lundi 17 décembre 2007

EVOLUTION DES MENTALITES ET DIALOGUE INTERRELIGIEUX. Evolution des mentalités 3.

Nous voulons ici prolonger notre réflexion sur Religions, athéismes et dialogue sur le blog Eléments de philosophie.

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L'IMAGE DE LA MONTAGNE ET LE DIALOGUE INTER-RELIGIEUX.


Ramakrishna et Vivekananda sont deux sages indiens du XIXe siècle qui ont contribué à pratiquer le dialogue inter-religieux du point de vue spirituel lui-même. Il ne s'agit pas seulement pour eux d'être tolérant vis-à-vis des autres religions en considérant que celui qui n'est pas de notre religion est un homme digne de respect même s'il se trompe.

Considérons une montagne et considérons les divers accès à son sommet.

Du point de vue de tel chemin, il y aura des exigences propres, des techniques d'escalades qu'il faudra développer davantage par rapport à un autre chemin. Il serait inapproprié de dire que des techniques approprié à une voix pour atteindre le sommet sont nulles et non avenues : elles sont nécessaires à un autre chemin. Une autre erreur consisterait à juger la nature du sommet d'après la perspective que notre voie d'ascension nous offre vers ce sommet. En haut de la montagne tous les chemins d'accès sont valables, ils révèlent chacun leur valeur et leur vérité singulière mais toujours relative par rapport à la perspective unique du sommet qui englobent toutes les perspectives de chaque chemin sur le sommet.

Cette image de la montagne et des divers chemins pour atteindre le sommet semble être fructueuse pour considérer les diverses démarches spirituelles inhérentes aux diverses religions de l'humanité.

Cette image permet même de comprendre comment des chemins se sont séparés au fil du temps. Le chemin hindouiste a généré par exemple les divers chemins bouddhistes et jaïnistes. Pour certains hindouistes ces chemins sont des hérésies mais d'un autre point de vue ce sont des accès différents qui ont été ainsi générés jusqu'au sommet. Ils ont permis de mieux apercevoir des obstacles inhérents au chemin strictement hindouiste. Ces nouveaux chemins ont cependant généré leurs difficultés propres mais ils donnent à l'hindouiste ouvert au dialogue la possibilité de mieux repérer les obstacles de son chemin.

Le même raisonnement pourrait être repris en ce qui concerne les trois grands monothéismes que sont le judaïsme, le christianisme et l'islam.
Dans Nathan Le sage la pièce de Lessing, il est question de trois anneaux inséparables.

Extrait de Nathan le Sage, La parabole des trois anneaux: 

 

NATHAN : Il y a des siècles de cela, en Orient, vivait un homme qui possédait un anneau d'une valeur inestimable, don d'une main chère. La pierre était une opale, où se jouaient mille belles couleurs, et elle avait la vertu secrète de rendre agréable à Dieu et aux hommes quiconque la portait animé de cette conviction. Quoi d'étonnant si l'Oriental la gardait constamment au doigt, et prit la décision de la conserver éternellement à sa famille? Voici ce qu'il fit: il légua l'anneau au plus aimé de ses fils, et il statua que celui-ci, à son tour, léguerait l'anneau à celui de ses fils qui lui serait le plus cher, et que perpétuellement le plus cher, sans considération de naissance, par la seule vertu de l'anneau, deviendrait le chef, le premier de sa maison. - Entends-moi, Sultan.

 

SALADIN Je t'entends. Poursuis!

 

NATHAN Ainsi donc, de père en fils, cet anneau vint finalement aux mains d'un père de trois fils qui tous trois lui obéissaient également, qu'il ne pouvait par conséquent s'empêcher d'aimer tous trois d'un même amour. À certains moments seulement, tantôt celui-ci, tantôt celui-là, tantôt le troisième - lorsque chacun se trouvait seul avec lui et que les deux autres ne partageaient pas les épanchements de son cœur - lui semblait plus digne de l'anneau, qu'il eut alors la pieuse faiblesse de promettre à chacun d'eux. Les choses allèrent ainsi, tant qu'elles allèrent. Mais la mort était proche, et le bon père tombe dans l'embarras. Il a peine à contrister ainsi deux de ses fils, qui se fient à sa parole. Que faire? Il envoie secrètement chez un artisan, auquel il commande deux autres anneaux sur le modèle du sien, avec l'ordre de ne ménager ni peine ni argent pour les faire de tous points semblables à celui-ci. L'artiste y réussit. Lorsqu'il apporte les anneaux au père, ce dernier est incapable de distinguer son anneau qui a servi de modèle. Joyeux et allègre, il convoque ses fils, chacun à part, donne à chacun sa bénédiction, et son anneau, et meurt. - Tu m'écoutes, n'est-ce pas, Sultan?

 

SALADIN (qui, ému, s'est détourné de lui) J'écoute, j'écoute! Viens-en bientôt à la fin de ton histoire. Est-elle proche? NATHAN J'ai fini. Car la suite, désormais, se conçoit d'elle-même. À peine le père mort, chacun arrive avec son anneau, et chacun veut être le chef de la maison. On enquête, on se querelle, on s'accuse. Peine perdue: impossible de prouver quel anneau était le vrai. (Après une pause, pendant laquelle il attend la réponse du Sultan). Presque aussi impossible à prouver qu'aujourd'hui pour nous - la vraie croyance.

 

SALADIN Comment? c'est là toute la réponse à ma question?..

 

NATHAN Mon excuse simplement si je ne me risque pas à distinguer les trois anneaux, que le père a fait faire dans l'intention qu'on ne puisse pas les distinguer.

 

SALADIN Les anneaux! Ne te joue pas de moi! Je croirais, moi, qu'on pourrait malgré tout distinguer les religions que je t'ai nommées, jusque dans le vêtement, jusque dans les mets et les boissons!

 

NATHAN D'accord, sauf en ce qui regarde leurs raisons. Toutes en effet ne sont-elles pas fondées sur l'histoire? Écrite ou transmise? Et l'histoire ne doit-elle pas être crue uniquement sur parole, par la foi? N'est-ce pas? Or, de qui met-on le moins en doute la parole et la foi? Des siens, n'est-il pas vrai? De ceux de notre sang, n'est-il pas vrai? De ceux qui nous ont depuis l'enfance donné des preuves de leur amour, n'est-il pas vrai? Qui ne nous ont jamais trompés que là où il était meilleur pour nous d'être trompés? Comment croirais-je moins mes pères que toi les tiens? Ou inversement! Puis-je te demander d'accuser tes ancêtres de mensonge pour ne pas contredire les miens? Ou l'inverse? C'est également vrai pour les chrétiens. Ne trouves-tu pas?

 

SALADIN (à part) Par le Dieu vivant! cet homme a raison. Je ne puis que me taire.

 

NATHAN Mais revenons à nos anneaux. Comme je l'ai dit, les fils se citèrent en justice et chacun jura au juge qu'il tenait directement l'anneau de la main du père - ce qui était vrai - après avoir obtenu de lui, depuis longtemps déjà, la promesse de jouir un jour du privilège de l'anneau - ce qui était non moins vrai! Le père, affirmait chacun, ne pouvait pas lui avoir menti; et, avant de laisser planer ce soupçon sur lui, ce père si bon, il préférerait nécessairement accuser de vol ses frères, si enclin fût-il par ailleurs à ne leur prêter que les meilleures intentions. Il saurait bien, ajoutait-il, découvrir les traîtres, et se venger.

 

SALADIN Et alors, le juge? J'ai grand désir d'entendre le verdict que tu prêtes au juge. Parle!

 

NATHAN Le juge dit : « Si vous ne me faites pas, sans tarder, venir céans votre père, je vous renvoie dos à dos. Pensez-vous que je sois là pour résoudre des énigmes? Ou bien attendez-vous que le vrai anneau se mette à parler? Mais, halte! J'entends dire que le vrai anneau possède la vertu magique d'attirer l'amour : de rendre agréable à Dieu et aux hommes. Voilà qui décidera! Car les faux anneaux, eux, n'auront pas ce pouvoir! Eh bien: quel est celui d'entre vous que les deux autres aiment le plus? Allons, dites-le! Vous vous taisez? Les anneaux n'ont d'effet que pour le passé? Ils ne rayonnent pas au-dehors? Chacun n'aime que lui-même? Oh, alors vous êtes tous les trois des trompeurs trompés! Vos anneaux sont faux tous les trois. Il faut admettre que le véritable anneau s'est perdu. Pour cacher, pour compenser la perte, le père en a fait faire trois pour un.

 SALADIN Superbe! Superbe!

 NATHAN Et en conséquence, continua le juge, si vous ne voulez pas suivre le conseil que je vous donne en place de verdict, allez-vous-en! Mon conseil, lui, est le suivant: prenez la situation absolument comme elle est. Si chacun de vous tient son anneau de son père, alors que chacun, en toute certitude, considère son anneau comme le vrai. Peut-être votre père n'a-t-il pas voulu tolérer plus longtemps dans sa maison la tyrannie d'un seul anneau? Et il est sûr qu'il vous a tous trois aimés, et également aimés, puisqu'il s'est refusé à en opprimer deux pour ne favoriser qu'un seul. Allons! Que chacun, de tout son zèle, imite son amour incorruptible et libre de tout préjugé! Que chacun de vous s'efforce à l'envi de manifester dans son anneau le pouvoir de la pierre! Qu'il seconde ce pouvoir par sa douceur, sa tolérance cordiale, ses bienfaits, et s'en remette à Dieu! Et quand ensuite les vertus des pierres se manifesteront chez les enfants de vos enfants; alors, je vous convoque, dans milIe fois mille ans, derechef devant ce tribunal. Alors, un plus sage que moi siégera ici, et prononcera. Allez! Ainsi parla le juge modeste.


Ainsi Lessing montre que seul l'amour fait force de loi et lui seul authentifie le message religieux monothéiste. Mais on pourrait s'engager plus loin et montrer que les trois formes de monothéismes forment un tout inséparable. Chrétiens et musulmans qui se réclament du Dieu d'Abraham ont besoin de la foi du peuple d'Isaac le fils d'Abraham pour prouver leur dire. L'antijudaïsme des chrétiens ou des musulmans se retournent toujours contre l'intégrité de leur chemin spirituel. La première alliance a été forgé avec Abraham et menacer le peuple qui se fonde sur elle revient toujours à perdre le sens des nouvelles alliances qui se sont forgées avec les chrétiens et les musulmans. Les musulmans comme il se réclame de la dernière alliance qui fut forgée ne peuvent pas non plus nier l'alliance forgée avec Jésus-Christ sans mettre en cause la leur. Qu'en est-il des chrétiens vis-à-vis des musulmans ? De nombreux chrétiens affirment la divinité de Jésus-Christ ce que les musulmans nient en rappelant que Dieu est Un et qu'il n'y a que lui qui est Un. Il y a là une querelle théologique qui ne semblent pas trouver d'issue à moins de revenir à Lessing et à l'amour...

N'est-ce pas ce que Ramakrishna voulait montrer comme le sommet de toutes les religions lui qui a embrassé l'hindouisme jusqu'à l'éveil, l'a abandonné et a embrassé le christianisme et l'islam jusqu'à être reconnu comme un modèle de chrétien et de musulman ? Ne faut-il pas abandonner ces querelles théologiques secondaires et dogmatiques pour aller au cœur de sa propre religion qui en son sommet s'avèrera le cœur de toutes les religions ? Mais n'est-ce pas manquer une façon d'être propre à ces religions monothéistes que de nier ces réalités théologiques qui les différencient indéniablement ? La négation du système des castes hindoues par le bouddhisme doit-elle être considérée comme un point secondaire en considérant qu'au fond seul importe une expérience divine par delà la fameuse querelle du Soi hindou et du Non Soi bouddhiste ?

L'amour chrétien est-il identifiable à la compassion bouddhiste ? Toutes les rivières spirituelles mènent à l'Océan divin dès lors que la compassion bouddhiste, l'amour chrétien ou encore l’éros socratique conduisent à des attitudes dans la relation au prochain qui sont parfois d'une troublante proximité. Il est évident que toutes ces pratiques conduisent à une expérience d'un semblable Océan divin. Mais ces courants ont-ils une connaissance aussi profonde les uns que les autres de cet unique Océan divin ? Sur la montagne n'y aurait-il pas plusieurs sommets dont l'un seulement serait infiniment plus élevé que les autres ? Autrement dit tout l'Océan est amour mais pour en saisir tout l'amour, n'y a-t-il pas une connaissance qui est en jeu ? Toutes les religions semblent avoir le pouvoir de produire de l'amour mais n'y en a-t-il une qui puisse en produire au-delà de toute mesure si bien qu'elle peut permettre à de rares chercheurs spirituels de dépasser les autres en vérité et donc en connaissance intime de l'amour ?

LES RACINES DU DOGMATISME RELIGIEUX.
Nous allons prendre le problème à l'envers, n'y a-t-il pas dans certaines religions des facteurs d'intolérance et de fanatisme plus forts que dans d'autres qui au fond rendent la production d'amour qui fait leur noblesse beaucoup plus fragile ?
L'article de Wikipédia su Akhenaton est à cet égard instructif :
Amenhotep IV (Aménophis IV en grec ancien, Akhénaton ou, plus rarement, Khounaton) est le neuvième pharaon de la XVIIIe dynastie (période du Nouvel Empire). Manéthon l’appelle Aménophis. On situe son règne de -1355/-1353 à -1338/-1337.
Il est le fils de la reine Tiyi et du roi Amenhotep III. Figure controversée, considéré parfois comme l’un des plus grands mystiques de l’Histoire, il bouleverse, pour le temps d'un règne, l’histoire de l’Égypte en accélérant l'évolution théologique commencée par son prédécesseur et en voulant imposer le culte exclusif de Rê-Horakhty « qui est dans Aton», dont il est à la fois le prophète et l’incarnation. [...]
Le jeune souverain va progressivement d'abord, puis plus brutalement ensuite, imposer la première religion hénothéiste connue de l'histoire, privilégiant le culte du disque solaire Aton. Pour des raisons encore mal connues, mais vraisemblablement en butte au conservatisme et à l'hostilité du clergé thébain, Akhenaton décide d'abandonner le culte du dieu dynastique Amon, le « dieu caché ».
En l'an IV du règne, il fait sa première visite à l'endroit où sera fondée sa future capitale, une cité vierge de la présence du dieu thébain. Il choisit comme emplacement un lieu désertique en Moyenne-Egypte, sur la rive orientale du Nil, où, il fait construire la cité d'Akhenaton (« L'horizon d'Aton »), l'actuelle Tell el-Amarna, à quelque 300 km au nord de Thèbes. Il entame des travaux qui draineront une grande partie des revenus affectés à Thèbes.
En l'an VI, il change de titulature, prend le nom d’Akhenaton, « Celui qui est bénéfique (ou utile) à Aton », et quitte enfin la ville d’Amon, Thèbes. La grande épouse Néfertiti porte le nom de Néfernéferouaton (Belle est la perfection d'Aton). Toute la cour et l'administration royales déménagent pour la nouvelle résidence encore inachevée, dont les temples, dédiés au dieu unique Aton, sont construits à ciel ouvert pour permettre à ses rayons bienfaisants d'y pénétrer.
On attribue souvent cette révolution culturelle et religieuse au seul Akhenaton, mais il semble qu'il n'ait fait qu'imposer une tendance née durant le règne de son père, Amenhotep III. Nicolas Grimal parle d'une « solarisation » des principaux dieux sous ce roi et le culte exclusif du Disque solaire en serait l'aboutissement logique.
Avant Akhenaton, Aton était un dieu mineur dont l'existence est attestée dès le Moyen Empire. Au Nouvel Empire, Thoutmôsis II s'était placé sous sa protection et Amenhotep III, dont l'une des épithètes était « Rayonnement d'Aton », avait encouragé le culte du dieu.
En l'an IX de son règne, Akhénaton ira plus loin, dans une apparente radicalisation de sa réforme atonienne : il ordonne de détruire, dans les principales régions névralgiques du royaume, les images de culte des anciennes divinités, à l'exception notable de Rê, afin de mener à bien son "opération" magique, effaçant l'expression des principes anciens pour faire place à la fonction nouvelle qu'il incarnait. En martelant les noms des dieux, dans un système de croyances où le Verbe est créateur, il annule leur faculté de s'incarner et occulte leur influence. Il fait ainsi du Disque solaire le dieu universel, l'Unique « qui n'a pas son pareil », le démiurge qui répète son acte créateur à chaque lever du soleil. Pour souligner la royauté céleste d'Aton, le nom du dieu est inscrit dans des cartouches : il est « Rê-Horakhty qui se réjouit dans l'horizon », « Le Souverain (heka) des deux horizons ».
Le roi est l'image terrestre d'Aton, son « enfant parfait » ; avec la grande épouse royale, Néfertiti, il est le seul intermédiaire entre la divinité et les humains. À l'instar de la triade Amon – Mout – Khonsou, le couple royal forme avec Aton une triade divine adorée dans les demeures des hauts dignitaires. Le peuple quant à lui, perpétue dans une grande majorité les cultes privés traditionnels. [...]
Loin de l'image idyllique d'un pharaon poète et rêveur mystique, image peut-être exagérée par l'imaginaire collectif, le règne d’Akhenaton est aussi considéré par beaucoup d'égyptologues comme une période sombre dans l'histoire de l'Égypte antique. La réforme religieuse d’Akhenaton entraîna une perte d'influence importante des dieux du panthéon traditionnel : suppression de certains cultes, fermeture de temples, perte de biens du clergé, dégradation des effigies divines, ce qui vaudra au roi d'être surnommé - de manière discutable - le pharaon hérétique.
Yoyotte et Vernus ne croient pas en un Aton fanatique et intolérant. Le martelage des noms ne touche pas le royaume dans son entier, et le nom de certains dieux est laissé intact. Le Fayoum semble même avoir presque complétement échappé au martelage.
Si le roi s'attaque aux cultes des divinités traditionnelles du royaume, il n'y a aucune persécution du peuple d'Égypte, qui continue à préserver ses croyances. Les noms théophores au sein du peuple restent inchangés, et à Akhenaton même, la découverte de petites idoles traditionnelles dans certaines habitations plaident pour la continuité des croyances polythéistes habituelles.
Les plus grands spécialistes étant encore très partagés sur la question, il convient donc de prendre tous les faits en considération afin de se faire une idée synthétique des bouleversements apportés par Akhenaton.
Il est cependant évident aussi que, en raison d'une centralisation excessive, et apparemment inefficace, ainsi qu'à l'amoindrissement des actifs et la confiscation des domaines des temples, l'Égypte connut une crise économique. En effet, en l'absence de tout numéraire, le système économique et social était basé sur le troc et sur la distribution des ressources stockées dans les greniers de l'État et des temples, de sorte que la confiscation des « domaines divins » par la couronne ruinait « tout un système de production et de redistribution qu'aucune structure nouvelle ne vient remplacer». [...]
La redécouverte d’Akhenaton et l'Atonisme a contribué à l'émergence de théories originales ou spéculatives au sujet du pharaon à partir du XXe siècle. Freud est l'auteur le plus connu qui s'y soit intéressé dans L’homme Moïse et la religion monothéiste, mais même ses disciples ont préféré classer dans le genre romanesque ou ésotérique, cet ouvrage à la rédaction duquel il travailla longtemps (débuté vers 1910 et publié à sa mort).

Enjeux :


On peut voir dans cet événement la naissance d'une nouvelle mentalité religieuse. Jusque là, la religion égyptienne était à la fois plurielle et une. Avec Akhenaton, le pharaon ne symbolise plus cette synthèse du Un et du Multiple : il veut utiliser la hiérarchie en souverain. Comme nous l'avons vu surtout dans notre blog sur le principe du guru et l'évolution des mentalités, la hiérarchie naissante avait davantage un fonctionnement holarchique. A l'image même du panthéon des dieux égyptiens où l'Un divin et la multiplicité des dieux ne s'opposaient pas, il semble que la société égyptienne dans ses commencements avait conscience que chaque couche sociale était interdépendante des autres. Le pharaon symbolisait l'unité de la multiplicité des couches sociales composant l'égypte, sa fonction n'était pas seulement celle d'un chef hiérarchique.
Akhénaton en niant la multiplicité des dieux est le symptôme d'une transformation d'un système holarchique en un système purement hiérarchique dont le chef convoite une action souveraine.
Le monothéisme est-il au fond la religion qui incarne la dégénérescence des systèmes holarchiques naissants en système hiérarchique ? Ceci expliquerait alors pourquoi l'intolérance religieuse a été surtout le fait des religions monothéistes même si leur Dieu unique est amour ou/et miséricorde. Le monothéisme d'ailleurs aurait réussi à faire croire que les religions holarchiques sont des polythéismes où une multiplicité de dieu anthropomorphiques cache des manœuvres humaines ou démoniaques. Le monde diabolique ne se caractérise-t-il pas par la division ? "Mon nom est légion", dit même un démon lorsque le Christ lui demande son nom.
Spirituellement, il est évident que deux monothéismes ne pourront pas s'assimiler alors qu'on a vu des panthéons étrangers fusionner lors d'une conquête militaire. En un sens un conflit de deux peuples avec des monothéismes différents ou pire une guerre fratricide liée à la concurrence de deux versions d'un même monothéisme imaginaire ne pourront jamais trouver de terrain d'entente religieux. Le monothéisme n'a pas inventé la guerre mais il a été le vecteur de guerres d'extermination dans la mesure où il fallait pour un pouvoir monothéiste vaincre l'ennemi militairement et aussi spirituellement. Le monothéisme ouvrait la porte à l'âge des idéologies.

Satprem dans Néanderthal regarde n'hésite pas à parler de catastrophe spirituelle :


"D'où sont-ils sortis ces petits nazis, ils ne sont pas nés d'hier. Et cet an zéro de notre "civilisation" ? comme si nous étions sortis de rien pour naître à QUOI ? comme si nous sortions d'une ignorance païenne pour être baptisé, enfin, au Dieu vrai et seul et unique, Christ ou Allah ou que sais-je. Nous entrions, enfin, dans l'"âge religieux" - il faudrait dire "le cataclysme religieux", plutôt. Car l'Homme n'était plus, il avait perdu toutes ses racines millénaires pour pousser subitement dans une terre toute faite et ratissée pour lui - et son Destin était fait aussi : il allait tout droit, avec quelques accrocs pécheurs et quelques malignités, au paradis d'Allah ou du grand Seigneur de nos Églises, ou dans les enfers de nos excommunications et fatwa divers, à perpétuité. C'était dit, c'était fait - il n'y avait plus rien à trouver. Nous étions "hommes", à perpétuité, ou diables selon les goûts. Un vrai cataclysme sidérant comme une faille géologique et zoologique entre deux mondes."

Le monothéiste défenseur du dialogue inter-religieux protestera contre un tel jugement. Le chrétien rappellera par exemple que les Pères de l’Église naissante ont volontiers intégré la spiritualité grecque et latine des philosophes. Ils se sont reconnus dans le mouvement de démythologisation philosophique inhérent aux présocratiques et aux socratiques. La hiérarchie céleste chrétienne a des similitudes avec la hiérarchie céleste platonicienne qui ne sont dues au hasard. La condamnation du polythéisme n'est donc pas fondamentale. D'ailleurs l'idée de trinité, d'un Divin unique en trois personnes n'est-elle pas un retour du polythéisme au sein du monothéisme ? Le monothéisme n'est donc pas fondamentalement étranger à ce qui le précède contrairement à ce que sous-entend ici Satprem.

Toutefois ce monothéiste défenseur du dialogue inter-religieux doit bien reconnaître que rares sont les Églises qui affirment qu'un bilinguisme religieux est possible. L’Église catholique même si elle reconnaît depuis Vatican II que les autres religions sont dépositaires d'une lumière de vérité, elle se permet de penser que la sienne propre est supérieure et elle positionne chaque religion en fonction de sa proximité avec ses dogmes.

La description de Satprem concerne donc la majeure partie des monothéismes incapables de concevoir un dialogue interreligieux, incapables de songer qu'une religion puisse conduire à des sommets spirituels aussi élevés. Par ailleurs il est indéniable que l'adhésion religieuse est le plus souvent idéologique dans le sens elle n'a rien d'une aventure spirituelle : la rencontre avec Dieu est renvoyée au moment de la mort. Celui qui affirme avoir une expérience de Dieu en cette vie subit très souvent des tracasseries des autorités religieuses : ce mystique ne va-t-il pas remettre en cause un dogme de la foi au nom de son expérience vivante ? Car reconnaissons-le Jésus-Christ par son expérience vivante a conduit à une rupture entre les juifs et les chrétiens, Mohammed par son expérience a conduit à une rupture avec les chrétiens, etc. Et ceux qui ne prônent pas la rupture ont parfois souligné la valeur des expériences spirituelles au sein des autres religions. Ib'n Arabi, un musulman affirme la valeur spirituelle des autres formes du monothéisme abrahamique mais aussi celle du paganisme. Nicolas de Cusa, un mystique chrétien envisage de façon semblable une valeur spirituelle des autres religions.

Une conception du dialogue inter-religieux ne peut qu'aboutir à distinguer expérience spirituelle et religion au sens monothéiste. Car le terme de religion au sens monothéiste vaut-il pour le monde spirituel indien où des courants dévotionnels comme le shivaïsme ou le vishnouisme qui sont centrés sur des divinités personnelles coexistent sans heurt avec des philosophies védantistes de la connaissance où l'expérience du divin est conçue comme essentiellement impersonnelle ?

Celui qui entre authentiquement dans un dialogue inter-religieux pourra jouer avec les mots pour montrer la justesse spirituelle de sa religion à la lumière d'une expérience religieuse extérieure à sa religion d'origine. Satprem lui-même dans Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience montre que les dimensions individuelles, universelles et transcendantes de la conscience divine unique que Sri Aurobindo souligne comme toutes essentielles à son expérience spirituelle sont le sens profond de la trinité chrétienne du Fils, Jésus-Christ, du Père transcendant et du Saint Esprit immanent. Mais intérieurement même s'il peut continuer à réciter son Credo, il sait qu'il n'appartient plus à une religion, sa foi n'est plus attachée à des dogmes. Ce qu'il a en vue dans le dialogue inter-religieux est devenu une soif d'expérience.



Vivekananda lui-même a perçu que le dialogue inter-religieux conduit au final à personnaliser de plus en plus les parcours spirituels. Les chemins spirituels religieux offrent des grandes lignes mais c'est au fond à chacun de manifester l'individualisation du divin. Les discours où on affirme qu'il ne faut pas disposer des religions et des spiritualités comme des produits dans un super marché sont trop souvent des moyens de maintenir une autorité religieuse. L'enseignant spirituel qui s'avère incapable d'aider l'autre à trouver sa propre voie spirituelle individuelle se réfugie bien souvent dans des pratiques communes à tous ses disciples : on peut se demander s'il a pleinement réaliser cette dimension d'individualisation du divin qu'il est et qui ne peut considérer les autres que de ce point de vue où ils sont une individualisation du divin qui aura ses propres pratiques, ses propres inflexions, etc.


Il faut distinguer comme Sri Aurobindo et Satprem religion et spiritualité. Il faut renoncer à enclore une expérience religieuse dans une forme idéologique comme Akhenaton l'un des premiers l'a fait. Un dialogue inter-religieux ne deviendra authentique que lorsque ce renoncement sera de mise.

Remarque : sur cette distinction, Serge Carfantan sur son site Philosophie et Spiritualité nous donne des éléments de réflexion remarquables.


LES DIVERS DEGRES DE L'EXPERIENCE SPIRITUELLE.

Toutefois renoncer à enclore l'expérience spirituelle dans un cadre idéologique ne signifie pas qu'une expérience spirituelle pointe le même sommet qu'une autre. Le dépassement de nos forteresses mentales religieuses n'impliquent pas que nous devons admettre qu'il n'y a pas d'inégalité spirituelle.


Sainte Thérèse de l'enfant Jésus avait reçu de sa sœur Pauline une image qui peut éclairer ce que nous voulons indiquer ici :

"Pauline me dit d'aller chercher le grand " verre à Papa " et de le mettre à côté de mon tout petit dé, puis de les remplir d'eau, ensuite elle me demanda lequel était le plus plein. Je lui dis qu'ils étaient aussi pleins l'un que l'autre et qu'il était impossible de mettre plus d'eau qu'ils n'en pouvaient contenir. Ma Mère chérie me fit alors comprendre qu'au Ciel le Bon Dieu donnerait à ses élus autant de gloire qu'ils en pourraient porter et qu'ainsi le dernier n'aurait rien à envier au premier."

Même si l'expérience spirituelle concernant les âmes du paradis nous semble un rien éloigné de la manifestation de la conscience divine au cœur de la matière c'est-à-dire au cœur de l'évolution de notre univers matériel, elle dit tout simplement que deux individus peuvent avoir une expérience de l'infini mais que certaines expériences de l'infini sont plus grandes que d'autres.


Ainsi en mathématique il existe des infinis dénombrables c'est-à-dire en bijection avec l'ensemble des entiers naturels.
Comme le montre le schéma précédent l'ensemble infini {2,4,6,8,10,12,...} de tous les nombres est dénombrable puisqu'à chaque nombre pair correspond un entier naturel.

Mais l'ensemble des points d'une droite est-il dénombrable ?

Comme le montre le schéma précédent l'ensemble infini des points d'une droite est aussi vaste que l'ensemble des points d'un cercle fini puisqu'à chaque point du cercle ne correspond qu'un seul point de la droite. Mais les points d'un cercle sont-ils dénombrables ? Entre deux points il y a toujours un point alors il semble que le dénombrement soit impossible. Par l’absurde, Cantor a montré qu'on ne pouvait pas indexer les réels avec des nombres entiers.

Il semble donc qu'on puisse considérer qu'il y a des expériences de l'infini plus dense et donc plus vaste que d'autres. Mais en un sens cela demeure aussi des expériences de l'infini. Si nous reprenons la question de l'amour divin qui semble le point commun de toutes les expériences spirituelles authentiques, nous devons admettre que certaines expériences de l'amour infini sont moins denses et vastes que d'autres même si cela reste d'authentiques expérience de l'amour divin.

Mais nous pouvons encore compliquer notre image avec l'image qui suit :

Si nous considérons ces trois points de vue comme trois points de vue infini sur l'amour divin, il y aurait non seulement inégalité mais aussi différence. Chacun de ces points de vue aurait des spécificités propres étrangères aux autres point de vue même s'il s'agit de point de vue portant sur une seule et même réalité et s’enchâssant au sein d'une seule et même réalité.

Appliquons ceci au dialogue inter-religieux et aux rencontres entre chercheurs spirituels. Le dialogue inter-religieux et spirituel serait rendu difficile car chaque religion et chaque chercheur spirituel ayant individualisé sa recherche aurait une spécificité étrangère aux autres.


LA DIVERSITE DES EXPERIENCES RELIGIEUSES SURMENTALES ET L'EXISTENCE D'UN POINT DE VUE SPIRITUEL SUPRAMENTAL.

On peut rendre les spécificités spirituelles idéologiques et vouloir les rendre universelles en rejetant les spécificités des autres points de vue individuels. Mais sans les rendre idéologiques, on peut entrapercevoir un monde des idées en quelque sorte surmental. Chaque religion, chaque courant spirituel serait l'oeuvre d'une idée force surmentale de l'amour divin.

Sri Aurobindo dans Pensées et Aphorismes, tome 1, Buchet-chastel, p.21-22 écrit :

"Chaque religion a aidé l'humanité. Le paganisme a augmenté dans l'homme la lumière de la beauté, la largeur et la grandeur de la vie, la tendance à une perfection multiforme. Le christianisme lui a donné quelque vision de charité et d'amour divins. Le bouddhisme lu a montré un noble moyen d'être plus sage, plus doux, plus pur; le judaïsme et l'islamisme, comment être religieusement fidèle en action et zélé dans sa dévotion pour Dieu. L'hindouisme lui a ouvert les plus vastes et les plus profondes possibilités spirituelles. Ce serait une grande chose si toutes ces vues de Dieu pouvaient s'embrasser et se fondre l'une en l'autre; mais les dogmes intellectuels et l'égoïsme des cultes barrent le chemin.

Toutes les religions ont sauvé un certain nombre d'âmes,mais aucune n'a encore été capable de spiritualiser l'humanité. Pour cela, ce ne sont pas les cultes ni les credo qui sont nécessaires, mais un effort soutenu d'évolution spirituelle individuelle qui englobe tout."


Nous devons donc quitter l'âge des religions et entrer dans l'âge spirituel.

L'âge des religions dans son côté sombre est dû à l'idéologie des dogmes intellectuels et des intérêts politiques et économiques. Les intérêts politiques et économiques en Occident ont fait chambre à part ou sont adultères. Mais les Évangélistes occidentaux ont ramassé les miettes abondantes du matérialisme européen et occidental et s'en servent pour mener à bien le "Convertissez les nations au nom du Père, du Fils et Saint Esprit." bien loin du sens que lui donne un Douglas Harding par exemple.
Un renouveau spirituel doit comprendre aussi un renouveau social et politique. L'individualisme démocratique doit dépasser le matérialisme technoscientifique qui au fond n'est qu'une version plus sournoise du dogmatisme. L'économie technoscientifique nous amène de plus en plus à manipuler la matière en refusant de voir notre ignorance : nous sommes des apprentis sorciers surchargés de molécules qui perturbent nos hormones et nous subissons maux mystérieux et crises de folies sans vouloir comprendre pourquoi.

Le message de Sri Aurobindo est sans aucun doute qu'il faut nous défaire de nos idéologies, qu'il faut donc assumer individuellement notre évolution spirituelle sans s'inscrire dans un quelconque cadre mental fixe, sans se limiter à telle ou telle technique. Sri Aurobindo est-il un anarchiste mystique qui baigne dans son intellectualisme ? "L'évolution spirituelle individuelle [...] englobe tout.", dit-il. Entrer dans l'âge spirituel implique une individualisation surmentale voire supramentale puisqu'elle englobera les vues religieuses surmentales en faisant ainsi disparaître les zones d'ombres inhérents à ces points de vue sur le divin mais aussi les zones d'ombres propres au point de vue matérialiste technoscientifique. En effet les limites mentales qui se traduisent par un étouffement dans les mailles des idéologies des uns et des autres nous fait aspirer à une conscience au-delà de cette conscience mentale où même ce qui veut se débarrasser de l'idéologie parce que c'est une idée déposée et figée peut susciter une nouvelle forme encore plus perverse d'idéologie ou passer pour du verbiage idéologique.


BILAN.

Ainsi comme nous l'écrivions dans l'article Wikipédia sur Sri Aurobindo :
"Il y a une réalité divine ultime unique aperçue par les grands spirituels des diverses religions mais les diverses religions ne dépassant pas le surmental, ces grands spirituels ne peuvent que percevoir un aspect partiel de cette réalité ultime comme les contradictions théologiques et philosophiques entre les écrits spirituels des religions le montrent clairement. Le supramental est selon Sri Aurobindo une connaissance véritablement intégrale du divin : c'est une connaissance divine de toute la réalité qui se révèle n'être que le divin sous diverses formes, c'est une connaissance du divin par lui-même. Dans ses Lettres sur le yoga, il écrit ainsi : "Les grands Dieux appartiennent au plan surmental. Dans le Supramental, ils sont unifiés en aspects du Divin, dans le surmental ils apparaissent comme personnalités distinctes".

[ cliquez su l'image pour la voir nettement ]


Nous pourrions donc distinguer à grands traits quatre grandes périodes d'évolution spirituelle :
- Un âge des religions holarchiques qui accompagne l'émerge de la conscience mentale et qui utilise des symboles pour décrire l'intériorité. Ainsi d'après Sri Aurobindo dans les Védas un sacrifice a d'abord un sens psychologique avant d'avoir un sens cultuel. Les explorations spirituelles sont constantes et les religions holarchiques semblent perpétuellement en mouvement.
- Un âge des religions hiérarchiques dont Akhenaton est selon nous un des symboles. En Inde ce sera la négation du sens holarchique des castes au profit d'un sens uniquement hiérarchique.
- Un âge idéologique qui durcit les religions hiérarchiques en leur donnant des métaphysiques rigides, des dogmes à la place des symboles. Le caractère rationnel de cet âge idéologique produira cependant l'idée de tolérance religieuse mais l'individualisme nationaliste ou psychologique générera les idéologies fascistes et totalitaires.
- Un âge spirituel dont l'appel de plus en plus fréquent à un dialogue inter-religieux est un premier signe mais qui devrait se caractériser par une individualisation sans précédent de la vie spirituelle sachant qu'un individu qui s'approche de son essence individuelle divine reconnaît de plus en plus en l'autre ce qu'il est à savoir une manifestation du divin. L'autre devient une dimension de soi sans même que la différence de nos individualités s'estompent. Cet âge spirituel aboutirait à une évolution consciente de la conscience au-delà de la conscience mentale dans ses plus hauts sommets surmentaux. Il aboutirait à l'apparition matérielle d'une conscience supramentale.

samedi 15 décembre 2007

LA POLLUTION DU CORPS, LE STRESS EVOLUTIF.




Quelques informations un peu datées prises sur la toile :


Le jeudi 6 octobre 2005, le WWF, l'organisation mondiale pour la protection de l'environnement a publié aujourd'hui les résultats d'une enquête menée en Europe en vue de détecter la présence de produits chimiques dans le sang des membres de 13 familles européennes. Ils révèlent la présence de 73 produits chimiques dangereux dans le sang des membres (grands-mères, mères et enfants) des 13 familles qui se sont soumises à une analyse de sang, des familles provenant de 12 pays de l'UE. Le nombre le plus élevé de produits a été détecté dans la génération des grands-mères (63 produits). Cependant, la jeune génération est contaminée par un nombre plus élevé de produits chimiques (59) que la génération des mères (49). De plus, les concentrations de certains produits détectés dans le sang des enfants étaient les plus élevées de toutes les générations.

L'enquête Générations X du WWF, qui a analysé des citoyens européens âgés de 12 à 92 ans, confirme les résultats des enquêtes précédentes menées sur des membres du Parlement européen, des ministres de l'UE, des scientifiques et des célébrités.

« Les résultats de cette enquête démontrent clairement que nous sommes tous les cobayes involontaires d'une gigantesque expérience dénuée de tout contrôle. Il est choquant de constater que des produits chimiques toxiques utilisés quotidiennement sont en train de contaminer le sang de nos enfants » a déclaré Karl Wagner, Directeur de la Campagne DetoX du WWF.

La présence de 107 produits chimiques différents a été recherchée dans les échantillons de sang : des produits persistants, bio-accumulables ou qui agissent comme perturbateurs hormonaux et qui appartiennent à cinq groupes principaux de produits chimiques. Les résultats montrent que tous les membres des familles analysées sont contaminés par un cocktail d'au moins 18 produits chimiques différents, pour la plupart des produits présents dans des biens de consommation de la vie de tous les jours. De nouvelles substances utilisées à grande échelle, comme les retardateurs de flammes bromés, les produits chimiques perfluorés ou les muscs synthétiques, qui sont contenus dans des biens de consommation utilisés tous les jours (ordinateurs, textiles, cosmétiques ou appareils électriques...) se retrouvent plus fréquemment et à des taux plus élevés dans le sang de la jeune génération. Par contraste, la génération des grands-mères est la plus contaminée par des produits plus anciens et interdits, comme le DDT et les PCB.

« Quelles preuves supplémentaires faudra-t-il encore pour que l'industrie et les politiciens européens reconnaissent qu'il est impossible de contrôler efficacement les produits chimiques dangereux ? Le projet de réglementation européenne REACH fait actuellement l'objet d'une attaque en règle dirigée par l'industrie chimique, et des législateurs européens semblent laisser complaisamment celle-ci prendre les devants en ignorant la responsabilité qui leur incombe de protéger notre santé », poursuit M. Wagner.

Le retardateur de flammes TBBP-A, utilisé dans la fabrication de circuits imprimés pour les appareils électroniques a été détecté dans le sang de 18 membres des familles analysées (3 grands-mères, 7 mères et 8 enfants). C'est chez un enfant qu'a été détectée la concentration la plus élevée de ce produit.

17 des 31 retardateurs de flammes du groupe des EDP existant à l'heure actuelle ont été détectés dans le sang des enfants : par comparaison, seuls 10 de ces produits ont été détectés chez les grands-mères et 8 chez les mères. Et la plus forte concentration en Bisphénol-A, un produit chimique œstrogène (qui imite les hormones) utilisé entre autres pour la fabrication de certaines bouteilles en plastique et de CD a été détectée chez un enfant.

En ce qui concerne les résultats sanguins de la famille Everaerts de Mouscron, 33 produits chimiques ont été retrouvés dans le sang de la grand-mère, Irma (81 ans), 32 chez Marie-Christine (49 ans) et 32 chez Céline (17 ans). Ces chiffres placent les 3 membres de cette famille belge au-dessus de la moyenne des familles européennes, qui est de 32 produits chimiques chez les grands-mères, de 29 chez les mères et de 24 pour les enfants. Notons également que Marie-Christine a la concentration la plus élevée de PCB (56-60) dans le sang et que Céline détient la plus haute concentration en Bisphénol-A.

« Avant que je ne participe à l'enquête du WWF, je ne me rendais pas compte que j'absorbais autant de produits chimiques dans ma vie de tous les jours. Maintenant que je suis mieux informée, je sais que ces produits se retrouvent partout, des boîtes à tartines aux DVD. Nous achetons des produits sans en connaître les risques potentiels. C'est angoissant », confie Marie-Christine.

Le WWF insiste sur le fait que ces résultats sont particulièrement préoccupants, étant donné que la plupart des produits chimiques décelés ne se décomposent que très lentement, sont persistants dans l'environnement et s'accumulent dans l'organisme à des taux toujours plus élevés durant toute la vie. L'enquête pose dès lors la question de savoir si les générations à venir seront plus exposées à des produits chimiques potentiellement carcinogènes ou qui agissent en tant que perturbateurs endocriniens et qui sont susceptibles d'entraîner des effets négatifs à long terme sur la santé.


Faut-il s'inquiéter ? Quelques lignes de Wikipédia sur l'évolution annoncent quel est l'effet majeur d'être devenu cobaye malgré soi :

Approche évo-dévo : évolution et développement [modifier]

Depuis les années 1980, les travaux visant à relier la génétique et l'embryologiemonstre prometteur de Goldschmidt. apportent un nouvel éclairage sur les mécanismes de l'évolution biologique. Ces nouvelles approches réactualisent certains aspects de théories plus anciennes la théorie du monstre prometteur de Goldschmidt.

Ces travaux montrent en effet que les homologies observées au niveau des organismes se retrouvent aussi au niveau du développement. L'existence de gènes "chefs d'orchestre" quasi identiques chez des espèces aussi diverses que les mouches, les souris et les humains change la conception du rôle des gènes dans la construction de l'individu (l'ontogenèse) et dans les réorganisations anatomiques qui se produisent au cours de l'histoire évolutive (la phylogenèse). En plus de confirmer l'ascendance commune entre les espèces vivantes, ces découvertes montrent que de petites modifications dans la séquence génétique au niveau de ces gènes voire une simple différence dans la période pendant laquelle de tels gènes sont exprimés au cours de l'embryogenèse, peuvent avoir des effets très importants sur la morphologie de l'organisme. Cela montre que l'évolution ne consiste pas seulement à créer de nouveaux gènes par mutation mais aussi à changer la façon dont les gènes sont exprimés.

Parmi les autres découvertes de la biologie moléculaire, les mécanismes épigénétiques constituent une autre voie par laquelle de l'information peut être transmise "à côté" du seul code génétique. Ce type de transmission peut impliquer l'ADN, l'ARN ou les protéines ou les organites du cytoplasmecellulairechromatine du chromosome qui le porte. Ce changement rend le gène silencieux sans en affecter la séquence nucléotidique. Par conséquent, ce gène sera transmis "intact" mais silencieux aux générations suivantes. On pourra donc observer la résurgence d'un caractère ancestral plus tard dans la lignée simplement par réactivation du gène (via une reconformation de la chromatine, déclenchée par un événement stressant dans l'environnement). L'importance de ces mécanismes épigénétiques est encore difficile à mesurer mais ils peuvent avoir des conséquences importantes dans l'explication de phénomènes qui ne respectent pas les lois de l'hérédité mendélienne .

Ainsi pour ceux qui en douteraient encore nous sommes condamnés à évoluer que nous le voulions ou non...



jeudi 6 décembre 2007

DESIR DE REUSSIR, DESIR DE SAVOIR ET DESIR DE CREER. Education 1.



Le désir de réussir qui vient souvent dans les conversations contemporaines n'a guère de profondeur.

Dans les milieux économiques, le désir de réussite cachent une tension entre deux types de succès. D'une part la réussite économique peut être liée à la création d'une entreprise qui propose une possibilité qui n'était pas offerte jusque là à des clients mais d'autre part la réussite économique signifie une réussite financière.
La réussite financière implique souvent une tromperie sur la qualité du service rendu soi-disant à moindre coût. Du coup, on fait signer des contrats abusifs aux clients, on leur fournit des prestations de mauvaises qualités, etc. Chercher une telle réussite entraîne souvent un mépris des personnels dans l'entreprise, on exige d'eux une productivité inhumaine pour des salaires les plus bas possibles. Du coup on exploite, on licencie, on délocalise... La réussite financière passe souvent par la spéculation sur des entreprises dont on dilapide les savoirs-faire. Dans une optique de rendement financier à court ou moyen terme, on n'investit plus quitte plus tard à revendre l'entreprise ou ce qu'il en reste au meilleur prix.
Créer une entreprise qui offrira une possibilité réelle qui n'était offerte jusque là induit un sens de l'innovation ou d'une stratégie d'implantation et fidélisation des clients. Cela suppose une aventure collective où le leader n'est pas un tyran mais juste celui qui marche en avant du collectif qu'il a formé autour de lui. Ce créateur demande aux financiers de prendre des risques à plus ou moins long terme, il leur demande une logique d'investissement.

Pourra-t-on un jour mettre enfin les puissances de l'argent au service des entreprises humaines ?

La logique du profit dans la conception du désir de réussir se retrouve au coeur même des écoles et lycée qui devraient promouvoir le désir de savoir en vue du désir de créer. Dans cette logique il faut que les élèves réussissent. Il faut offrir à un maximum d'élève une réussite.

En France, la démocratisation de l’enseignement qui se traduit par l’idée de 80% de bacheliers d’une classe d’âge est un leurre : on ne se donne pas les moyens de former des élèves au moins soucieux d’apprendre et de créer.
Les professeurs sont de plus en plus confrontés à des élèves qui affirment leur refus d’apprendre. Il ne s’agit plus d’une matière ou deux qui n'intéressent plus les élèves au profit d’une autre comme ce fut le cas autrefois, il s’agit souvent de toutes les matières qui sont négligées. Ce type d'élève représente presque un cinquième des classes de terminales technologiques et générales dans la plupart des lycées français.
Parce que les exigences scolaires ont diminuées du fait même de la démocratisation de l’enseignement, de nombreux élèves se contentent du minimum :
- les mémorisations nécessaires à l’élaboration d’un savoir sont donc devenues très parcellaires, les professeurs font face à des élèves qui ont des savoirs qui ressemblent à des pièces de puzzle dispersées sans la moindre idée de ce à quoi le puzzle ressemble dans son ensemble,
- dans les exercices qu’on leur propose, il n’y a plus qu’une démarche d’exécution de tâches qui ne nécessitent aucune intelligence ; autrement dit les exercices proposés ne proposent aucune difficulté qui convoquant les connaissances, les poussent à leur limite et exige comme un trait de génie qui seul nourrit au fond le besoin d’apprendre.
Ces deux catégories d’élèves créent dans les classes une inertie sans précédent qui ne permet pas de satisfaire les quelques élèves qui éprouvent le besoin d’apprendre. Ceux-ci s’ennuient alors.
Le passage quasi-systématique d’un niveau à un autre de ces élèves qui n’éprouvent pas le besoin d’apprendre rend caduque les discours concernant le sens nécessaire de l’effort qui peut seul incarner le désir de savoir. La société renvoie aux professeurs leur incapacité de former les élèves au sens de l’effort mais elle ne s’interroge pas sur les moyens qu’elle octroie pour y parvenir, elle ne s'interroge pas sur son discours de réussite essentiellement économique dont nous avons précédemment montrer l'ambiguïté profonde.
Les professeurs ont de plus en plus le sentiment dans leurs cours de sauver ce qui reste de savoir, de sacrifier de plus en plus le sens profond de l’exigence qui est de produire du génie. Les meilleurs élèves en tout cas se retrouvent dans des classes sélectives qui cherchent à produire vraiment du génie : ils souffrent alors énormément des lacunes d’une démocratisation inconséquente de l’enseignement. Ils entrent en concurrence avec des élèves qui par les ressources sociales, économiques et culturelles de leur parent ont su au mieux éviter ces lacunes (cours privés, choix de filières sélectives dès le lycée tel que MPI, classe européenne, etc., contournement de la carte scolaire, choix d’un collège privé sélectif, etc.).
On s’étonne alors que l’éducation nationale en France n’ait pas progressé à l’encontre de la reproduction des couches sociales.
Faut-il condamner et renoncer à la démocratisation de l’enseignement ? Faut-il revenir à une sélection plus drastique comme autrefois ?
Quoi qu’il en soit face à l’hétérogénéité des élèves qui exigerait un enseignement plus différencié, on prend des mesures qui vont dans le sens de classes de plus en plus bondées. Les classes de seconde dont les élèves sont les moins matures du point de vue de l’autodiscipline et qui sont souvent déterminantes dans un cursus scolaires sont au lycée les plus bondées.
Sur le plan économique d'ailleurs, le métier d’apprendre a de moins en moins de valeur. Il est inquiétant de constater que dans l’économie mondiale les drogues, le pétrole et les armes ont encore tant de poids et que les financiers ferment les yeux sur la nature de cet argent. Il est inquiétant de voir qu’aujourd’hui sont de plus en plus valorisées dans l’esprit de cette majorité silencieuse des élèves qui n’ont aucun goût de l’effort pour apprendre la satisfaction sans efforts des désirs de richesse, de gloires, ou de pouvoirs, etc. L’ignorance revendiquée risque de nous conduire à des catastrophes sociales et politiques : car que vaut un enrichissement ou une gloire acquis sans avoir été la conséquence secondaire d’un génie ?
Que vaut une démocratisation scolaire qui n’élève pas et qui menace de faire triompher l’ignorance ? Elle est bien le symptôme d'une société dont la démocratie s'est transformée en ploutocratie (une société axée sur la seule réussite financière) ?

mardi 27 novembre 2007

HIERARCHIE ET HOLARCHIE.

Voici une représentation d'une hiérarchie et d'une holarchie telle qu'on la trouve en cherchant des images sur internet :

Le texte suivant est à quelques aménagement près la présentation qu'en fait le site Integral world animé par Frank Visser dans sa section française traduite par Eric de Rochefort :

Le concept d'holarchie a été formulé par Arthur Koestler qui l'a exposé notamment dans son ouvrage Le cheval dans la locomotive. Plus récemment, il a été précisé par le philosophe américain Ken Wilber, notamment dans Sex, Ecology, Spirituality : The Spirit of Evolution.

Le mot a été créé par opposition au mot hiérarchie.

Une hiérarchie est composée de niveaux. Les éléments d'un niveau ont une valeur supérieure à ceux des niveaux situés en-dessous et un rôle dominant par rapport à eux.


Une holarchie est composée de holons organisés en niveaux. Un holon est quelque chose qui est un tout à un certain niveau et une partie au niveau situé au-dessus.

Chaque niveau d'une holarchie transcende et inclut le(s) niveau(x) précédent(s), c'est-à-dire qu'un holon situé à un niveau préserve les holons des niveaux inférieurs et leur fonction, mais nie le fait qu'ils soient séparés ou isolés.

En fait, la réalité serait composée d'holarchies et le concept de hiérarchie est une création artificielle de l'esprit humain.

Ken Wilber a défini vingt principes régissant le fonctionnement des holons, les deux paragraphes ci-dessus ne décrivant que deux d'entre eux.

  • (1) La Réalité en tant que tout n'est pas composée de choses, ou de processus, mais de holons.
  • Les Holons font preuve de quatre capacités fondamentales:
    • (2a) auto-préservation,
    • (2b) auto-adaptation,
    • (2c) auto-transcendance.
    • (2d) auto-dissolution.
  • (3) Les holons émergent.
  • (4) Les holons émergent de manière holarchique.
  • (5) Chaque holon émergent transcende mais inclut son prédécesseur.
  • (6) Le moins élevé détermine les possibilités du plus élevé; le plus élevé détermine les possibilités du moins élevé.
  • (7) "Le nombre de niveaux que comprend une hiérarchie détermine si elle est 'superficielle' ou 'profonde'; et nous appellerons "envergure" le nombre de holons à un niveau quelconque" (A. Koestler).
  • (8) Chaque niveau d'évolution successif produit plus de profondeur et moins d'envergure.
  • (9) Détruisez un type quelconque de holon, et vous détruirez tous les holons au-dessus de lui et aucun des holons au-dessous de lui.
  • (10) Les holarchies co-évoluent.
  • (11) Le micro est en échange relationnel avec le macro à tous les niveaux de profondeur.
  • L'évolution a de la directionnalité:
    • (12a) complexité croissante.
    • (12b) différentiation/intégration croissantes.
    • (12c) organisation/structuration croissantes.
    • (12d) autonomie relative croissante.
    • (12e) telos croissant.
Note:

"Le Chapitre 2 [de Sex, Ecology, Spirituality : The Spirit of Evolution]
décrit "vingt principes" qui sont communs aux systèmes en évolution ou croissants où que nous les trouvions. Bien des gens les ont comptés et n'arrivaient pas à vingt, et ils voulaient savoir s'ils avaient manqué quelque chose. Ceci dépend simplement de ce que vous considérez comme principe. Je donne douze principes numérotés. Le numéro 2 contient quatre principes, et le numéro 12 en contient cinq. Cela fait bien dix-neuf en tout. Dans le livre, j'en donne trois supplémentaires. Cela fait vingt-deux. Mais un ou deux des principes ne sont pas vraiment des caractéristiques, simplement des définitions de mots (par exemple, le principe 7 et probablement 9). Cela laisse ainsi environ vingt principes réels, ou caractéristiques réelles de l'évolution. Mais il n'y a rien de sacré en ce qui concerne le chiffre vingt; ce sont justes certains des tendances les plus notables, des tropismes, ou des tendances de l'évolution." (extrait de la préface à la deuxième édition de Ken Wilber, Sex, Ecology, Spirituality, 1995, p. 35-78.)


Cependant si cette différence entre holarchie et hiérarchie semble donner l'avantage à l'holarchie, ce dernier concept est-il si défendable que cela dans le cadre humain ?

Notre thèse à l'encontre de Ken Wilber est que ce sont des systèmes d'organisation holarchique qui ont prévalu à l'aube de l'Etat. Selon nous la hiérarchie est précisément une dégénérescence de l'organisation holarchique. A partir de là l'holarchie ou l'holacratie ont-elles un avenir dans une évolution vers une mentalité postintégrale ? Ne serait-ce pas une forme de nostalgie de l'apogée de la conscience mentale qui s'ignore ?

Le travail de sri Aurobindo et de ses disciples comme Kireet Joshi sur l'interprétation des Védas montre clairement qu'une conception holarchique animait le système des castes naissants. 
Les Egyptologues pour leur part nous donnent aussi à penser la même chose de l'Egypte ancienne. D'ailleurs en Egypte les querelles théologiques ont eu selon nous pour enjeu une dégénérescence de l'organisation holarchique en organisation hiérarchique. Sur ce point on consultera sur ce même blog notre article sur les religions et plus particulièrement le passage sur Akhenaton.


Resterait alors à déterminer vers quoi nos organisations humaines pourraient évoluer pour commencer à traduire une conscience véritablement au-delà de la conscience mentale ?

Selon nous il faut prendre au sérieux la découverte spirituelle d'un principe d'individualisation au cœur de chaque être humain qui serait en même temps une conscience de l'unité des personnes en même temps que la source de l'unicité de chacune. C'est ce que nous esquissons ici sur notre blog Foudre très clairement dans le style d'un satprem.


Vivre dans une Conscience du Un et du Multiple au niveau de la dimension individuelle rendrait caduque l'idée même d'institution qui reste figée dans des représentations mentales. Cela paraît très utopique et hors de portée de notre conscience actuelle. Seulement on peut penser qu'une souplesse organisationnelle pourrait en quelque sorte être les prémisses d'une telle utopie. Il faudrait par exemple remettre régulièrement nos organisations entre les mains d'une rencontre des personnes qui les composent ou les fréquentent pour les réformer, les dissoudre, les réorganiser, etc. La rencontre et le dialogue nous semblent donc devoir devenir le premier fondement de nos organisations ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisque même nos organisations les plus démocratiques ne sont réformables que par l'intermédiaire de représentant élus qui n'ont que des relations rhétoriques avec leurs électeurs. Bien entendu cela suppose une certaine évolution de la conscience mentale pour dépasser tout cadre idéologique et vraiment adhérer à une évolution consciente de la conscience. Notre conception politique repose donc sur une conception intégraliste de la vérité et de la liberté.

dimanche 18 novembre 2007

SOCRATE ET L'INTERIORITE.


Christian Godin écrit dans La philosophie pour les nuls, p.99-100 :

" Socrate disait entendre en lui la voix d'un démon, c'est-à-dire d'une puissance supérieure (le mot en Grèce n'a aucune dimension diabolique), lorsqu'il était tenté de commettre une action mauvaise. La psychologie classique traduirait par "conscience morale" le démon de Socrate, la psychanalyse parlerait de "surmoi".

Cela étant, il convient de ne pas "psychologiser" à l'extrême ce démon. La notion de conscience morale, qui n'apparaîtra véritablement qu'avec le christianisme, était étrangère aux grecs qui ignoraient, rappelons-le l'intériorité du sujet, les profondeurs et l'intimité du "moi". Les mouvements internes de la pensée et de la volonté étaient alors (mais cela est vrai de n'importes quelle société ancienne et traditionnelle) systématiquement rapportés à des forces extérieures, personnifiés sous la forme ou figure de dieux. Rappelons que le célèbre "Connais-toi toi-même" inscrit sur le fronton du temple d'Apollon à Delphes et que Socrate avait justement pris pour devise n'avait pas le sens moderne de l'introspection ("Regarde en toi-même pour savoir qui tu es") mais qu'il ordonnait aux hommes de ne pas oublier qu'ils ne sont pas des dieux, qu'ils sont voués à la mort, à la différence des dieux.

Toujours est-il que ce démon socratique dut paraître assez inquiétant aux yeux des contemporains pour que ceux-ci croient y reconnaître quelque chose d'impie."


Toutes ces affirmations vont au final totalement à l'encontre de notre thèse selon laquelle Socrate dans l'évolution de la conscience et des mentalités serait un héros de l'individualisation consciente de la conscience.

Pour Christian Godin, Saint Augustin consacrerait l'acte de naissance de l'introspection. Dans La philosophie pour les nuls, p.189-190, il écrit à ce propos :

" C'est à travers la double expérience du déchirement et de l'écrasement que le moi s'est introduit dans la pensée philosophique. Le "connais-toi toi-même" de Socrate, rappelons-le pour les malentendants, n'avait pas le sens d'introspection. Avec saint Augustin, l'intime fait son entrée dans les lettres. L'intime, l'étymologie latine le dit, est ce qu'il y a de plus intérieur. Si les Grecs ne nous ont pas fait part de leur intimité, c'est qu'ils n'en avaient pas.

Il est significatif que l'examen de la conscience par elle-même soit venu d'une part du sentiment du péché, d'autre part sur le mode de la confession."

Du point de notre propre schéma évolutif qui consacre l'idée d'un développement de la conscience mentale à partir d'un va-et-vient entre une dimension collective et une dimension individuelle, l'approche de Christian Godin pourrait en partie s'intégrer.

La pensée de Socrate serait encore une forme de pensée intermédiaire entre une conscience ethnique et la pensée rationnelle moderne. Quant à saint Augustin en mettant en valeur l'introspection, il ouvrirait les prémisses d'une conscience subjective postmoderne qui finira par s'émanciper d'un cogito rationnel cartésien caractéristique de la pensée moderne.

Cependant nous défendons un schéma évolutif plus complexe :


(cliquez sur ce schéma pour le voir clairement)


Selon notre conception de l'évolution de la conscience mentale, Socrate viendrait après l'apogée de la conscience mentale qui se situerait avant lui historiquement et à laquelle son disciple Platon se référerait lorsqu'il confie son admiration pour la spiritualité égyptienne ou lorsqu'il évoque la cité mythique de l'âge d'or.
Mais selon nous Socrate aurait pleinement perçu l'importance d'un principe d'individualisation de la conscience universelle. Cette dimension individuelle de la conscience transcendante serait plus profonde que notre personnalité superficielle qui n'en serait qu'un pâle reflet historique et mortelle. En effet parce que cette individualité serait directement une manifestation de la conscience transcendante au cœur même de sa manifestation cosmique, elle serait liée à une dimension atemporelle de la conscience : le terme socratique pour désigner ceci est l'âme. Autrement dit, selon nous la formule socratique "connais-toi toi- même" pointe le but spirituel d'un retour de l'âme à elle-même dans la conscience mentale (que le terme nous désigne en grec) bien que chez la plupart elle soit ignorante d'elle même perdue au milieu des impressions sensibles et discursives qui forment ce qu'aujourd'hui nous appelons notre personnalité.

Serge Carfantan dans Conscience et connaissance de soi propose une critique de l'introspection pertinente selon nous pour Les confessions de saint Augustin telles que Chritian Godin et d'autres les envisagent. P. 128 et suivantes, Serge Carfantan écrit citant le journal de Jean Frédéric Amiel :

"Or, l'introspection est, par définition, l'application de l'analyse critique au moi pris comme objet. L'erreur de l'intellect à ce niveau implique alors la violence qui dissout le moi dans des éléments épars. L'introspection, comme négativité critique, est condamnée à ne révéler qu'une subjectivité fragmentaire, sans essence, une subjectivité qui n'est qu'un vent où tournoient des débris d'existence. "Mon être se résout en brouillard informe; mon existence n'est qu'un fantasme intérieur. Si pour les autres je semble quelqu'un, pour moi-même je ne sens qu'une ombre sans substance, un être insaisissable, un simple bruit de vie" [journal d'Amiel, 11 nov. 1886]."j'ai une peine infinie à rassembler mes molécules, je m'échappe continuellement à moi-même... Ne me continuant jamais moi-même, il est clair que je suis plusieurs et non pas un. Mon nom est Légion, Protée, Anarchie. Ce qui me manque, c'est une force déterminée et constante" [Journal d'Amiel , 29 mars 1854]. C'est la pensée critique, qui pose elle-même dans la représentation l'indigence radicale de la vie, et d'un moi rendu vide par l'analyse. "J'ai trop aimé la vie de la pensée, j'en ai fait mon refuge, mon asile, mon lieu fort, c'était un peu mon idole secrète, elle se brise" [4 sept. 1855]."

Christian Godin lorsu'il affirme que les grecs ne connaissent pas l'intériorité et l'intime ne confond t-il pas l'intériorité et l'intimité avec ce que Serge Carfantan désigne comme l'introspection à partir de sa lecture d'Amiel ?

Serge Carfantan dans Conscience et connaissance de soi précise les limites inhérentes à une conscience qui développe une personnalité introspective. P. 131, il écrit :

"Tout aussi bien, l'introspection demeure ainsi aveugle à ses propres conditions. En effet, elle suppose un dédoublement entre, d'un côté, le moi-lucide et glacé de l'intellect analytique, de l'autre le moi de la chaleur des sentiments, mais d'un affectivité trouble et ignorante. En arrière se projette alors un mirage, celui d'une double personnalité. Un moi-juge sévère, sujet d'une objectivité cruelle, décompose un moi-condamné, sujet d'une subjectivité passive et toujours victime. Et nous voilà embarqués dans le combat freudien entre le moi et du sur-moi, l'ego double de la duplicité ! [...] L'intellect a créé une dualité par le seul pouvoir de l'analyse, pour confier à chaque partie un rôle, et dédoubler l'ego. Mais il n'y a jamais eu que l'unité d'une seul vie qui est tout à la fois le pâtir de l'ego, et l'agir du je de l'intelligence pure".

 

Evidemment il est ici question d'Amiel mais lorsque Christian Godin fait de saint Augustin l'acte de naissance du moi introspectif, ne faut-il pas dès lors aussi le reconnaître comme l'un des premiers prisonniers d'une telle duplicité ? Saint Augustin dans ses Confessions est peut-être plus subtil qu'Amiel : le moi-juge est le moi qui rédige Les Confessions et saint Augustin montre qu'il suffit au moi-juge de clamer sa foi au Dieu de Jésus-Christ pour que la grâce de ce Dieu le libère du moi-condamné, le moi pécheur de par sa conception même.

Comme José Leroy l'explique dans Eveil et philosophie en s'appuyant sur les travaux de Michel Fromaget l'âme est distincte de l'esprit. Or Christian Godin ignore cette distinction. Or si elle est inopérante, comme le dit José Leroy, le spirituel est ramené au psychique. Le daimon de Socrate pourra recevoir une explication psychanalytique, même si il est soi-disant extérieur à l'âme comme les dieux d'après Christian Godin. Mais Christian Godin et de nombreux intellectuels contemporains ignorent que la conscience ne serait pas pour un grec de l'antiquité la même chose que l'âme. L'esprit enveloppe toute chose : les dieux, le daimon, l'âme et même le corps sont au sein de l'esprit. L'intériorité de la conscience pour Socrate ou Platon est précisément selon nous l'esprit qui enveloppe toute chose.

Certainement il faudrait reprendre les traductions de Platon qui sont gauchies très souvent par des contemporains qui ignorent cette distinction oubliée mais pourtant si importante quand on cherche à se connaître authentiquement. Cependant lisons un essai de traduction de La République d'un passage du livre VI emprunté au site http://remacle.org/:

" En admettant que les yeux soient doués de la faculté de voir, que celui qui possède cette faculté s'efforce de s'en servir, et que les objets auxquels il l'applique soient colorés (433), s'il n'intervient pas un troisième élément, destiné précisément à cette fin, tu sais que la vue ne 507e percevra rien et que les couleurs seront invisibles.
De quel élément parles-tu donc? demanda-t-il.
De ce que tu appelles la lumière, répondis-je.
Tu dis vrai."


On peut représenter ce constat sous cette forme :

La suite du texte de La République devient alors plus éloquente :

"Ainsi le sens de la vue et la faculté d'être vu sont unis par un lien incomparablement plus précieux que celui 508 qui forme les autres unions, si toutefois la lumière n'est point méprisable.
Mais certes, il s'en faut de beaucoup qu'elle soit méprisable !Quel est donc de tous les dieux du ciel (434) celui que tu peux désigner comme le maître de ceci, celui dont la lumière permet à nos yeux de voir de la meilleure façon possible, et aux objets visibles d'être vus?
Celui-là même que tu désignerais, ainsi que tout le monde; car c'est le soleil évidemment que tu me demandes de nommer.
Maintenant, la vue, de par sa nature, n'est-elle pas dans le rapport que voici avec ce dieu?
Quel rapport?
Ni la vue n'est le soleil, ni l'organe où elle se forme, et que nous appelons l'oeil. 508b
Non, certes.
Mais l'oeil est, je pense, de tous les organes des sens, celui qui ressemble le plus au soleil.
De beaucoup.
Eh bien ! la puissance qu'il possède ne lui vient-elle point du soleil, comme une émanation de ce dernier (435)
Si fait.
Donc le soleil n'est pas la vue, mais, en étant le principe, il est aperçu par elle.
Oui, dit-il.
Sache donc que c'est lui que je nomme le fils du bien, que le bien a engendré semblable à lui-même. Ce que le 508c bien est dans le domaine de l'intelligible à l'égard de la pensée et de ses objets, le soleil l'est dans le domaine du visible à l'égard de la vue et de ses objets.
Comment? demanda-t-il; explique-moi cela.
Tu sais, répondis-je, que les yeux, lorsqu'on les tourne vers des objets dont les couleurs ne sont plus éclairées par la lumière du jour, mais par la lueur des astres nocturnes, perdent leur acuité et semblent presque aveugles comme s'ils n'étaient point doués de vue nette.
Je le sais fort bien. 508d
Mais lorsqu'on les tourne vers des objets qu'illumine le soleil, ils voient distinctement et montrent qu'ils sont doués de vue nette.
Sans doute.
Conçois donc qu'il en est de même à l'égard de l'âme; quand elle fixe ses regards sur ce que la vérité et l'être illuminent, elle le comprend, le connaît, et montre qu'elle est douée d'intelligence (436); mais quand elle les porte sur ce qui est mêlé d'obscurité, sur ce qui naît et périt, sa vue s'émousse, elle n'a plus que des opinions, passe sans cesse de l'une à l'autre, et semble dépourvue d'intelligence.
Elle en semble dépourvue, en effet. 508e
Avoue donc que ce qui répand la lumière de la vérité sur les objets de la connaissance et confère au sujet qui connaît le pouvoir de connaître, c'est l'idée du bien (437); puisqu'elle est le principe de la science et de la vérité, tu peux la concevoir comme objet de connaissance (438), mais si belles que soient ces deux choses, la science et la vérité, tu ne te tromperas point en pensant que l'idée du bien en est distincte et les surpasse en beauté; comme, 509 dans le monde visible, on a raison de penser que la lumière et la vue sont semblables au soleil, mais tort de croire qu'elles sont le soleil, de même, dans le monde intelligible, il est juste de penser que la science et la vérité sont l'une et l'autre semblables au bien, mais faux de croire que l'une ou l'autre soit le bien; la nature du bien doit être regardée comme beaucoup plus précieuse.
Sa beauté, d'après toi, est au-dessus de toute expression s'il produit la science et la vérité et s'il est encore plus beau qu'elles. Assurément, tu ne le fais pas consister dans le plaisir.
Ne blasphème pas, repris-je; mais considère plutôt son image de cette manière.
Comment? 509b
Tu avoueras, je pense, que le soleil donne aux choses visibles non seulement le pouvoir d'être vues, mais encore la génération, l'accroissement et la nourriture, sans être lui-même génération.
Comment le serait-il, en effet?
Avoue aussi que les choses intelligibles ne tiennent pas seulement du bien leur intelligibilité, mais tiennent encore de lui leur être et leur essence, quoique le bien ne soit point l'essence, mais fort au-dessus de cette dernière en dignité et en puissance (439).
Alors Glaucon s'écria de façon comique : Par Apollon ! 509c voilà une merveilleuse supériorité !
C'est ta faute aussi ! Pourquoi m'obliger à dire ma pensée sur ce sujet? "

On peut essayer de résumer ces propos avec le schéma suivant qui viendrait prolonger le précédent :

Dans ce schéma la pensée éclairée (intuitivement) est l'équivalent de l'espace des choses visibles dans le dessin précédent. De même la vision de l'âme est ici l'équivalent de la vue de l'oeil du dessin précédent et enfin le Bien est l'équivalent du soleil dans le dessin précédent. Le Bien suscite l'âme et sa vision comme le soleil en un sens sans le vouloir permet à l'oeil de croître et d'exister. Et bien sûr comme le soleil éclaire plus ou moins les choses les rendant plus ou moins accessible à la vue, le Bien illumine plus ou moins la pensée à laquelle a accès la vision de l'âme.
Le Bien au-delà de l'essence de toute chose génère l'esprit dans lequel il y a âmes, pensées et principes générateurs (formes intelligibles).
Le schéma traditionnel de la ligne n'est pleinement éclairé que si on a selon nous en tête notre schéma qui se déduit de ce passage qui dans La république précède précisément celui de la ligne :



Le fameux "connais-toi toi-même" que Socrate avait pris pour devise est lié à la recherche de la sagesse. La seule science qui est science d'elle-même comme il précise dans le Charmide. La connaissance de soi-même où le sujet et l'objet de la connaissance sont identiques est donc la sagesse même. Cependant le Charmide montre que cette science dont l'objet est soi-même doit aussi inclure l'ignorance. Or il y a là dans le Charmide l'aveu d'une aporie qu'il faudra résoudre ultérieurement. Le Banquet nous semble-t-il est bien cette science de l'intériorité de l'esprit que l'âme par amour du beau ira chercher en s'y élevant vers les beaux discours, les formes intelligibles et enfin en contemplant le Beau-Bien-Vrai absolu dont toutes choses provient y compris l'âme elle-même dans ce qu'elle a de plus individuelle. Car la connaissance de soi-même pour Socrate et Platon s'avère la connaissance du Beau absolu par lui-même à travers les formes intelligibles qui composent l'âme elle-même. Il s'agit donc bien à travers le "connais-toi toi-même" d'entrer à l'intérieur de ce qui fait être pour connaître de l'intérieur ce qui est et non se tenir à l'extérieur. Le Banquet complète le Charmide : l'âme est porté autant par son amour du beau que son insatisfaction vis-à-vis de son ignorance vers une expérience de l'absolu dont elle émane.
La connaissance sensible reste une connaissance extérieure. Les fonctionnements des os, des muscles, indique Socrate dans le Phédon, n'explique pas sa conduite. Il faut considérer un point de vue intérieur à son questionnement qui induit sa conduite, c'est-à-dire le point de vue de la science dont l'objet est elle-même.
L'introspection revient à se regarder à l'intérieur comme on regarde de l'extérieur un objet là-bas. Elle permet le développement d'un certain nombre de subtilités ignorées de Socrate mais ne sont-elles pas pour la plupart ce qui devra être ôté lors d'un déshabillage de l'âme comme le Charmide l'évoque ? De fait la psychologie occidentale en confondant trop souvent le point de vue intérieur et le point de vue extérieur n'erre-t-elle pas sans cesse ? La majorité des philosophes et des psychologues réduit tout au point de vue extérieur et considère le daimon de Socrate comme une aberration.
Une minorité de penseurs veut sauvegarder un point de vue intérieur mais elle déclare impossible de tenir simultanément l'autre point de vue. Un carton ne peut pas être examiner complètement à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. La vue de l'intérieur permet de voir tous les côtés du carton à la fois tandis que la vue de l'extérieur laisse inaperçue certains côtés et exigent une série de points de vue divers pour faire le tour de l'objet. Spinoza explique que le point de vue de la pensée (le point de vue intérieur) peut être mis en parallèle avec le point de vue de l'étendue (le point de vue extérieur sur les corps) sans qu'on puisse réduire l'un à l'autre.
Mais pour Platon et Socrate le point de vue de l'extérieur ne peut se déployer qu'au sein du point de vue intérieur. Il y a pour eux comme une limite, un manque, une ignorance inhérente au point de vue extérieur toutes les faces ne peuvent être vues en même temps tandis que le point de vue intérieur permet sur le plan intelligible une connaissance intégrale de l'objet, une connaissance par identité que nous symbolisons ici par une conscience en transparence du carton...


Socrate et Platon envisagent donc une connaissance intelligible au-delà de l'intelligence discursive qui permette une connaissance par identité (la connaissance par transparence). Le "connais-toi toi-même" compris comme une connaissance de soi par identité serait une prise de conscience de soi-même au-delà de toute identité narrative qui procède par identification discursive à un corps, à des appétits (épitumia) et des sentiments comme le courage (thumos) ou des émotions comme la peur. L'âme animerait cette image instable et inscrutable que sont notre corps, nos appétits et nos sentiments (ou émotions). Mais la plupart des âmes ne se connaissant pas par identité se perdraient dans leurs images discursives et sensibles.
On notera que de nombreux adeptes des yogas hindous évoquent cette découverte de leur véritable identité au-dessus de la tête. Le védanta utilise le terme de Jivatman. Le penseur italien Raphaël, dans un livre comparant Platon et la pensée védantique hindoue, note une profonde convergence non pas au niveau des raisonnements mais au niveau de l'expérience.
Dans Le Phèdre, 246a-246d, on lit en effet à ce sujet (dans la traduction de Luc Brisson):

" Comment, dans ces conditions, se fait-il que l'être vivant soit qualifié de mortel et d'immortel ? Voilà ce qu'il faut tenter d'expliquer. Tout ce qui est âme a charge de tout ce qui est inanimé ; or, l'âme circule à travers la totalité du ciel, venant à y revêtir tantôt une forme tantôt une autre. C'est ainsi que, quand elle est parfaite et ailée, elle chemine dans les hauteurs et administre le monde entier ; quand, en revanche, elle a perdu ses ailes, elle est entraînée jusqu'à ce qu'elle se soit agrippée à quelque chose de solide ; là, elle établit sa demeure, elle prend un corps de terre qui semble se mouvoir de sa propre initiative grâce à la puissance qui appartient à l'âme."