi dans le christianisme, l’hindouisme ou le bouddhisme qui, bien que modernisés, ne parviennent pas à rentrer de plein pied dans la postmodernité ? Si assumer la postmodernité revient à développer une approche spirituelle sans religion ou une spiritualité laïque comme l’affirment certains penseurs de cette mentalité ou de la mentalité hypermoderne dans laquelle nous nous reconnaissons, on peut comprendre assez bien cette suspicion et ses limites spirituelles.
« Plus récemment, Abdennour Bidar a proposé d’abroger radicalement les versets qui ne s’accordent pas avec notre modernité, et relativisé, pour le moins, le statut des « piliers de l’Islam ». Face à ces pistes aventureuses, l’approche spiritualiste apporte son concours méthodologique car elle ne cède pas à la tentation d’une lecture dualiste, qui oppose une scission au sein même du texte. »
Lisons Abdennour Bidar dans Le monde des religions :
Vous parlez de « maladie de l’islam » sans (apparemment) prendre en compte la diversité des interprétations, des cultures que recouvre ce terme : n’est-ce pas essentialiser une problématique plus complexe ?
Les traditionalistes musulmans deviennent de plus en plus sociologues et certains sociologues, vaincus par leur empathie naturelle, viennent de plus en plus au secours des traditionalistes musulmans… Les uns et les autres veulent toujours plus excuser l’islam et le déclarer irresponsable de ces maladies qui pourtant, à des degrés divers, s’observent d’un bout à l’autre du monde musulman. à chaque fois qu’on veut mettre en question la religion islam, ils resservent ainsi un discours de victimisation sur les banlieues. Cette dimension sociologique existe. Elle n’empêche pas de dire qu’en plus de la crise sociale, il existe une crise spirituelle, notamment une tragique sous-culture religieuse de tant de musulmans vis-à-vis de leur propre religion, qu’ils réduisent à tous ses stéréotypes les plus médiocres.
Ce que je n’accepte pas dans le discours de gens comme Tariq Ramadan, c’est la volonté cousue de fil blanc de masquer la question religieuse à travers cette analyse sur la condition sociale des populations musulmanes. Autre mauvaise foi : on fait à nouveau plaisir à de nombreux intellectuels occidentaux en se saisissant du concept d’essentialisation. Ramadan se sert ainsi des concepts de réforme, de liberté de conscience, etc. : tout y passe et rien n’est utilisé selon son vrai sens. Au nom d’un refus de toute essentialisation, il juge la critique de l’islam non recevable.
Mais tout en évitant de généraliser, il y a évidemment dans toutes les sociétés musulmanes un ensemble de récurrences extrêmement tenaces et critiquables. Au-delà des différences entre sociétés ou communautés musulmanes, on trouve ainsi des maladies chroniques (dogmatisme, formalisme, machisme, etc.) à différents stades de crispation. Elles sont bel et bien « essentielles » et non « accidentelles », parce qu’elles sont devenues caractéristiques de l’histoire de l’islam et de l’islam contemporain. En réalité, le seul but des traditionalistes qui prennent seulement le masque de la modernité – en parlant le langage des intellectuels de l’Occident – est de défendre un islam inchangé.
Ces spiritualités se réfèrent à des héritages religieux mais sans plus se soucier de préserver une orthodoxie. Leur souci consiste seulement à aider un chercheur spirituel à vivre et évoluer de manière créative dans et à partir de cet essentiel. Partant de ce retournement entier dans la lumière essentielle, elles peuvent finir à l’évidence par élaborer une « religion » de l’humanité authentique. Mais dès lors la postmodernité qui consacrait la fin de toute Vérité absolutiste ou totalitaire, de tout Métarécit culturel par rencontre des autres cultures ferait place à ce qu'on pourrait appeler une hypermodernité.