vendredi 3 juillet 2009

VISION SANS TETE ET MOUVEMENT INTEGRAL : OU SITUER LA VISION SANS TETE DANS L'EVOLUTION DES MENTALITES ? EPISODE 2.


Douglas Harding a-t-il une pertinence dans l'approche intégrale dont Ken Wilber est le penseur le plus en vue ? Quand on vit la Vision sans tête proposée par Douglas Harding, ce questionnement représente surement beaucoup de blabla inutile : il s'agit davantage de voir plus que de penser.


Donc pour aller vite, du point de vue de la Vision sans tête, le "JE" en qui tout est vu, senti, conscient y compris la vacuité qui le compose reste PREMIER dans sa simplicité directe par delà tout blabla. Car après tout c'est dans la fluidité de la source "JE" que toute évolution authentique de l’univers prend sa source. Parfois je remarque que JE SUIS la source ne peut pas s’oublier soi-même en arrière plan quand moi le petit il me semble l’avoir oublié. C’est JE SUIS qui toujours se rappelle à lui-même, il est l’origine et le fond des formes quelles qu’elles soient y compris celles en moi qui me ramène à lui. Partant de là, le JE SUIS ne me semble pas un simple quadrant d’un quatre quadrants en évolution mais son centre source et sa manifestation toute entière.


Par exemple les quadrants droits ne supposent-ils pas une objectivité fondé en dernier ressort sur une manifestation de JE SUIS, l'unique authentique première personne ?




Mais s’il me faut m’adresser à un wilbérien, je devrais être bien plus nuancé (c’est-à-dire blablater davantage pour partager au final ce qui se voit simplement par delà la pensée et que Wilber sait voir).
Si je comprends bien le point de vue de Wilber dans Integral Spirituality, je pense que dans le quadrant le « JE SUIS » (I) (sup gche) n'est pas autre que le « NOUS », le « TU ES» (WE) (inf gche), le « IL EST » ou « CELA » (IT) (sup dt) et le « CE SONT » (ITS) (inf dt). Si chacun de ces noms a pour Wilber une résonance spirituelle, c’est parce que ce sont des points de vue d'une seule et même réalité même si partant de l'un, ils s'éclairent l'un l'autre différemment. De son point de vue, Tout est JE. Mais en rester là c'est manquer la dimension collective du JE aperçu avec son TU ainsi que sa substance matérielle (CELA) et ses formes organisées LE MULTIPLE (CE SONT).


Au fond je crois voir là une espèce de parallélisme de la matière et de l'esprit à la Spinoza renouvelé par les données de l'évolution matérielle et biologique ou par une tentative d'élaborer du point de vue historique et sociologique un évolutionnisme des mentalités. Pour lui matière et esprit sont irréductibles. Par exemple, dès la période des Trois yeux de la connaissance, Wilber avait critiqué ceux qui ramenaient trop facilement la conscience à la réalité quantique, la vacuité de la conscience au vide quantique. Douglas est-il ici critiqué du point de vue de Wilber ? Wilber s'appuie sur les traditions spirituelles pour mettre en cause ce point de vue en arguant que le corps subtil (pour aller vite : éther, air, feu, eau) est précisément un pont entre la vacuité et la matière grossière (terre). La mécanique quantique décrit cette matière grossière et même si elle est à l’image de la vacuité spirituelle alocale, acausale, etc. cela n’autorise pas selon lui à confondre vide quantique et vacuité.
Ceci mènera dans son livre Integral Spirituality à son perspectivisme : on peut aussi parler du JE SUIS à partir du point de vue TU ou du point de vue CELA. Et quand on parle du JE SUIS, il faut selon lui remarquer que le vécu du JE SUIS s’inscrit forcément dans un comportement et un discours relatif à ce vécu. Il distingue donc le propos herméneutique et phénoménologique sur le JE SUIS du vécu JE SUIS en montrant que cette distinction est en un sens impossible. Ainsi le vécu JE SUIS s’inscrit toujours dans une culture donnée. Pour Wilber il n’y a donc pas un seul vécu JE SUIS. Il y a autant de vécu JE SUIS que de cultures dans laquelle il est vécu. Ceci induit son Wilber-Combs lattice où les expériences spirituelles du JE SUIS s’inscrivent dans des niveaux de mentalités divers mais hiérarchisés.
Pour bien répondre à Wilber, il me paraît nécessaire de montrer que ce que la Vision sans tête nous permet de vivre en terme de JE SUIS :
1) est forcément implicitement à la pointe de l’évolution des mentalités que les intégralistes comme Wilber décrivent.

J’ai esquissé dans l'épisode 1 les raisons de penser que Douglas parcourt toutes ces mentalités lorsqu'il nous initie à la vision sans tête. J’ai ci-dessous esquissé un autre projet de présentation plus rapidement saisissable et qui en outre montre à chaque fois comment la pratique de la vision sans tête se rapproche d'une non dualité parfaite ( note : on notera que j'ai modifié certains noms mais j'espère que le lien sera explicite avec ceux de la grille précédente me référant davantage aux types de collectif qu'à leur mode de pensée ; ceux qui connaissent ce blog savent que ces modifications de nom impliquent un compromis avec ma réinterprétation des mèmes prémodernes et surtout des mèmes rouge et bleu ; par ailleurs) :

(cliquez sur le dessin pour le voir nettement)

A partir de là, je pense pouvoir réinterpréter vraiment les quatre quadrant de Wilber dans l'optique de la Vision sans tête :

(cliquer sur le dessin pour le voir plus en détail)

Sur le quadrant inférieur droit, on trouve chez Douglas des éléments qui dessinent une réalité politique qui vont d'après moi en ce sens (ce sera l'objet d'un autre post de montrer que l'évolution ici esquissée n'est pas étrangère à la philosophie de Douglas).

L'intérêt de cette réinterprétation de la Vision sans tête dans le cadre de l'approche wilbérienne est qu'elle peut nous apprendre des choses sur la maturité culturelle qui pourrait en faciliter le partage et qui suggérerait de participer à faire de la Vision sans tête un critère répandu de qualité humaine appréciable socialement. Cependant si notre idée qu'il y a un principe d'individualisation ( une dimension âme de JE SUIS comme il y a des dimensions universelle immanente ou transcendante parfaitement unie en lui) n'est pas erronée alors cette approche de la maturité culturelle et spirituelle ne pourra pas rendre compte intégralement de l'évolution de la conscience. Une telle impulsion évolutive ne peut pas être restreinte au domaine de la pensée ;
2) car au fond JE SUIS échappe bien à toute culture mentale, émotionnelle et physique même si sans cesse JE SUIS qui n’est pas de ce monde individualise et fait évoluer des personnes au-delà de leurs identifications jusque là déterminées par leur vie dans le monde (ceci était au cœur de notre Episode 1) ;

Mais pour vraiment dépasser dans la Vision la pensée même intégrale comme celle de Wilber, il nous faut surtout reconnaître le mystère auto-créateur par JE SUIS, avec JE SUIS et en JE SUIS :

1) c’est-à-dire reconnaître émerveillé que « JE » englobe le quatre quadrant même si cela reste mystérieux à travers le filtre de la conscience humaine et que JE SUIS la source mystérieuse dépasse tout perspectivisme au sens d’un parallélisme multidimensionnel puisqu’il est la conscience qui manifeste l’univers de la conscience humaine bien que voyant cette double génération du monde et de la conscience humaine encore à travers cette dernière ;



2) c’est-à-dire réaliser que « TOUT est CONSCIENCE » y compris la matière même si cela échappe au filtre humain usuel de la conscience.

Le quatre quadrants de Wilber pour qu'il soit cohérent dans son perspectivisme, c’est-à-dire dans ses parallélismes entre matérialité objective et vécus intérieurs subjectifs d'une part, systèmes, structures et niveaux d’échanges intersubjectifs d'autre part, n'est pas celui d’un monde euclidien où les parallèles ne se rencontrent jamais. Les quadrants de Wilber sont des miroirs qui se reflètent l’un l’autre chacun dans sa propre perspective, mais s’éclairent-ils l’un l’autre à l’infini ? Nous tombons sur une inconnaissance que Wilber n’envisage peut-être pas assez. La Vision sans tête est une docte ignorance qui se reconnaît ironiquement dans sa vacuité face au jeu impossible de la représentation de Soi se représentant dans la forme (le dessin de François Matton ci-dessous)…


Or cette docte ignorance de JE SUIS n’est-elle pas l’appel et l’ouverture à sa propre auto-création ? Puis-je être authentiquement créateur si en JE SUIS subsiste une certitude qui affirme telle ou telle impossibilité définitive ?


Au final, faire la volonté créatrice de ce que JE SUIS n'est-ce pas s'abandonner et se consacrer à cet au-delà au-delà de TOUT mystérieux que JE SUIS ?

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