Dans ses Lettres sur le yoga Sri Aurobindo parle du triple sentier :
Nombre d'éléments appartenant aux anciens systèmes sont nécessaires sur le chemin : ouvrir plus largement le mental, l'ouvrir au Moi et à l'Infini, émerger dans ce que l'on a appelé la Conscience Cosmique, dominer les désirs et les passions. Un ascétisme extérieur n'est pas essentiel, mais la conquête du désir et de l'attachement et la maîtrise du corps, de ses besoins, de ses appétits et de ses instincts sont indispensables. Les principes des anciens systèmes se combinent : la voie de la Connaissance, par le mental qui apprend à discerner entre la Réalité et les apparences, la voie du Cœur, qui est celle de la dévotion, de l'amour et de la soumission, et la voie des Œuvres, où la volonté se détourne des motifs d'intérêt personnel pour se diriger vers la Vérité et le service d'une Réalité plus grande que celle de l'ego. Car il faut préparer l'être tout entier à répondre et à se transformer lorsque la Lumière et la Force plus grandes pourront se mettre à l’œuvre dans la nature.
Dans L'immensité intérieure Douglas Harding affirme :
Parfois je commence un atelier en dessinant un carrefour. Au centre, je place Qui nous sommes vraiment, notre But, la vision de notre Véritable Nature. La route qui arrive d'en haut est la vision, symbolisée par un œil La seconde route vers le centre est la voie de la dévotion, symbolisée par un cœur. La troisième route est la voie du service, symbolisée par une main. Ce sont les trois voies traditionnelles. J'en ajoute une quatrième, la voie de la beauté, qui est très importante. Mozart me parle de Dieu comme seule la musique peut le faire.Chacun de nous préfère une voie selon son tempérament, qui convienne à sa nature. De toute évidence, pour Douglas c'est celle de la vision. Mais je suis parvenu à la conclusion qu'une voie sans les autres a toutes les chances de mal tourner. Elle a besoin des autres voies. Heureusement, il y a un périphérique autour du Centre qui nous permet d'aller de l'une de ces voies aux autres. Quand une voie ne fonctionne pas très bien à cause du mauvais temps ou des travaux sur la route, nous sommes déviés sur la route circulaire pour aller vers le centre en empruntant une autre voie, Dieu merci. Ainsi, ce qui était pour moi, à l'origine, une voie de la vision linéaire est devenue, par la grâce de Dieu et les exigences du voyage, une convergence vers le centre le long des quatre voies.
Chez Douglas Harding, on a un quadruple sentier plutôt qu'un triple sentier. Mais la voie de la beauté que Harding détache des autres voies n'appartient-elle pas à la voie de la vision ? Voir la beauté absolue n'est-ce pas chercher en soi-même la source de l'existence ? Par ailleurs aimer Dieu n'est-ce pas ressentir sa beauté ? Enfin œuvrer afin de faire exclusivement la volonté divine, n'est-ce pas se faire l'instrument de la perfection divine qui est beauté ?
Sri Aurobindo évoque le triple sentier et au-delà de ce triple sentier, il évoque un yoga de la perfection où la lumière et la force divine se manifesteraient de plus en plus dans l'existence terrestre. Quand il décrit cette ascension, il lui arrive d'évoquer la perfection d'inspiration artistique. Sa poésie cherche à traduire cette perfection à venir.
Si on doit souligner ce qui diffère vraiment entre Douglas Harding et Sri Aurobindo à propos du triple sentier, cela concerne le but. Pour Douglas Harding, il est question d'arriver à un centre. Pour Sri Aurobindo, il est aussi question de se transformer spirituellement afin de concentrer et ainsi de précipiter l'évolution de notre espèce au niveau de sa conscience même qui à son sommet n'est que mentale. Ainsi cette lettre que nous avons citée se termine sur ces mots :
Le seul but de son yoga est un développement intérieur grâce auquel tous ceux qui le pratiquent pourront, le moment venu, découvrir le Moi unique en tous et élaborer une conscience spirituelle et supramentale qui transformera et divinisera la nature humaine.
Nous reviendrons sur cet aspect évolutif de la transformation spirituelle qui nous semble central.
NOTRE SENTIER INDIVIDUEL DE PRÉDILECTION : LA CONNAISSANCE.
Notre sentier comme les postes précédents le montrent est d'abord celui de la connaissance. Comme ceux qui viendront le montreront de plus en plus nous sommes conduits sur un chemin de l'évolution consciente de la conscience.
Quoi qu'il en soit, que nous contentions de cheminer vers le Centre Divin de nous-même ou que nous entendions servir l'évolution de la conscience humaine insufflée par le Divin, Douglas Harding nous inspire à l'évidence une façon renouvelée de cheminer sur le triple sentier quand la voie de la connaissance est d'abord celle qui nous convient individuellement.
LE SENTIER DE LA DÉVOTION A L’ŒIL DE DIEU.
La voie de la dévotion repose pour l'essentiel sur l'amour de Dieu. Habituellement nous avons cette image de la dévotion lorsque nous sommes liés à la tradition chrétienne de manière privilégiée :
La vision de Douglas Harding nous donne une image de Dieu de prédilection à contempler. Contempler Dieu n'est pas d'abord un face à face. Comme le dit le chrétien Maître Eckhart :
est le même œil
par lequel Dieu me voit.
sont un seul œil, une seule vision,
une seule connaissance,
un seul amour.
Face à l'icône du Christ par exemple en première personne je découvre que l'invisible que l'icône rend visible est exactement ce qui m'ouvre à l'espace visible. L'icône pointe alors le caractère divin de mon propre œil. Avec l'icône la transparence de l’œil par lequel Dieu me voit prend forme sans se perdre dans la forme : le Fils de Dieu Jésus-Christ pointe à l'aide de son regard traduit sur l'icône le regard de Dieu le Père dans l'Esprit.
La pratique de cette vision suppose un aimant et un aimé. L'aimant est d'abord est un mauvais aimant pris qu'il est encore dans sa confusion avec son faux-moi mais s'il se remet sans cesse en présence de son Dieu, s'il se remet sans cesse dans le regard de Dieu, peu importe qu'il manque d'amour, qu'il pèche en amour (peccata en latin que les chrétiens traduisent par péché signifie d'abord le manque, l'inachèvement, l'échec : ce mot marque donc le fait de manquer son but. Il est dommage qu'on l'entende comme une faute morale qui implique une condamnation de Dieu). Pécher pour un tel dévot revient à se laisser détourner du regard de Dieu toujours disponible pour nous transmettre son amour et nous apprendre à aimer. Dieu ne peut pas détourner son regard et donc son amour de nous : le refus de son amour nous appartient.
Nous devons apprendre l'amour, nous devons peu à peu purifier notre amour qui n'est que préférences personnelles, égocentrismes plus ou moins raffinés jusqu'à ce que peut-être il se laisse se consumer dans le seul amour vrai et authentique du Divin. Le seul biais qui nous rattache à cet amour qui s'épanouira dans la vision est la foi, l'espérance sans cesse remémorée en se mettant en présence du regard doucement silencieux de Dieu.
Les différentes voies dévotionnelles à cette fin utilisent une prière répétée. Les chrétiens liés à la tradition orthodoxe pratiquent la prière du cœur constamment répétée "Seigneur Jésus Fils de Dieu prends pitié de nous pauvres pécheurs". Les musulmans soufis entrent dans la pratique du Dikhr en répétant en première personne "La ilaha ilallah". En Inde on parle d'un mantra dont la sonorité invoquerait des forces de Conscience purificatrices : le guru ou le maître intérieur découvrira au disciple le mantra et la forme divine adaptée au sein de la multiplicité du panthéon hindou.
Si nous commençons la pratique d'un mantra, il est souvent plus facile de le dire au milieu du front. Par exemple, un dévot centré sur le mantra Om qui le relie à la vision en première personne éprouvera quelque chose que nous pouvons symboliser comme ceci :
La démarche dévotionnelle est donc dans la passion du petit moi pour sa profondeur divine en première personne qui s'appuie sur la répétition d'un mantra ou/et sur une forme divine de prédilection.
LE SENTIER DES ŒUVRES.
Nous pouvons aussi tirer de nouvelles compréhensions inspirées de Douglas Harding au sujet de la voie des œuvres qu'en Inde on appelle le Karma yoga.
Selon la voie des œuvres, il faut que le petit moi découvre qu'il n'est pas l'auteur de l'action et qu'il s'efface pour que l'individu ne soit plus qu'un instrument parfait du Divin à tel point où ce qui reste d'individuel en l'être humain ne soit plus qu'une dimension du Divin.
La représentation usuelle de soi faisant la vaisselle suppose que nous sommes en train de faire des efforts avec notre corps pour faire la vaisselle :
Mais si nous considérons sérieusement le point de vue en première personne, quel est le sens de l'effort que nous nous représentons faire ?
Si nous nous efforçons de nous abandonner au champ de conscience qui se révèle entre autre comme l'espace visible, nous pouvons découvrir que le mouvement de notre corps ne nous appartient pas vraiment. Le philosophe Malebranche écrit : "dès que l'âme veut que le bras soit mû, le bras est mû, quoiqu'elle ne sache pas seulement ce qu'il faut faire pour le remuer". En effet, notre représentation de nous-même qui repose sur un certain sentiment de nous-même semble jouer un rôle dans la mise en œuvre des actions qui s'effectuent par notre corps mais à bien y réfléchir où s'enracine le mouvement et l'énergie matérielle sinon du point de vue de tout l'univers matériel ?
Toutes les échelles ici signalées sont nécessaires au mouvement du corps et la plupart ne sont connues de nous qu'indirectement. Ce n'est pas parce que je sais que je suis composé d'atomes et de molécules que je les sens à l’œuvre selon ma volonté.
Il y a donc une vérité profonde dans le fait de reconnaître que nous ne sommes pas en tant que petit moi l'auteur de nos actes. Toutefois nous pourrions revendiquer la qualité de la volonté du petit moi. Ne serions-nous pas le responsable de la clarté de nos intentions ? Bien sûr plus nous tendons à la confusion de nos intentions plus nous sommes le jouet de nos contradictions, de nos émotions et de nos pulsions. Mais comment la vision peut-elle s'intensifier sans notre clarté d'intention, sans notre passion d'être libre ?
Bien plus ne faut-il pas que nous assumions nos responsabilités ?
Andrew Cohen après avoir présenté sa loi de la clarté d'intention écrit : "Il y a peu d’êtres humains qui aspirent vraiment à être absolument responsables d’eux-mêmes. La plupart préfèrent se voir comme les victimes inconscientes de forces internes aussi bien qu’externes. Aussi longtemps que nous nous permettons de nous considérer comme victimes de nos réactions conditionnées venues de blessures et traumas passés, il est inévitable que tôt ou tard nous en venions à blesser ou traumatiser les autres, et l’élan accumulé de notre karma ne fera que se renforcer. Mais lorsque nous renonçons à la position de victime, nous prenons sur nos épaules le poids de notre karma. Nous l’assumons de façon à ce que personne d’autre n’ait à en souffrir. Héroïquement, nous choisissons de libérer le monde de notre propre ego misérable – et parce que nous nous soucions de l’évolution de la conscience, nous serons à même d’apporter une contribution importante."
Ces propos ne s'opposent-ils pas directement à l'idée que nous devrions sur le chemin du Karma yoga reconnaître que nous ne sommes pas l'auteur de nos actes ?
La position de Ramesh Balsekar ne serait-elle pas plus proche du Karma yoga ? Ecoutons-le s'exprimer :
"What Is Enlightement (revue dirigée par Andrew Cohen): Est ce que vous êtes en train de dire que chaque action qui se fait est la volonté de Dieu ?Ramesh Balsekar:Oui c’est la volonté de Dieu.WIE: Agissant à travers une personne ?RB:À travers une personne, oui.WIE: Qu’elle soit éveillée ou non ? Autrement dit, à travers tous ?RB: C’est juste. La seule différence, comme je le disais, c’est que l’homme ordinaire pense, « cette action est mienne », alors que le sage sait que l’action n’appartient à personne. Le sage sait que « les actes sont faits, les événements arrivent, mais il n’y a pas d’agissant individuel ». C’est l’unique différence pour ce qui me concerne. À la différence du sage, la personne ordinaire croit que les actes qui arrivent à travers cet organisme corps-esprit est le fait de l’individu, voilà la seule différence. Donc comme le sage sait qu’aucune action n’est de son fait, s’il arrive qu’une action blesse quelqu’un, il fera tout ce qu’il peut pour aider la personne blessée mais il n’y aura aucun sentiment de culpabilité."
A l'évidence quelque chose ne nous paraît pas satisfaisant non plus, si vraiment la volonté de Dieu est à l’œuvre, quelle est l'intérêt de la suivre en nous si elle blesse quelqu'un ? La volonté morale de la société ne serait-elle pas meilleure que cette volonté de Dieu ?
Le Karma yoga qui consiste à reconnaître que le véritable auteur est Dieu à travers toute sa manifestation cosmique qui s'exprime à travers notre corps-esprit n'est-il pas dès lors disqualifié ? La position d'Andrew Cohen n'est-elle pas plus fondée et à même d'éviter les dérives morales au nom d'un principe de désidentification des actes du corps-esprit ?
La clarté d'intention et la loi de la volition qui consiste à prendre ses responsabilités n'empêchent nullement de sacrifier nos œuvres et d'offrir leurs fruits au Divin. Notre volonté de nous perfectionner et d'améliorer le monde en prenant nos responsabilités c'est-à-dire en endossant le poids du monde qui comprend toutes ses souillures y compris les nôtres peut être sans cesse sacrifiée et offerte au Divin. La flamme de clarté d'intention et de volition qui gonfle dans notre cœur ne doit pas être retenue en nous, elle doit être sacrifiée, dissoute dans le champ infini de la conscience. Car notre individualité authentique n'est qu'une dimension du champ de conscience, si nous appuyant sur notre perfectionnisme nous maintenons notre individualité inauthentiquement loin de ses dimensions cosmiques et transcendantes, nous maintiendrons un ego subtil au nom de notre idéalisme perfectionniste. Nous nous détournerons peut-être de la volonté de Dieu qui au lieu de nous inviter à une aventure grandiose parfois nous demande de ne pas quitter notre monde quotidien assez étroit où notre perfectionnement semble demeurer invisible à tous. Car le karma yogi ne cherche pas non plus à recueillir les fruits de ses actes, il apprend à ne pas se préoccuper des échecs et plus encore des succès.
Notre réponse au débat entre l'approche d'Andrew Cohen et l'approche de Ramesh Balsekar n'est toutefois pas encore satisfaisante.
Mais nous pouvons regarder autrement ce problème en considérant la nature de l'action inspirée par la nature universelle de chaque plan de notre corps-esprit.
Sur le chemin spirituel nous ne pouvons ignorer qu'il y a plusieurs plans de conscience qui chacun a son propre principe d'action universel. Dans nos postes précédents nous avons vu en considérant ce qui constituait le faux moi qu'il y avait en nous de fausses représentations mentales : nos convictions doivent passer au crible de la réflexion pour que la vision progresse. Nous avons vu aussi qu'il nous fallait distinguer émotions et sentiments, l'émotion nous éloigne du champ de conscience dans sa profondeur tandis que le sentiment nous y relie.
Reste alors à considérer les pulsions en nous. Nos désirs d'enrichissement, qui expriment des pulsions animales d'appropriations initialement nécessaire à la survie du corps-esprit sans les bornes de l'instinct n'expliquent-ils pas le pillage de la planète ? Nos désirs sexuels, qui sont initialement au service de la pulsion sexuelle visant reproduction et parfois coopération sans aucune borne ne nous condamnent-ils pas à des aventures sentimentalo-sexuelles où aucune relation spirituelle ne parvient à se construire. Enfin nos désirs de reconnaissance qui à une certaine échelle s'avère des jeux de pouvoir ne sont-ils pas la simple continuation de la lutte pour la vie qui met en jeu la loi des plus forts ?
Il convient de souligner que chacune des pulsions que nous avons décrites ici est pour l'instant encore déterminante pour la vie animale : rejeter ces pulsions de notre nature animale reviendrait à prendre le risque de rejeter la Vie divine elle-même. Cependant quand l'instinct ne régule plus les pulsions, n'est-ce pas aux sentiments et à la réflexion éclairée dans la vision en première personne de les réguler ? Se laisser porter par ses pulsions n'est certes pas contraire à la volonté de Dieu mais les laisser commander nos préférences émotionnelles et nos convictions est-ce fidèle à la volonté de Dieu ?
Une relation sexuelle ne nous coupe pas forcément de la vision en première personne, elle peut même être une occasion comme une autre d'y revenir et de s'y laisser engager plus profondément. Mais à y regarder de plus près ne témoignent-elle pas de notre ignorance ? Pourquoi nous qui souvent nous targuons d'être l'unique animal terrestre conscient d'être conscient de soi ne sommes-nous pas davantage directement conscient de nos fonctionnements physiologiques ? Certes nous ressentons nettement, si nous sommes relaxés, le poids terrestre qui s'exerce sur notre corps mais nous ne percevons guère nos cellules et leur fonctionnement de façon directe. La réalité d'où les pulsions et les forces émergent nous demeure amplement inconsciente. La volonté de Dieu n'est-elle pas que nous soyons de plus en plus conscients ?
Si nous soumettons avant tout notre volonté aux pulsions de richesses, de pouvoirs et de sexes, notre champ de conscience peut-il s'approfondir au-delà du niveau réflexif et affectif ? Une pointe de liberté entendue comme présence au champ de conscience n'est pas exclue mais tout développement de la conscience au-delà du simple processus réflexif restera limité et confus.
Le Karma yoga ne reste jamais limité au service du corps-esprit par lequel il s'effectue. La richesse recherchée est non seulement une richesse spirituelle individuelle et collective mais plus encore la manifestation cosmique matérielle du Divin. Le pouvoir recherché est d'abord un pouvoir au service de la manifestation du Divin de plus en plus harmonieuse entre aspiration individuelle et collective mais plus encore au service d'une manifestation du Divin de plus en plus absolue au cœur même de sa manifestation matérielle. Enfin la sexualité transformée recherchée est une sexualité de moins en moins complice du jeu aveugle de la vie et de la mort du corps cellulaire.
Pour l'instant tout ceci reste seulement vérifiable par notre mise en pratique même si Andrew Cohen et ses disciples témoignent d'expériences d'harmonies entre l'individuel et le collectif au-delà de ce qui a pu occasionnellement se produire à tel moment dans l'histoire et ils estiment qu'elles annoncent un nouvel état de conscience. Sri Aurobindo et nombres de ses disciples témoignent d'une conscience au cœur même de la matière qui aurait des incidences sur le devenir de l'humanité et surtout des comportements de la matière tels qu'on les conçoit aujourd'hui à partir de la seule réflexion et de nos réalisations technologiques.
Quoi qu'il en soit le chercheur spirituel un peu ouvert ne cherche pas uniquement un point d'arrêt à partir duquel il puisse se croire libre de l'ignorance mais non plus ne joue pas le jeu d'une ignorance qui se sait et s'accepte telle quelle soi disant indépassable. Il renonce à toutes les stratégies où il s'agit d'admettre de l'ignorance en Dieu afin de se proclamer plus facilement soi-même incarnation de Dieu ou en toute fausse modestie de laisser les disciples le croire.
Si le champ de conscience est premier et si tout l'univers est une auto-création du champ de conscience alors il y a forcément un point de vue Suprême où tout est conscience de la réalité interstellaire la plus vaste à la plus infime particule, voire au vide spatio-temporel en passant par les activités matérielles cellulaires. Le chercheur spirituel modeste reconnaîtra donc aisément qu'il est loin d'être une incarnation individuelle parfaitement consciente du point de vue Suprême de la conscience.
Le Karma yoga est une voie de connaissance de la volonté du Suprême (point de vue que beaucoup nomme de façon personnelle Dieu, mais ce Suprême n'est-il pas tout autant une conscience impersonnelle ?) qui s'énonce à partir des plans de conscience les plus hauts dont le chercheur puisse être conscient. Le Karma yoga est un sacrifice de la volonté individuelle séparée de la conscience de la volonté cosmique mais plus encore séparée de la volonté divine véritablement transcendante, la volonté du Suprême. Cette volonté divine vraiment transcendante et qui commande l'évolution de la volonté cosmique se révèle parfois à nous sous la forme de l'intuition.
L'intuition n'est pas ici un pressentiment irrationnel. Ce n'est pas non plus une connaissance plus approfondie du plan mental ou affectif. Celle-ci peut nous rendre plus sensible que d'autres si bien qu'on se retrouve en train de suggérer une idée à quelqu'un d'autre sans qu'il le perçoive ou encore en train d'éprouver ce que l'autre éprouve. L'intuition est d'abord connue comme un renouvellement de la réflexion, une accélération incroyable qui répond à toutes nos questions ou à une question précise qu'elles soient d'ordre artistique, scientifique, philosophique mais aussi et surtout pratique.
Celui qui reçoit une authentique intuition sait qu'il n'en est pas l'auteur. Il sait de plus en plus qu'il n'en est que le lieu de manifestation, il se ressent de plus en plus comme instrument du Suprême. Il sait qu'il y a là un continent qui pour s'y aventurer nécessite la fin de tout plaisir du petit moi et donc de tout sens du petit moi.
Mâ Ananda Mayi écrit ainsi :
L'action consacrée à Dieu n'est pas du même ordre que le travail exécuté sous l'impulsion du désir. La première vise l'union qui conduit à l'illumination, la seconde a pour but le plaisir qui conduit à de nouvelles expériences dans le monde. Seule mérite d'être appelée "action" celle par laquelle sera révélée l'union éternelle de l'homme à Dieu : tout le reste est inutile, indigne du nom d'action et n'est pas action du tout (extrait de L'enseignement de Ma Ananda Mayi).
Pistes pour aller plus loin :
Pour lire Douglas Harding plus en profondeur sur ce quadruple sentier :
http://eveilphilosophie.canalblog.com/archives/2015/12/21/33102843.html
Au final, sur la question du Karma yoga, lisons Sri Aurobindo dans sa Synthèse des yogas. Voici un extrait ici en lien.
Sur le yoga de la perfection qu'évoque Sri Aurobindo comme quatrième voie approfondissant et prolongeant le triple sentier, on peut lire ici son opuscule sur La Mère.