1) ANALYSE DU PROBLÈME :
Se poser la question de la laïcité revient à se poser selon nous les questions de savoir d'une part si liberté(s) et religion(s) s'excluent et d'autre part si un espace politique peut être conçu pour éviter cette exclusion entre liberté(s) et religion(s).
A - LA TOILE DE FOND DE NOTRE RÉFLEXION :
Nous considérons avant tout l'unité et la diversité du phénomène religieux sous l'angle du
rapport à la liberté comme représentation du rapport communauté/individu et des
expériences de libération spirituelle.
On peut
considérer une approche anthropologique et phénoménologique qui voit un
ensemble d’éléments communs à toutes les religions :
Cette schématisation pointe aussi les tendances du religieux à créer des exclusions pour produire des inclusions :
Mais on peut
insister sur la nécessité de considérer différents types de religiosité en
fonction précisément des représentations du sens communautaire et du sens de
l’individualité.
Nous partons aussi de l’hypothèse d’une évolution des mentalités dans les différentes cultures telle que la spirale dynamique de Clare Graves, Don Beck et Christopher Cowan l’interprète :
Nous partons aussi de l’hypothèse d’une évolution des mentalités dans les différentes cultures telle que la spirale dynamique de Clare Graves, Don Beck et Christopher Cowan l’interprète :
Ceci
s’applique évidemment aux cultures religieuses :
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Le rapport
entre liberté et religion met donc en jeu les représentations et donc les
mentalités qui définissent un rapport entre communauté et individu.
On peut tenter
de peaufiner cette conception en suivant le philosophe américain Ken Wilber qui
intègre l’idée que la dimension spirituelle d’une mentalité religieuse touche à
des dimensions de vécu commun avec celle d’une autre qui semble plus
élaborée :
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Sur la ligne
verticale de ce schéma inspiré du philosophe américain Ken Wilber, nous avons
les différents types de conceptions communautaires attachées aux différents
types de religiosité. Sur la ligne horizontale nous avons le rapport entre un
type de mentalité religieuse et différents niveaux de spiritualités compris ici
comme perception de l’intériorité [Voir en annexe 1 le dernier tableau qui
image davantage cette ligne horizontale].
Ce schéma n’exclut donc pas que certaines
expériences spirituelles liées à une mentalité prémoderne par exemple peuvent
être plus profondes que d’autres liées à une mentalité hypermoderne moins
superstitieuse...
Cette approche
nous invite donc à distinguer libération spirituelle et représentations
mentales religieuses de la liberté dans le rapport entre communauté et
individu.
B - REPRISE DU PROBLÈME : On peut envisager la liberté sur 3 plans et reposer la question du rapport entre religion(s) et liberté(s) relativement à ces 3 plans.
Il y a à
l’évidence un domaine politique de la liberté qui demande de concilier la
liberté de conscience et d’expression individuelle avec les contraintes
sociales nécessaire à l’établissement d’un État conférant aussi aux individus
une puissance résultant du collectif sans laquelle la liberté individuelle
resterait impuissante.
Comment valoriser la solidarité républicaine tout en
promouvant les libertés individuelles y compris religieuses ? Comment
éviter l’éclatement de l’État républicain à cause d’un affrontement des
communautarismes religieux et ethniques ? Comment ne pas sacraliser le
républicanisme au point de mépriser les garanties libérales de la liberté
individuelles ? Faire une religion républicaine qui aurait l’exclusivité
du politique ne saurait convaincre de l’inopportunité du communautarisme
religieux à prétention théocratique plus ou moins avouée. La religion est ici
essentiellement ce que des latins comme Augustin considère comme son origine
étymologique à savoir « religare » (re-lier). Autrement dit la
religion est ici à la fois d’une part lien communautaire prescrivant sacrifice
et dénonçant sacrilège et d’autre part elle est lien personnel et intime au
divin ou du moins à une représentation du divin.
Il y a un
domaine moral où se joue la liberté. Agit-on par penchant psychologique
pulsionnel ? Si tout acte se réduisait à des penchants le causant, toute
conception de la responsabilité morale serait sans aucun doute obsolète. Toute
religion propose de briser le cercle de l’action et de sa justification par les
préférences immédiates des penchants. Agit-on par contrainte(s) sociologique(s) plus
ou moins intériorisée(s) ? Ou devons-nous développer une réflexion rationnelle
caractéristique d’un arbitre libre et donc autonome ? L’hétéronomie n’est-elle
pas le fait essentiel des religions ? Et dans ce cas l'éducation laïque à l'autonomie réflexive exclut les conceptions religieuse traditionalistes nourrissant la seule hétéronomie.
L’infantilisation religieuse de nos
comportements est-elle la norme de toute pensée religieuse ? Ou bien n’est-elle le fait que des
niveaux de mentalités prémodernes de la vie religieuse ? La religion comme
respect scrupuleux d’un corps de pratiques et de rituels croise le sens de
« religere » en latin que Cicéron affirme être l’étymologie véritable
du mot religion.
Enfin il y a
un domaine spirituel qui met en jeu la libération de notre misère
existentielle. Ceci ressort au domaine de la liberté au sens métaphysique. Car
aurait-on une perfection morale et politique, nous resterions confrontés aux
questions de la mort et si l’on reculait les frontières de la mort ce serait la
question du sens de la vie et donc de la manière de vivre qu’il faudrait reposer.
D’ailleurs concernant l’amour et le bonheur, la morale n’a que ses exigences à
rappeler et ses devoirs d’espérance à réitérer et non des clés précises
d’obtention à suggérer. La politique et la morale peuvent créer des conditions
matérielles et sociales favorables à l’amour et au bonheur mais non les
susciter comme vécu personnel. L’enjeu est de savoir si les religions dans la
situation présente permettent de surmonter la misère existentielle par
affaiblissement de la vitalité, ce que Nietzsche a pointé comme l’aboutissement
nihiliste de nos civilisations ou si elles offrent encore des potentialités
d’assumer nos insatisfactions existentielles en vivifiant nos existences et nos
cultures. Ici il faudrait penser la religion dans le droit fil du linguiste Emile
Benveniste qui assigne à la religion l’étymologie de « religere »
mais au sens de recueillement extérieur et intérieur.
I - FAIBLESSES DU CHEMINEMENT SPIRITUEL INDIVIDUALISTE FACE AUX FORCES RELIGIEUSES COMMUNAUTARISTES.
A - TOUTE RELIGION PROMET DE SE LIBÉRER DES DIFFICULTÉS SPIRITUELLES POSÉES PAR LA MORT, LE SENS DE LA VIE ET LA QUÊTE DU BONHEUR.
Elle peut
proposer des techniques spirituelles de recueillement (religere) pour
expérimenter intérieurement des réponses vécues. La méditation inspirée des
pratiques bouddhistes, le yoga emprunté aux enseignements hindous, le qi gong
issu du taoïsme connaissent un succès grandissant dans les populations
postmodernes. Mais ces gens appartiennent-ils à une religion ? Ils font un
usage respectueux de spiritualités religieuses mais appartiennent-ils vraiment
à une religion ? Ne créent-ils pas leur propre religiosité ? Si une
synthèse rationnelle est possible, leur liberté et leur religiosité se
« synergiseront » sans doute.
Avant de
moquer à l’emporte-pièce cette démarche comme irrationnelle et d’émettre des
doutes et des critiques légitimes, notons qu’elle prolonge dans les mentalités
postmodernes la démarche moderne des lumières consistant à extraire des
religions dogmatiques, superstitieuses et intolérantes une spiritualité déiste
tolérante, rationnelle et ouverte aux critiques et aux doutes. Les lumières ont
légitimement opposé aux religions prémodernes une théologie naturelle et
rationnelle auto-suffisante. Reconnaissons que ces démarches purificatrices
modernes ont produit l’humanisme des droits de l’homme édictés sous les
auspices de l’être suprême.
Donc rien n’interdit de voir dans ces tentatives postmodernes de libération spirituelle une prolongation de la démarche moderne de rationaliser et de séculariser les spiritualités religieuses judéo-chrétiennes engoncées et souvent étouffées dans leurs dogmes intolérants et superstitieux.
Donc rien n’interdit de voir dans ces tentatives postmodernes de libération spirituelle une prolongation de la démarche moderne de rationaliser et de séculariser les spiritualités religieuses judéo-chrétiennes engoncées et souvent étouffées dans leurs dogmes intolérants et superstitieux.
B - LES FAIBLESSES DU CHEMINEMENT SPIRITUEL INDIVIDUALISTE.
i) Si leurs penchants l’emportent, leurs cheminements n’aboutissent qu’à du syncrétisme, leur religiosité ne sera qu’une élaboration de leur désir prérationnel.
À Romain Rolland qui jugeait la critique athée de Freud un peu expéditive, du fait de son ignorance des expériences de sentiment océanique, Freud rétorqua en nourrissant un soupçon nouveau contre toute forme de religiosité : elle chercherait à satisfaire une nostalgie de l’état fusionnel psychique fœtale. En effet le fœtus a une vie psychique pré-égotique et irrationnelle en parfaite fusion avec son environnement maternel. Cette harmonie avec l’univers sera donc obtenue par des pratiques extatiques visant à affaiblir le sens de la séparation entre soi, les autres et le monde caractéristique de l’ego et de la rationalité sujet-objet.
À vrai dire toutes les méthodes spirituelles de relaxation ne sont-elles pas fondées sur l’abolition momentanée des frontières psychocorporelles de notre individualité ?
Paradoxe de la postmodernité, l’individualisation la plus radicale de la spiritualité religieuse dont la démarche semble la plus contraire à tout communautarisme aboutit à chercher la dissolution la plus exacerbée de notre personnalité.
Le succès du néo-chamanisme s’explique assez bien de ce point de vue. En effet le pratiquant néo-chamane use des rythmes musicaux proches du rythme cardiaque, de rythmes respiratoires proches de ceux du bébé, de drogues hallucinogènes ou du milieu chaud et humide d’une tente de sudation, toutes conditions évoquant l’État fœtal et favorisant l’infantilisation.
ii) [Critique :]
Certes même un
délire spirituel syncrétique consacrera incontestablement une liberté individuelle
de conscience et d’expression sans précédent. Mais que vaut une telle démarche
si elle est impuissante faute de sens communautaire à résister à la montée de
communautés religieuses solides et attirantes parce que bien délimitées par des
clôtures dogmatiques et capables de revendiquer une tradition spirituelle
éprouvée et balisées ?
II - MAIS LE TRADITIONALISME RELIGIEUX NE SE FONDENT-ILS PAS SUR LA DÉMISSION DE TOUTE AUTONOMIE RÉFLEXIVE ET DE TOUT SENS DE SON AUTORITÉ PERSONNELLE ?
A- LA FOI RELIGIEUSE NE PLONGE-T-ELLE PAS SES RACINES DANS UN GESTE IRRATIONNEL DE CONFIANCE IRRÉFLÉCHI ?
Souvent les
démarches religieuses traditionnelles proposent prosaïquement de se relier
(religare) au divin par la foi pour espérer malgré tout. La mort, l’absurdité
apparente de la vie humaine et l’aspiration à l’amour et au bonheur sont
d’abord surmontées par un acte de foi qui trouve certainement sa source dans
les mentalités premières de communautés dont la survie n’était pas assurée.
Cette méthode de fixation de la confiance existentielle procède par ténacité
aveugle comme une autruche tête dans le sable qui refuse de voir tout ce qui la
menace. Elle a le mérite de ne pas succomber aux sirènes de la dépression dont
nos contemporains agnostiques sont plus souvent victimes que les membres de
communautés religieuses traditionnelles.
B- CEPENDANT CET AVANTAGE ANTIDÉPRESSEUR DE LA FOI OUVRE LA PORTE À DE NOMBREUX INCONVÉNIENTS ANTIPHILOSOPHIQUES.
La religion
suscite alors en effet une perte d’autonomie réflexive qu’elle compense en
s’appuyant sur l’autorité d’une tradition. Pour fixer la croyance en l’autorité
de la tradition, il faut la sacraliser.
i)
Premièrement il faut se comporter scrupuleusement dans l’effectuation de rites
ou de pratiques la réactualisant (religere) quitte à craindre une damnation
éternelle. Paradoxe, il faut pour nourrir la confiance existentielle et se
libérer de l’angoisse de vivre et de mourir développer la crainte de ne pas se
racheter ou de sauver son âme. La confiance existentielle religieuse se nourrit
de récits miraculeux ou mythologiques mêlant les rachats miraculeux avec des
damnations terrifiantes. La cohérence des traditions religieuses est donc forte
et comporte une connaissance indéniable de la puissance symbolique. Mais renforcer
l’autorité de la tradition par le développement interprétatif de la cohérence
des symboles ignore comment la méthode scientifique donne d’abord autorité à
des faits objectifs pour tester les théories.
ii)
Deuxièmement il faut assimiler tout questionnement à des doutes profanant
l’autorité sainte fondant la tradition. La libre pensée et le sens de sa propre
autorité personnelle deviennent alors sacrilèges. Ce sont des refus de
sacrifier sa petite personne au salut religieux de la communauté. C’est une trahison
de la puissance de notre identité religieuse collective (religare).
C- [Critique :]
Ainsi le
traditionalisme religieux pour conforter l’autorité de sa tradition voit un
danger dans toute tentative de forger le sens personnel de sa propre autorité
par l’usage d’une autonomie réflexive. Les religions traditionnelles s’opposent
donc à première vue à des spiritualités philosophiques centrées sur
l’émancipation de la réflexion personnelle. La critique anarchiste des
religions traditionalistes y voit des pourvoyeurs de la logique de domination
hiérarchique antidémocratique. Mais une politique valorisant l’émancipation des
logiques hiérarchiques de domination à marche forcée imposant l’athéisme par la
force ne reconduit-elle pas au dogmatisme intolérant des idéologies
religieuses ? Historiquement il nous faut reconnaître que les persécutions
les plus meurtrières en matière de croyance émanent des idéologies communistes.
Les persécutions religieuses ou les actes terroristes motivés par la religion
auront fait des victimes et des guerres certes nombreuses et questionnaires sur
l’opportunité d’adhérer à des traditionalismes religieux mais les assassinats
massifs opérés au nom de l’émancipation athée sont tout aussi questionnaires et
malheureusement plus nombreuses.
III – VERS UNE LAÏCITÉ RÉPUBLICAINE 3.0.
PRÉAMBULE - Avec la
laïcité républicaine nous pensons que la liberté personnelle et collective
comme solidarité non communautariste n’exclut pas la liberté de croyance (ou
d’incroyance) religieuse. La laïcité républicaine est une communauté citoyenne
ouverte au pluralisme qui peut renforcer réciproquement la liberté de croyance
(incroyance) religieuse, l’authenticité spirituelle et l’autonomie réflexive
philosophique.
A- Le républicanisme laïque ne
vise pas à créer une religion civile mais une solidarité fondée non sur la
sacralisation d’une uniformisation identitaire mais sur l’émancipation
pluraliste du dogmatisme idéologique, traditionaliste et communautariste. Ici
nous estimons que la nostalgie d’une sacralité républicaine comme la pense
Régis Debray revient à faire de la laïcité une religion civile à laquelle les
religieux traditionalistes doivent adhérer.
On peut
apprécier ce rapport de force qui vise à sanctuariser l’espace public en le
sacralisant. Mais on peut en un sens sanctuariser l’espace public en imposant
dans son champ le respect de l’égalité homme-femme et donc de la mixité
citoyenne. On peut sanctuariser la neutralité laïque en interdisant aux mineurs
en position d’hétéronomie vis-à-vis de leur famille et de leur communauté
d’arborer tout signe religieux marquant leur appartenance.
B- Toutefois on doit
reconnaître que cette sanctuarisation objet de passions politiques revient à
stigmatiser plus certaines appartenances religieuses que d’autres. La laïcité
est aujourd’hui souvent victime d’une annexion à des causes politiques
identitaires dommageables. Grosso modo on invoque la laïcité pour stigmatiser
des options religieuses qu’on juge une menace pour la stabilité d’une identité
nationale ancestrale. On confond la lutte légitime contre les replis
identitaires et religieux qui menacent la cohésion de la solidarité nationale
avec la crispation sur une identité nationale elle-même dogmatique,
mythologique, intolérante et ego-centrique.
C- Rappelons que la laïcité
entend au sens authentique participer de mœurs favorables à la liberté de
conscience et d’expression. La laïcité se réclame de l’humanisme des Lumières
qui a produit les droits de l’homme dont liberté de conscience et d’expression
sont des principes centraux. De fait elle implique une dimension de neutralité
au sens d’une tolérance vis-à-vis des croyances dès lors qu’elles sont capables
de vertu de tolérance. Mais cette neutralité n’est pas inopérante et sans
valeur. La laïcité assure à chaque individu la possibilité de prendre ses
distances avec une communauté de croyances dans laquelle pourtant il a pu être
immergé jusqu’à penser que toute autre croyance était illusoire même s’il
s’efforçait de demeurer tolérant. Cette distanciation ne sera pas forcément en
rupture avec sa croyance passée ou conversion à une autre croyance mais la
laïcité comme espace de neutralité solidaire et républicain permet de
réinterpréter librement sa croyance. La laïcité si elle impose son espace de
neutralité à tout engagement religieux ou spirituel leur donne une dimension
d’autonomie et de libre choix. La présence de la république laïque dans chacun
de ses territoires préservera au moins cette dimension même au cœur de
croyances qu’on peut juger infantilisantes, superstitieuses, dogmatiques,
irrationnelles ou communautaristes même si pour apparaître
républicano-compatibles elles jouent le jeu de la tolérance. Des événements de
conversion ou des critiques internes sous la pression de critiques externes
légitimes amèneront certainement des évolutions de plus en plus favorables à la
liberté de conscience et d’expression. L’espace laïque permet aussi un espace
de réflexion et de dialogue argumenté où l’affirmation pure et simple de ses
convictions rencontre inexorablement les exigences de l’argumentation
rationnelle.
D- Nous devons cependant
insister sur le fait que la liberté de conscience est la garante d’un
engagement religieux plus profond. La crainte des flammes de l’enfer si commune
aux religions traditionalistes pour les mécréants produit des êtres peu
capables de spiritualité profonde. Quand je suis une morale par crainte de
l’enfer et désir d’une récompense paradisiaque, j’agis encore de manière
intéressée. Cette religion traditionaliste limitée à cette approche s’avère un
marchandage avec le divin digne de ces temps où l’on sacrifiait des êtres
vivants ou des êtres humains pour calmer les dieux irritables et menaçants.
Ceux qui trouvent ce portrait caricatural considéreront les dérives terroristes
de religieux traditionalistes où on sacrifie des vies humaines de mécréant au
profit d’un dieu sanguinaire et guerrier.
Lorsqu’avec la conception libérale de la laïcité, telle que Locke l’esquisse et que Bayle l’élargit, on envisage l’espace publique comme un espace d’émulation au service désintéressé des autres, chaque spiritualité religieuse ou philosophique est mise au défi d’être un authentique chemin d’ascension vers le sommet commun de l’amour pur et désintéressé des autres. Autrement dit ma communauté spirituelle exclusive est une affaire privée pas forcément portée à l’exclusion mais qui doit faire idéalement de moi un citoyen vertueux et solidaire matériellement avec tous les citoyens de quelque appartenance religieuse et philosophique qu’ils soient.
Lorsqu’avec la conception libérale de la laïcité, telle que Locke l’esquisse et que Bayle l’élargit, on envisage l’espace publique comme un espace d’émulation au service désintéressé des autres, chaque spiritualité religieuse ou philosophique est mise au défi d’être un authentique chemin d’ascension vers le sommet commun de l’amour pur et désintéressé des autres. Autrement dit ma communauté spirituelle exclusive est une affaire privée pas forcément portée à l’exclusion mais qui doit faire idéalement de moi un citoyen vertueux et solidaire matériellement avec tous les citoyens de quelque appartenance religieuse et philosophique qu’ils soient.
E- La laïcité républicaine
n’est pas seulement un espace de neutralité protégeant le libre choix des
consciences comme Jean Jaurès le rappelle mais aussi un espace spirituel
d’émancipation et de formation du sens d’être sa propre autorité. Ici
l’éducation aux formes diverses de la rationalité, aux méthodes scientifiques,
aux arts de l’interprétation des sciences humaines ou encore au fond culturel
humaniste est loin d’être neutre. Certes le citoyen a la liberté de conscience
et on ne peut pas lui imposer par la contrainte d’adhérer à l’évolution des
espèces, à la critique philosophique et sociologique des hiérarchies
traditionalistes contraires à l’esprit démocratique. Mais notre laïcité impose
d’étudier ces points de vue à l’école, d’en voir et d’en tester les tenants et
aboutissants...
F- De ce point de vue, les
neurosciences et la psychologie validant les apports bénéfiques de la
méditation de pleine conscience telle qu’elle a été extraite de son contexte
religieux bouddhistes, ne devra-t-on pas non plus introduire ce type de
technique dont il a été montré qu’elle ne dépersonnalise pas en émondant le
sens de la séparation entre soi, les autres et le monde mais qu’au contraire
elle donne à ses pratiquants une meilleure attention et concentration utiles
dans les apprentissages ainsi qu’une meilleure gestion du stress facilitant le
développement de ses capacités personnelles. Notre conception de la laïcité
veut éviter un combat moderne simpliste contre l’obscurantisme des
traditionalismes religieux au risque d’en ignorer les apports spirituels
parfois inemployés. Mais elle veut aussi éviter de se promouvoir comme
ouverture postmoderne au pluralisme des croyances religieuses, spirituelles et
philosophiques en renonçant à l’émancipation de l’hétéronomie communautariste.
Notre conception veut devenir une plateforme hypermoderne de la constitution
d’une science spirituelle dont les religions auront été seulement précurseur...
Elle veut arracher l’or spirituel des grands fleuves des traditionalismes
religieux que les crispations identitaires face à la modernité précipitent dans
l’oubli au lieu de les faire briller pour toute l’humanité. Elle veut non pas une
coexistence pacifique des cultures spirituelles, religieuses et philosophiques
mais elle veut contribuer à favoriser de nouvelles synthèses spirituelles comme
dans le passé le judaïsme procède certainement d’une synthèse incluant et
dépassant des apports du zoroastrisme avec des éléments de spiritualité
égyptienne. Comme la théologie chrétienne dès son émergence dans le Nouveau
Testament intègre des éléments des spiritualités philosophiques grecques. Comme
l’ésotérisme soufi musulman s’avère lui-même une synthèse spirituelle des
éléments coraniques hérités du judéo-christianisme, de techniques spirituelles
néoplatoniciennes de l’école de Bagdad fondée après que l’empereur chrétien ait
fermé les écoles néoplatoniciennes de son empire et enfin certainement d’éléments
venus du tantrisme hindou ou bouddhiste comme les centres psychocorporels al-Laṭaʾif
as-Sitta que le yoga tantrique nomme chakras. D’ailleurs l’affirmation
historique d’une unité transcendante des religions à partir de leurs
spiritualités a émergé du IXe au XIIe siècle dans les
milieux soufis musulmans [voir annexe].
Cette idée hypermoderne
d’une sortie de l’étroitesse des traditionalismes religieux en s’appuyant sur
le caractère universel des sciences spirituelles traditionnelles de
l’intériorité aurait donc un précédent dans la tradition spirituelle de la
religion la plus décriée par les modernes mais malheureusement la plus ignorée
de ses propres adeptes les plus traditionalistes.
Une laïcité
hypermoderne transformerait donc les spiritualités religieuses qui souvent
malheureusement cautionnent encore l’hétéronomie religieuse et les
communautarismes dogmatiques en philosophies spirituelles rationnelles,
partageables et libératrices nourrissant une culture républicaine d’égalité, de
liberté et de fraternité transcendant et intégrant les cultures multiples des
citoyens.
OUVERTURE
On pourra prolonger la réflexion ci-dessus à l'aide d'une conférence vidéo d'Abdennour Bidar dont son livre Les Rencontres de la laïcité aux éditions Privat est issue :
On pourra prolonger la réflexion ci-dessus à l'aide d'une conférence vidéo d'Abdennour Bidar dont son livre Les Rencontres de la laïcité aux éditions Privat est issue :
ANNEXE 1 SUR L’ÉVOLUTION DES MENTALITÉS ET LES DIVERSES CONCEPTIONS DE LA LAÏCITÉ EN JEU ICI :
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ANNEXE 2 SUR L’UNITÉ TRANSCENDANTE DES RELIGIONS DANS LE SOUFISME MUSULMAN :
« Hallâj
[né vers 857 (ou 244 de l’Hégire), mort le 26 mars 922 (ou 309 de l’Hégire) à
Bagdad] professe évidemment l’universalisme de la « Religion
primordiale ». Après avoir tancé un musulman qui s’en prenait à un juif
sur le marché de Bagdad, il a ces mots : « J’ai réfléchi sur les
dénominations confessionnelles, faisant effort pour les comprendre, et je les
considère comme un Principe unique à ramifications nombreuses. »
[...]
Ibn ‘Arabî [né
le 7 août2 1165, à Murcie, en al-Andalûs (Empire Almohade) , et mort le 16
novembre 12403, à Damas] en arrive à une autre conclusion : quel que soit
le destinataire du culte que voue l’homme (Dieu dans ses diverses nominations,
mais aussi la nature ou même les idoles), c’est toujours Dieu qu’il adore, même
s’il n’en est pas conscient. Tel est le sens de ce fameux poème :
Mon cœur est
devenu capable de toutes les formes
Une prairie pour les gazelles, un couvent pour les moines
Une prairie pour les gazelles, un couvent pour les moines
Un temple pour
les idoles, une Ka‘ba pour le pèlerin,
Les Tables de la Thora, le Livre du Coran.
Je professe la religion de l’Amour, et quelque direction
Que prenne sa monture, l’Amour est ma religion et ma foi. »
Les Tables de la Thora, le Livre du Coran.
Je professe la religion de l’Amour, et quelque direction
Que prenne sa monture, l’Amour est ma religion et ma foi. »
Ceci est
extrait de :
Toutefois cet
article d’Eric Younès Geoffroy défendant l’unité transcendante des religions
nous semble discutable de notre point de vue que nous affirmons laïque et
hypermoderne.
Cette approche défend une position exclusiviste en affirmant que chaque chemin religieux pour mener au sommet spirituel commun à toutes les religions doit être suivi de façon radicale.
Premièrement, notre approche affirme que les mentalités religieuses évoluent. Or cette approche exclusiviste va insister sur la pérennité de la dimension spirituelle des religions.
Deuxièmement, selon cette approche exclusiviste de l’unité transcendante des religions, notre idée de tirer une science spirituelle en synthétisant des expériences spirituelles en dehors de leur religion d’émergence serait anti-traditionnelle et vouée à l’errance spirituelle. Cet argument nous semble contraire à l’esprit spirituel de la laïcité qui s’ancre lui dans la tradition philosophique...
Nous pouvons situer cette approche exclusiviste de l’unité transcendante des religions dans notre spirale des mentalités : elle reste une infiltration pré-moderne de la critique postmoderne de la conception moderne de la laïcité.
AU-DELÀ LA SOCIÉTÉ 3.1 ? UNE SOCIÉTÉ CENTRÉE SUR LA PSYCHISATION ENTENDUE COMME ÉMERGENCE CONSCIENTE DE L’ÉVOLUTION DE L’ÂME ?
Cette approche défend une position exclusiviste en affirmant que chaque chemin religieux pour mener au sommet spirituel commun à toutes les religions doit être suivi de façon radicale.
Premièrement, notre approche affirme que les mentalités religieuses évoluent. Or cette approche exclusiviste va insister sur la pérennité de la dimension spirituelle des religions.
Deuxièmement, selon cette approche exclusiviste de l’unité transcendante des religions, notre idée de tirer une science spirituelle en synthétisant des expériences spirituelles en dehors de leur religion d’émergence serait anti-traditionnelle et vouée à l’errance spirituelle. Cet argument nous semble contraire à l’esprit spirituel de la laïcité qui s’ancre lui dans la tradition philosophique...
Nous pouvons situer cette approche exclusiviste de l’unité transcendante des religions dans notre spirale des mentalités : elle reste une infiltration pré-moderne de la critique postmoderne de la conception moderne de la laïcité.
AU-DELÀ LA SOCIÉTÉ 3.1 ? UNE SOCIÉTÉ CENTRÉE SUR LA PSYCHISATION ENTENDUE COMME ÉMERGENCE CONSCIENTE DE L’ÉVOLUTION DE L’ÂME ?