mercredi 25 juillet 2007

LE TRIPLE SENTIER : connaissance, dévotion et œuvres.

INTRODUCTION AU TRIPLE SENTIER :




Dans ses Lettres sur le yoga Sri Aurobindo parle du triple sentier :

Nombre d'éléments appartenant aux anciens systèmes sont nécessaires sur le chemin : ouvrir plus largement le mental, l'ouvrir au Moi et à l'Infini, émerger dans ce que l'on a appelé la Conscience Cosmique, dominer les désirs et les passions. Un ascétisme extérieur n'est pas essentiel, mais la conquête du désir et de l'attachement et la maîtrise du corps, de ses besoins, de ses appétits et de ses instincts sont indispensables. Les principes des anciens systèmes se combinent : la voie de la Connaissance, par le mental qui apprend à discerner entre la Réalité et les apparences, la voie du Cœur, qui est celle de la dévotion, de l'amour et de la soumission, et la voie des Œuvres, où la volonté se détourne des motifs d'intérêt personnel pour se diriger vers la Vérité et le service d'une Réalité plus grande que celle de l'ego. Car il faut préparer l'être tout entier à répondre et à se transformer lorsque la Lumière et la Force plus grandes pourront se mettre à l’œuvre dans la nature.

Dans L'immensité intérieure Douglas Harding affirme :


Parfois je commence un atelier en dessinant un carrefour. Au centre, je place Qui nous sommes vraiment, notre But, la vision de notre Véritable Nature. La route qui arrive d'en haut est la vision, symbolisée par un œil La seconde route vers le centre est la voie de la dévotion, symbolisée par un cœur. La troisième route est la voie du service, symbolisée par une main. Ce sont les trois voies traditionnelles. J'en ajoute une quatrième, la voie de la beauté, qui est très importante. Mozart me parle de Dieu comme seule la musique peut le faire.

Chacun de nous préfère une voie selon son tempérament, qui convienne à sa nature. De toute évidence, pour Douglas c'est celle de la vision. Mais je suis parvenu à la conclusion qu'une voie sans les autres a toutes les chances de mal tourner. Elle a besoin des autres voies. Heureusement, il y a un périphérique autour du Centre qui nous permet d'aller de l'une de ces voies aux autres. Quand une voie ne fonctionne pas très bien à cause du mauvais temps ou des travaux sur la route, nous sommes déviés sur la route circulaire pour aller vers le centre en empruntant une autre voie, Dieu merci. Ainsi, ce qui était pour moi, à l'origine, une voie de la vision linéaire est devenue, par la grâce de Dieu et les exigences du voyage, une convergence vers le centre le long des quatre voies.

Chez Douglas Harding, on a un quadruple sentier plutôt qu'un triple sentier. Mais la voie de la beauté que Harding détache des autres voies n'appartient-elle pas à la voie de la vision ? Voir la beauté absolue n'est-ce pas chercher en soi-même la source de l'existence ? Par ailleurs aimer Dieu n'est-ce pas ressentir sa beauté ? Enfin œuvrer afin de faire exclusivement la volonté divine, n'est-ce pas se faire l'instrument de la perfection divine qui est beauté ?
Sri Aurobindo évoque le triple sentier et au-delà de ce triple sentier, il évoque un yoga de la perfection où la lumière et la force divine se manifesteraient de plus en plus dans l'existence terrestre. Quand il décrit cette ascension, il lui arrive d'évoquer la perfection d'inspiration artistique. Sa poésie cherche à traduire cette perfection à venir.

Si on doit souligner ce qui diffère vraiment entre Douglas Harding et Sri Aurobindo à propos du triple sentier, cela concerne le but. Pour Douglas Harding, il est question d'arriver à un centre. Pour Sri Aurobindo, il est aussi question de se transformer spirituellement afin de concentrer et ainsi de précipiter l'évolution de notre espèce au niveau de sa conscience même qui à son sommet n'est que mentale. Ainsi cette lettre que nous avons citée se termine sur ces mots :

Le seul but de son yoga est un développement intérieur grâce auquel tous ceux qui le pratiquent pourront, le moment venu, découvrir le Moi unique en tous et élaborer une conscience spirituelle et supramentale qui transformera et divinisera la nature humaine.

Nous reviendrons sur cet aspect évolutif de la transformation spirituelle qui nous semble central.



NOTRE SENTIER INDIVIDUEL DE PRÉDILECTION : LA CONNAISSANCE.

Notre sentier comme les postes précédents le montrent est d'abord celui de la connaissance. Comme ceux qui viendront le montreront de plus en plus nous sommes conduits sur un chemin de l'évolution consciente de la conscience.

Quoi qu'il en soit, que nous contentions de cheminer vers le Centre Divin de nous-même ou que nous entendions servir l'évolution de la conscience humaine insufflée par le Divin, Douglas Harding nous inspire à l'évidence une façon renouvelée de cheminer sur le triple sentier quand la voie de la connaissance est d'abord celle qui nous convient individuellement.



LE SENTIER DE LA DÉVOTION A L’ŒIL DE DIEU.

La voie de la dévotion repose pour l'essentiel sur l'amour de Dieu. Habituellement nous avons cette image de la dévotion lorsque nous sommes liés à la tradition chrétienne de manière privilégiée :



La vision de Douglas Harding nous donne une image de Dieu de prédilection à contempler. Contempler Dieu n'est pas d'abord un face à face. Comme le dit le chrétien Maître Eckhart :

L’œil par lequel je vois Dieu
est le même œil
par lequel Dieu me voit.
Mon œil et l’œil de Dieu
sont un seul œil, une seule vision,
une seule connaissance,
un seul amour.

Le dévot doit donc rester uni à cette vision, il doit se débarrasser de tout ce qui l'éloigne de cette vision. Toutes ses émotions et tous ses désirs doivent se rapporter à cette vision.

Face à l'icône du Christ par exemple en première personne je découvre que l'invisible que l'icône rend visible est exactement ce qui m'ouvre à l'espace visible. L'icône pointe alors le caractère divin de mon propre œil. Avec l'icône la transparence de l’œil par lequel Dieu me voit prend forme sans se perdre dans la forme : le Fils de Dieu Jésus-Christ pointe à l'aide de son regard traduit sur l'icône le regard de Dieu le Père dans l'Esprit.

La pratique de cette vision suppose un aimant et un aimé. L'aimant est d'abord est un mauvais aimant pris qu'il est encore dans sa confusion avec son faux-moi mais s'il se remet sans cesse en présence de son Dieu, s'il se remet sans cesse dans le regard de Dieu, peu importe qu'il manque d'amour, qu'il pèche en amour (peccata en latin que les chrétiens traduisent par péché signifie d'abord le manque, l'inachèvement, l'échec : ce mot marque donc le fait de manquer son but. Il est dommage qu'on l'entende comme une faute morale qui implique une condamnation de Dieu). Pécher pour un tel dévot revient à se laisser détourner du regard de Dieu toujours disponible pour nous transmettre son amour et nous apprendre à aimer. Dieu ne peut pas détourner son regard et donc son amour de nous : le refus de son amour nous appartient.

Nous devons apprendre l'amour, nous devons peu à peu purifier notre amour qui n'est que préférences personnelles, égocentrismes plus ou moins raffinés jusqu'à ce que peut-être il se laisse se consumer dans le seul amour vrai et authentique du Divin. Le seul biais qui nous rattache à cet amour qui s'épanouira dans la vision est la foi, l'espérance sans cesse remémorée en se mettant en présence du regard doucement silencieux de Dieu.

Les différentes voies dévotionnelles à cette fin utilisent une prière répétée. Les chrétiens liés à la tradition orthodoxe pratiquent la prière du cœur constamment répétée "Seigneur Jésus Fils de Dieu prends pitié de nous pauvres pécheurs". Les musulmans soufis entrent dans la pratique du Dikhr en répétant en première personne
"La ilaha ilallah". En Inde on parle d'un mantra dont la sonorité invoquerait des forces de Conscience purificatrices : le guru ou le maître intérieur découvrira au disciple le mantra et la forme divine adaptée au sein de la multiplicité du panthéon hindou.

Si nous commençons la pratique d'un mantra, il est souvent plus facile de le dire au milieu du front. Par exemple, un dévot centré sur le mantra Om qui le relie à la vision en première personne éprouvera quelque chose que nous pouvons symboliser comme ceci :


Et si sa passion dévotionnelle pour sa forme divine soutenue par son mantra purifie son cœur lien entre son corps et la vision en première personne, il pourrait avoir une vision de cette forme dans son cœur ouvert à la vision en première personne. Ici par exemple celle de Shiva dansant descendant dans le centre du cœur :


Cette expérience d'une forme divine descendant dans le coeur de la vision en première personne n'est pas encore la preuve que la vision divine a réussi à exprimer son Amour absolu au travers du dévot. Mais cela prouve que le rappel de Soi, que le souvenir du petit moi de la grandeur divine de la vision en première personne prend une consistance de plus en plus énergique et de plus en plus constante.

La démarche dévotionnelle est donc dans la passion du petit moi pour sa profondeur divine en première personne qui s'appuie sur la répétition d'un mantra ou/et sur une forme divine de prédilection.


LE SENTIER DES ŒUVRES.

Nous pouvons aussi tirer de nouvelles compréhensions inspirées de Douglas Harding au sujet de la voie des œuvres qu'en Inde on appelle le Karma yoga.
Selon la voie des œuvres, il faut que le petit moi découvre qu'il n'est pas l'auteur de l'action et qu'il s'efface pour que l'individu ne soit plus qu'un instrument parfait du Divin à tel point où ce qui reste d'individuel en l'être humain ne soit plus qu'une dimension du Divin.


La représentation usuelle de soi faisant la vaisselle suppose que nous sommes en train de faire des efforts avec notre corps pour faire la vaisselle :


Mais si nous considérons sérieusement le point de vue en première personne, quel est le sens de l'effort que nous nous représentons faire ?

Si nous nous efforçons de nous abandonner au champ de conscience qui se révèle entre autre comme l'espace visible, nous pouvons découvrir que le mouvement de notre corps ne nous appartient pas vraiment. Le philosophe Malebranche écrit : "dès que l'âme veut que le bras soit mû, le bras est mû, quoiqu'elle ne sache pas seulement ce qu'il faut faire pour le remuer". En effet, notre représentation de nous-même qui repose sur un certain sentiment de nous-même semble jouer un rôle dans la mise en œuvre des actions qui s'effectuent par notre corps mais à bien y réfléchir où s'enracine le mouvement et l'énergie matérielle sinon du point de vue de tout l'univers matériel ?


Toutes les échelles ici signalées sont nécessaires au mouvement du corps et la plupart ne sont connues de nous qu'indirectement. Ce n'est pas parce que je sais que je suis composé d'atomes et de molécules que je les sens à l’œuvre selon ma volonté.

Il y a donc une vérité profonde dans le fait de reconnaître que nous ne sommes pas en tant que petit moi l'auteur de nos actes. Toutefois nous pourrions revendiquer la qualité de la volonté du petit moi. Ne serions-nous pas le responsable de la clarté de nos intentions ? Bien sûr plus nous tendons à la confusion de nos intentions plus nous sommes le jouet de nos contradictions, de nos émotions et de nos pulsions. Mais comment la vision peut-elle s'intensifier sans notre clarté d'intention, sans notre passion d'être libre ?

Bien plus ne faut-il pas que nous assumions nos responsabilités ?

Andrew Cohen après avoir présenté sa loi de la clarté d'intention écrit : "Il y a peu d’êtres humains qui aspirent vraiment à être absolument responsables d’eux-mêmes. La plupart préfèrent se voir comme les victimes inconscientes de forces internes aussi bien qu’externes. Aussi longtemps que nous nous permettons de nous considérer comme victimes de nos réactions conditionnées venues de blessures et traumas passés, il est inévitable que tôt ou tard nous en venions à blesser ou traumatiser les autres, et l’élan accumulé de notre karma ne fera que se renforcer. Mais lorsque nous renonçons à la position de victime, nous prenons sur nos épaules le poids de notre karma. Nous l’assumons de façon à ce que personne d’autre n’ait à en souffrir. Héroïquement, nous choisissons de libérer le monde de notre propre ego misérable – et parce que nous nous soucions de l’évolution de la conscience, nous serons à même d’apporter une contribution importante."

Ces propos ne s'opposent-ils pas directement à l'idée que nous devrions sur le chemin du Karma yoga reconnaître que nous ne sommes pas l'auteur de nos actes ?

La position de Ramesh Balsekar ne serait-elle pas plus proche du Karma yoga ? Ecoutons-le s'exprimer :

"What Is Enlightement (revue dirigée par Andrew Cohen): Est ce que vous êtes en train de dire que chaque action qui se fait est la volonté de Dieu ?

Ramesh Balsekar:Oui ­ c’est la volonté de Dieu.

WIE: Agissant à travers une personne ?

RB:À travers une personne, oui.

WIE: Qu’elle soit éveillée ou non ? Autrement dit, à travers tous ?

RB: C’est juste. La seule différence, comme je le disais, c’est que l’homme ordinaire pense, « cette action est mienne », alors que le sage sait que l’action n’appartient à personne. Le sage sait que « les actes sont faits, les événements arrivent, mais il n’y a pas d’agissant individuel ». C’est l’unique différence pour ce qui me concerne. À la différence du sage, la personne ordinaire croit que les actes qui arrivent à travers cet organisme corps-esprit est le fait de l’individu, voilà la seule différence. Donc comme le sage sait qu’aucune action n’est de son fait, s’il arrive qu’une action blesse quelqu’un, il fera tout ce qu’il peut pour aider la personne blessée mais il n’y aura aucun sentiment de culpabilité."

A l'évidence quelque chose ne nous paraît pas satisfaisant non plus, si vraiment la volonté de Dieu est à l’œuvre, quelle est l'intérêt de la suivre en nous si elle blesse quelqu'un ? La volonté morale de la société ne serait-elle pas meilleure que cette volonté de Dieu ?

Le Karma yoga qui consiste à reconnaître que le véritable auteur est Dieu à travers toute sa manifestation cosmique qui s'exprime à travers notre corps-esprit n'est-il pas dès lors disqualifié ? La position d'Andrew Cohen n'est-elle pas plus fondée et à même d'éviter les dérives morales au nom d'un principe de désidentification des actes du corps-esprit ?

La clarté d'intention et la loi de la volition qui consiste à prendre ses responsabilités n'empêchent nullement de sacrifier nos œuvres et d'offrir leurs fruits au Divin. Notre volonté de nous perfectionner et d'améliorer le monde en prenant nos responsabilités c'est-à-dire en endossant le poids du monde qui comprend toutes ses souillures y compris les nôtres peut être sans cesse sacrifiée et offerte au Divin. La flamme de clarté d'intention et de volition qui gonfle dans notre cœur ne doit pas être retenue en nous, elle doit être sacrifiée, dissoute dans le champ infini de la conscience. Car notre individualité authentique n'est qu'une dimension du champ de conscience, si nous appuyant sur notre perfectionnisme nous maintenons notre individualité inauthentiquement loin de ses dimensions cosmiques et transcendantes, nous maintiendrons un ego subtil au nom de notre idéalisme perfectionniste. Nous nous détournerons peut-être de la volonté de Dieu qui au lieu de nous inviter à une aventure grandiose parfois nous demande de ne pas quitter notre monde quotidien assez étroit où notre perfectionnement semble demeurer invisible à tous. Car le karma yogi ne cherche pas non plus à recueillir les fruits de ses actes, il apprend à ne pas se préoccuper des échecs et plus encore des succès.

Notre réponse au débat entre l'approche d'Andrew Cohen et l'approche de Ramesh Balsekar n'est toutefois pas encore satisfaisante.

Mais nous pouvons regarder autrement ce problème en considérant la nature de l'action inspirée par la nature universelle de chaque plan de notre corps-esprit.


Sur le chemin spirituel nous ne pouvons ignorer qu'il y a plusieurs plans de conscience qui chacun a son propre principe d'action universel. Dans nos postes précédents nous avons vu en considérant ce qui constituait le faux moi qu'il y avait en nous de fausses représentations mentales : nos convictions doivent passer au crible de la réflexion pour que la vision progresse. Nous avons vu aussi qu'il nous fallait distinguer émotions et sentiments, l'émotion nous éloigne du champ de conscience dans sa profondeur tandis que le sentiment nous y relie.

Reste alors à considérer les pulsions en nous. Nos désirs d'enrichissement, qui expriment des pulsions animales d'appropriations initialement nécessaire à la survie du corps-esprit sans les bornes de l'instinct n'expliquent-ils pas le pillage de la planète ? Nos désirs sexuels, qui sont initialement au service de la pulsion sexuelle visant reproduction et parfois coopération sans aucune borne ne nous condamnent-ils pas à des aventures sentimentalo-sexuelles où aucune relation spirituelle ne parvient à se construire. Enfin nos désirs de reconnaissance qui à une certaine échelle s'avère des jeux de pouvoir ne sont-ils pas la simple continuation de la lutte pour la vie qui met en jeu la loi des plus forts ?

Il convient de souligner que chacune des pulsions que nous avons décrites ici est pour l'instant encore déterminante pour la vie animale : rejeter ces pulsions de notre nature animale reviendrait à prendre le risque de rejeter la Vie divine elle-même. Cependant quand l'instinct ne régule plus les pulsions, n'est-ce pas aux sentiments et à la réflexion éclairée dans la vision en première personne de les réguler ? Se laisser porter par ses pulsions n'est certes pas contraire à la volonté de Dieu mais les laisser commander nos préférences émotionnelles et nos convictions est-ce fidèle à la volonté de Dieu ?

Une relation sexuelle ne nous coupe pas forcément de la vision en première personne, elle peut même être une occasion comme une autre d'y revenir et de s'y laisser engager plus profondément. Mais à y regarder de plus près ne témoignent-elle pas de notre ignorance ? Pourquoi nous qui souvent nous targuons d'être l'unique animal terrestre conscient d'être conscient de soi ne sommes-nous pas davantage directement conscient de nos fonctionnements physiologiques ? Certes nous ressentons nettement, si nous sommes relaxés, le poids terrestre qui s'exerce sur notre corps mais nous ne percevons guère nos cellules et leur fonctionnement de façon directe. La réalité d'où les pulsions et les forces émergent nous demeure amplement inconsciente. La volonté de Dieu n'est-elle pas que nous soyons de plus en plus conscients ?

Si nous soumettons avant tout notre volonté aux pulsions de richesses, de pouvoirs et de sexes, notre champ de conscience peut-il s'approfondir au-delà du niveau réflexif et affectif ? Une pointe de liberté entendue comme présence au champ de conscience n'est pas exclue mais tout développement de la conscience au-delà du simple processus réflexif restera limité et confus.

Le Karma yoga ne reste jamais limité au service du corps-esprit par lequel il s'effectue. La richesse recherchée est non seulement une richesse spirituelle individuelle et collective mais plus encore la manifestation cosmique matérielle du Divin. Le pouvoir recherché est d'abord un pouvoir au service de la manifestation du Divin de plus en plus harmonieuse entre aspiration individuelle et collective mais plus encore au service d'une manifestation du Divin de plus en plus absolue au cœur même de sa manifestation matérielle. Enfin la sexualité transformée recherchée est une sexualité de moins en moins complice du jeu aveugle de la vie et de la mort du corps cellulaire.

Pour l'instant tout ceci reste seulement vérifiable par notre mise en pratique même si Andrew Cohen et ses disciples témoignent d'expériences d'harmonies entre l'individuel et le collectif au-delà de ce qui a pu occasionnellement se produire à tel moment dans l'histoire et ils estiment qu'elles annoncent un nouvel état de conscience. Sri Aurobindo et nombres de ses disciples témoignent d'une conscience au cœur même de la matière qui aurait des incidences sur le devenir de l'humanité et surtout des comportements de la matière tels qu'on les conçoit aujourd'hui à partir de la seule réflexion et de nos réalisations technologiques.

Quoi qu'il en soit le chercheur spirituel un peu ouvert ne cherche pas uniquement un point d'arrêt à partir duquel il puisse se croire libre de l'ignorance mais non plus ne joue pas le jeu d'une ignorance qui se sait et s'accepte telle quelle soi disant indépassable. Il renonce à toutes les stratégies où il s'agit d'admettre de l'ignorance en Dieu afin de se proclamer plus facilement soi-même incarnation de Dieu ou en toute fausse modestie de laisser les disciples le croire.

Si le champ de conscience est premier et si tout l'univers est une auto-création du champ de conscience alors il y a forcément un point de vue Suprême où tout est conscience de la réalité interstellaire la plus vaste à la plus infime particule, voire au vide spatio-temporel en passant par les activités matérielles cellulaires. Le chercheur spirituel modeste reconnaîtra donc aisément qu'il est loin d'être une incarnation individuelle parfaitement consciente du point de vue Suprême de la conscience.

Le Karma yoga est une voie de connaissance de la volonté du Suprême (point de vue que beaucoup nomme de façon personnelle Dieu, mais ce Suprême n'est-il pas tout autant une conscience impersonnelle ?) qui s'énonce à partir des plans de conscience les plus hauts dont le chercheur puisse être conscient. Le Karma yoga est un sacrifice de la volonté individuelle séparée de la conscience de la volonté cosmique mais plus encore séparée de la volonté divine véritablement transcendante, la volonté du Suprême. Cette volonté divine vraiment transcendante et qui commande l'évolution de la volonté cosmique se révèle parfois à nous sous la forme de l'intuition.

L'intuition n'est pas ici un pressentiment irrationnel. Ce n'est pas non plus une connaissance plus approfondie du plan mental ou affectif. Celle-ci peut nous rendre plus sensible que d'autres si bien qu'on se retrouve en train de suggérer une idée à quelqu'un d'autre sans qu'il le perçoive ou encore en train d'éprouver ce que l'autre éprouve. L'intuition est d'abord connue comme un renouvellement de la réflexion, une accélération incroyable qui répond à toutes nos questions ou à une question précise qu'elles soient d'ordre artistique, scientifique, philosophique mais aussi et surtout pratique.

Celui qui reçoit une authentique intuition sait qu'il n'en est pas l'auteur. Il sait de plus en plus qu'il n'en est que le lieu de manifestation, il se ressent de plus en plus comme instrument du Suprême. Il sait qu'il y a là un continent qui pour s'y aventurer nécessite la fin de tout plaisir du petit moi et donc de tout sens du petit moi.



Mâ Ananda Mayi écrit ainsi :

L'action consacrée à Dieu n'est pas du même ordre que le travail exécuté sous l'impulsion du désir. La première vise l'union qui conduit à l'illumination, la seconde a pour but le plaisir qui conduit à de nouvelles expériences dans le monde. Seule mérite d'être appelée "action" celle par laquelle sera révélée l'union éternelle de l'homme à Dieu : tout le reste est inutile, indigne du nom d'action et n'est pas action du tout (extrait de L'enseignement de Ma Ananda Mayi).


Pistes pour aller plus loin :

Pour lire Douglas Harding plus en profondeur sur ce quadruple sentier :

http://eveilphilosophie.canalblog.com/archives/2015/12/21/33102843.html

Au final, sur la question du Karma yoga, lisons Sri Aurobindo dans sa Synthèse des yogas. Voici un extrait ici en lien. 

Sur le yoga de la perfection qu'évoque Sri Aurobindo comme quatrième voie approfondissant et prolongeant le triple sentier, on peut lire ici son opuscule sur La Mère.

mardi 24 juillet 2007

LE FAUX MOI. Episode 4.



Arnaud Desjardins écrit dans Approches de la méditation :

"Par rapport à l'émotion, vous pouvez considérer le sentiment comme l'ouverture du coeur. L'émotion, à l'inverse, représente toujours une rétractation du coeur, quand ce n'est pas une fermeture complète dans l'émotion négative que vous ressassez."

Il peut paraître curieux de distinguer le sentiment et l'émotion habituellement entendus comme synonyme.

Le sentiment peut être relié à ce que ressent le petit moi quand il se relie de plus en plus à tout l'espace de conscience sensible dans lequel il existe. De ce point de vue comme nous l'avons dans l'épisode précédent, il y a une acceptation de ce qui est et un renoncement à ce qui devrait être selon notre faux-moi. Dans l'antiquité la sagesse est presque toujours liée à un sentiment d'ataraxie. L'ataraxie désigne un sentiment de sérénité et de tranquillité quoi qu'il arrive.

Le sentiment peut aussi être selon les traditions spirituelles dévotionnelles beaucoup plus actif : le lien entre le petit moi et son champ de conscience divin suscite une flamme de passion pour le champ de conscience, qui est ressenti comme l'oeil de Dieu ou la présence de Dieu en toute chose. Mais cette flamme de passion du petit moi n'a pas alors d'attachement, elle est flamme de passion pour ce qui libère ce petit moi de la fausseté et des confusions du faux-moi où il sombre encore. Cette flamme passionnée en s'affinant s'avère la grâce même de l'essentiel qu'est la profondeur du champ de conscience à l'oeuvre dans la transformation de l'individu à son image.


L'émotion est le ressenti qui accompagne l'éloignement de ce qui nous lie à la profondeur et à la vastitude du champs de conscience. L'é-motion au sens étymologique est ce qui nous conduit hors de nous-même.

Quelle allure a le visage de celui qui est relié dans la tranquillité et la sérénité à son champ de conscience ?


Le visage devenant transparent, les représentations de soi-même fausses se retirent du visage avec leur somme de tensions discrètes qui plissent le visage.


Rainer Maria Rilke, dans Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, Frankfurt am Main, 1929 ; Paris, Seuil, 1966 décrit en quelque sorte l'enfer du point de vue inverse :

"Je songe par exemple que jamais encore je n'avais pris conscience du nombre de visages qu'il y a. Il y a beaucoup de gens, mais encore plus de visages, car chacun en a plusieurs. Voici des gens qui portent un visage pendant des années. Il s'use naturellement, se salit, éclate, se ride, s'élargit comme des gants qu'on a portés en voyage. Ce sont des gens simples, économes ; ils n'en changent pas, ils ne le font même pas nettoyer. Il leur suffit, disent-ils, et qui leur prouvera le contraire ? Sans doute, puisqu'ils ont plusieurs visages, peut-on se demander ce qu'ils font des autres. Ils les conservent. Leurs enfants les porteront. Il arrive aussi que leurs chiens les mettent. Pourquoi pas ? Un visage est un visage. D'autres gens changent de visage avec une rapidité inquiétante. Ils essaient l'un après l'autre, et les usent."


Au paroxysme d'une émotion négative comme la colère, le faux-moi rétrécit le champ même du regard en plissant le visage.



Mais si "l'émotion n'est jamais justifiée", rien ne sert non plus de la refuser. Refuser ce qui est, y compris sa propre émotion, ne nous libère pas de l'émotion et ne nous ramène pas aux sentiments caractéristiques du champ de conscience.

On peut comparer le rapport qu'on a à une émotion au rapport qu'on a avec n'importe quel objet qui se présente à nous :
Vivant une émotion, il y a nous conduit par l'émotion suscitée par un refus plus ou moins conscient de ce qui est (ou au contraire par une préférence satisfaite) et tenté de la justifier et il y a nous extérieur à l'émotion la jugeant et la refusant, amplifiant ainsi le conflit intérieur.

En première personne, il n'y a plus un rapport entre la représentation d'un sujet et un objet. La séparation entre l'objet et ce qui était pris pour un sujet au sens d'un auteur est donc dépassée.

Du point de vue du champ de conscience nous voici enfin un sujet authentique : le petit moi abandonné au champ de conscience par cette soumission consentie à sa véritable essence laisse l'objet être regardé lui aussi dans le champ de conscience. L'objet n'est plus l'objet du regard du faux-moi, il devient une manifestation du champ de conscience. Lié au champ de conscience, nous sommes autant cet "objet" que notre petit moi.

La juste attitude face à l'émotion consisterait donc à la laisser être intérieurement dans le champ de conscience. Au lieu de vouloir la maîtriser en tant que sujet qui se prend faussement pour l'auteur de ce qu'il vit, nous laissons être et devenir.


Celui qui veut revenir vers sa profondeur diminue l'emprise de l'émotion :

1- il voit qu'elle l'éloigne de sa mise en présence à la profondeur de son champ de conscience, il ne veut donc plus la justifier;
2- il sait que son petit moi veut faussement encore être l'auteur alors qu'il n'est qu'un acteur au sein du champ de conscience, il s'efforce donc de ne plus dominer l'émotion en tant que petit moi, ce qui ne ferait qu'engendrer de nouvelles émotions ;
3- du point de vue du champ de conscience, il se concentre sur l'émotion, il s'identifie intérieurement à elle sans l'exprimer extérieurement, il la laisse être dans le champ de conscience.

A partir de là, il comprend que l'émotion est comme une vague d'énergie qui parcourait son champ de conscience et qui agitait son petit moi.



Mais dès lors que le petit moi s'abandonne, se soumet et aspire à retrouver la profondeur individuelle, cosmique et transcendante de son champ de conscience, cette vague émotionnelle se dissout.

L'agitation se dissout alors dans la perspective du champ infini de conscience.


Toutefois la tristesse, la colère, etc. restent comme à la disposition de l'acteur mais au service du scénario du champ de conscience. Ce sont alors des expressions possibles de l'acteur, mais ce ne sont plus des é-motions qui nous éloignent de notre profondeur.

Devant un bon acteur, il nous est impossible de distinguer expression et émotion mais, là où pour le moi empêtré dans sa fausseté l'émotion traîne, l'acteur peut changer d'expression en un instant sans trace aucune de l'expression précédente.

C'est comme s'il y avait un plan émotionnel toujours là dont les forces vitales tenteraient sans cesse de s'infiltrer en nous et qui,  au moindre refus mental de ce qui est, trouveraient une porte d'entrée pour diriger notre personne.

Lorsque le faux-moi s'amoindrit, c'est-à-dire lorsque le petit moi grandit dans son humilité consciente, lorsqu'il se laisse transcender et transformer dans le champ de conscience, les émotions semblent de plus en plus s'avérer des phénomènes extérieurs, les auxiliaires de forces de manipulation, qui cherchent à s'infiltrer. Toutefois, le faux-moi s'amoindrissant, elles se heurtent de plus en plus comme à une citadelle intérieure, paradoxalement accueillante, car constituée de paix, de calme et de joie.

dimanche 22 juillet 2007

LE FAUX MOI. Episode 3.


"Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais les évaluations prononcées sur les choses" nous dit Epictète, un philosophe stoïcien du Ier-IIème siècle après Jésus-Christ.

Ainsi lorsque Prajnanpad le maître d'Arnaud Desjardins dit "Pas ce qui devrait être mais ce qui est", il est en somme un héritier des stoïciens.

Nos conceptions mentales et nos évaluations constituent la perspective d'un faux moi qui manque le fait que l'individualité n'est pas séparée du cosmos. Elles nous empêchent de voir une transcendance dans le fait que la conscience est un presque rien, un quasi zéro au sein duquel ce qui apparaît défile y compris le petit moi.

Qu'y a-t-il par ici ?

Il y a le regard mais derrière le regard qu'y a-t-il ? N'y a-t-il pas un presque rien de conscience non manifesté? N'y a-t-il pas en tout cas un presque rien de conscience invisible et quasi-imperceptible qui enveloppe notre sphère de conscience sensible ?

Au sein du cosmos il y a à l'évidence des conflits :



Si ma vie est menacée comment puis-je adhérer à ce que celui qui me menace de son arme a l'intention de faire ?

Mais à l'encontre d'une vision de soi qui privilégie la lutte pour la vie individualiste, intégrons notre découverte de la conscience non manifestée :

Ce point de vue en première personne qui permet de distinguer la conscience et le petit moi relativise les conflits. La flèche ne peut atteindre le petit moi qu'au niveau de son incarnation. Elle ne peut pas atteindre le lieu du cœur immatérielle où la conscience s'ouvre sur ce petit moi. La flèche peut transpercer le cœur matériel mais pas le cœur spirituel.


Cette transformation de la vision de soi-même mise en jeu ici permet d'affronter le combat de la vie comme un jeu :


Dans un jeu vidéo en première personne l'identification avec le personnage est bien plus soulignée mais le joueur sain ne perd pas de vue que cette identification est temporaire. Le joueur sait que si son personnage en première personne meurt, il ne meurt pas puisque sa vraie nature est derrière l'écran où joue ce personnage.

L'enseignement de Ramana Maharishi dit ceci à sa façon :

"D. Est-ce que la veille et le rêve peuvent être considérés comme des excursions hors du Soi, notre nature véritable ?

Ramana Maharishi : Il faut une localisation dans l'espace pour faire une excursion. Cette localisation doit être en dehors de vous. Cela est impossible dans l'état naturel du Soi, où rien ne se trouve ailleurs.

D. Votre exemple de l'écran de cinéma est une magnifique illustration de la vérité.

Ramana Maharishi : L'écran d'un cinéma ne ressent rien, et a donc besoin d'un spectateur qui prenne conscience du spectacle. Mais l'écran du Soi est différent; il comprend le spectateur et le spectacle, ou plus exactement il est en soi plein de lumière. Sur l'écran, les images ne peuvent être perçues que si la salle est plongée dans l'obscurité. Ainsi le mental ne peut-il projeter ses idées et ses images que dans l'obscurité de son ignorance fondamentale (avidya). Le Soi est pure connaissance, pure lumière, dépourvue de toute dualité. La dualité implique l'ignorance. La connaissance véritable du Soi se tient au-delà de la connaissance-ignorance. De même, la lumière du Soi est au-delà de la lumière ordinaire et de l'ombre. Car le Soi est tout seul."


Mais déjà les stoïciens comme Epictète avaient des images qui allaient en ce sens :

"Souviens-toi que tu es comme un acteur dans le rôle que l'auteur t'a confié : court s'il est court; long s'il est long. Il dépend de toi de bien jouer ton rôle, mais non de le choisir."

Certains toutefois verront là dans cet état où la conscience en première personne n'est plus en conflit avec ce qui apparaît un risque de négliger l'éthique puisque aucune apparence dans la conscience n'a plus de consistance qu'une fiction tout semble possible...
Il faut bien reconnaître que actuellement on se sert d'une telle psychologie pour entraîner les militaires à tuer. Toutefois relativiser la dualité ne peut-il pas servir aussi pour servir une évolution positive de la manifestation de la conscience ?


Car c'est bien quand nous nous représentons la réalité comme en conflit avec ce qui devrait être selon nos intérêts égocentriques que les conflits s'exacerbent entre moi et les autres ?

vendredi 20 juillet 2007

POLITIQUE ET SPIRITUALITE. Généralités 2.

Examinons l'énigme suivante :

La spiritualité a souvent justifié des modèles sociaux hiérarchiques. Le point de vue absolu, le point de vue divin suprême était le sommet autour duquel tous les points de vue se hiérarchisaient.

Car il faut bien l'admettre à l'encontre de nos mentalités démocratiques, nous ne sommes pas égaux du point de vue spirituel même si bien sûr nous avons tous la même dignité spirituelle vu que nous sommes tous en tant qu'individu une tentative de manifestation individualisée du divin.

Mais l'énigme de notre schéma géométrique ne donne-t-il pas à réfléchir et à remettre en cause le type de hiérarchie humaine traditionnel suivant ?


En effet dans notre schéma géométrique la hauteur de vue n'est pas équivalente à la largeur de vue et ce que voit l'un n'est pas forcément ce que voit l'autre... Les spiritualités oubliant cette possibilité se transforment donc en religions qui déclarent anathème telle expression qui n'entre pas dans ses vues. Ou telle autre prétend intégrer tel autre point de vue sans voir qu'effectivement on peut intégrer un autre point de vue à un certain niveau sans intégrer toute sa profondeur.

Ainsi les maîtres spirituels contemporains souvent s'ignorent, se manquent quand ils se rencontrent ou finissent par se déclarer anathème courtoisement en niant l'éveil de l'autre certains qu'ils sont de l'intégrité de leur point de vue et du manque d'intégrité de l'autre.

Fixer une quelconque hiérarchie humaine surtout quand elle est du domaine spirituel (car dans un hôpital entre l'aide soignant et le chirurgien dans une salle d'opération, il y a moins de difficulté à en définir une) revient toujours à s'enfermer dans un certain horizon mental dogmatique.

De notre point de vue spirituel, ce n'est pas tant un retour à un modèle hiérarchique qui peut spiritualiser la société humaine qu'un nouveau sens du dialogue et de la rencontre qui nous permettra de nous ouvrir les uns les autres à des points de plus en plus élargis grâce à la différence de nos points de vue.

Dans l'organisation sociale du futur ce ne sera pas tant le modèle hiérarchique qui prévaudra que le modèle organique. Une cellule du cerveau est plus apte à recueillir la pensée qu'une cellule de foie mais celle-ci est plus apte qu'une cellule du cerveau à purifier le sang. En même temps certaines cellules du corps peuvent changer de fonction, s'inventer de nouvelles fonctions puisque sinon il n'y aurait jamais eu évolution.

Dans une rencontre un être humain disposé à entendre ce qu'un autre plus avancé spirituellement que lui sur un plan a à dire pourra être au final plus avancé sur ce plan que celui qui l'a enseigné. Où voit-on aujourd'hui un maître spirituel qui reconnaît qu'un disciple voit plus loin ou plus largement que lui ? Ils sont rares...

Parler d'ami spirituel paraîtra peut-être un jour plus sensé que parler de maître spirituel... Le terme Guru sera exclusivement réservé à la Vie en général. La vie seule sera le maître même si elle utilise toujours des upagurus, des formes transitoires par lesquelles elle guide.

Si le moindre être humain est une manifestation véritablement individuelle du divin et pas seulement une manifestation de sa cosmicité et de sa transcendance, par son évolution sa manifestation cette manifestation proprement individuelle nourrit la manifestation cosmique du divin et donc celle des autres individus. Il y a si on admet cette dimension individuelle du divin une composante évolutive individuelle qui sans cesse renouvellera la rencontre si on l'aide à se libérer de ce qui l'empêche de s'exprimer psychologiquement et socialement.

La vie démocratique actuelle consiste à se choisir des représentants et le parti ou l'homme qui l'emporte électoralement dirige. Le modèle hiérarchique demeure le modèle du fonctionnement étatique. Ce système politique reste donc fort étranger à une spiritualisation de nos sociétés. Elle est fort loin de faire participer tous les individus et de libérer leur participation de manière harmonieuse à l'évolution de nos relations sociales.

Tous ceux qui veulent aujourd'hui encore davantage présidentialiser notre régime politique s'opposent selon nous à une spiritualisation de nos sociétés...

Mais si vraiment un être humain transcendait tous les points de vue des autres quels que soient leurs progrès spirituels ? Ne devrait-il pas être le guide de l'humanité ?

Cela signifierait qu'il aurait une connaissance du devenir des individus dans leur individualité même avant même qu'ils évoluent : serait-il encore un être humain ? Sa connaissance ne transcenderait-elle pas la connaissance mentale et même intuitive surmentale puisqu'elle transcenderait le temps et l'espace ?



mercredi 18 juillet 2007

POLITIQUE ET SPIRITUALITE. Généralités 1.


Nos démocraties peuvent-elles se spiritualiser ? A l'inverse les spiritualités peuvent-elles avoir un impact sur l'avenir de nos démocraties ?

A vrai dire, la vie politique est devenue prioritairement une gestion de la vie économique. Aucune spiritualité ne consiste à servir les pulsions charnelles : commencer à être sage, ce n'est pas bien sûr forcément encore être sans désir, mais au moins devenir de plus en plus libre des désirs, dirons-nous à la suite de Arnaud Desjardins et de son maître Prajnanpad. Or l'économie n'est-elle pas toute entière au service des pulsions charnelles dans leur dimension d'appétit pour la possession, pour le pouvoir, pour la reconnaissance de ce pouvoir ? Le chercheur spirituel veut devenir libre du désir qui est une forme élaborée des pulsions. Etre sans désir et donc privé d'économie signifierait la mort, mais être libre du désir si nous voulons que ceci devienne une réalité non seulement individuelle mais aussi un idéal social suppose la relativisation de l'économie.

Avoir, ce n'est jamais Être, et c'est là toute l'erreur de privilégier la seule réussite économique individuelle et collective. Certes sans la satisfaction de nos besoins matériels, nous ne serons pas disponibles pour la recherche de l'Être. Mais nos sociétés qui auraient les richesses et les moyens technoscientifiques pour nous libérer de l'obligation de gagner notre vie choisissent de travailler plus pour gagner plus.

Tant que l'être humain devra gagner sa vie, il demeurera sous l'emprise de ce que Darwin caractérise comme lutte pour la vie (struggle for life). Les pulsions animales avec leurs dimensions agressive, concurrentielle, cruelle règneront sur nos esprits. Les pulsions où dominent aujourd'hui le désir de s'enrichir prolongent l'appropriation animale de la nourriture, d'un territoire, d'un nid, d'un terrier... Les pulsions où dominent aujourd'hui le désir de célébrité, de pouvoir, de reconnaissance prolongent les comportements des animaux qui vivent en meute ou en troupeau... Cependant la lutte pour la vie dans le monde animal reste toujours au bénéfice de la vie et sauf saut évolutif de l'espèce. Les comportements pulsionnels d'appropriation et de reconnaissance des animaux sont régulés par des instincts. Le pouvoir et la richesse dans le monde humain ne sont pas régulés par des instincts : la vie de l'espèce est souvent méprisée et plus largement le vivant.

L'économie semble la continuation bestiale de la guerre par d'autres moyens qui fût longtemps l'expression de la recherche du pouvoir et de la richesse.

La recherche spirituelle n'est pas étrangère au travail et à l'économie dès lors qu'il sert la manifestation de l'unité de la conscience au sein même de ses manifestations plurielles voire conflictuelles.

LE FAUX MOI. Episode 2.

Blaise Pascal dans ses Pensées fait un portrait de la misère humaine. Il affirme ainsi : "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie."


Le moi usuel dans notre épisode 1 nous l'avons décrit constamment en train de lutter pour former des représentations de lui-même. Pascal suggère qu'il ne peut que prendre conscience de sa situation existentielle misérable s'il fait face à l'infini de la nature dans son activité de représentation ou de réflexion. L'être humain n'est-il pas insignifiant perdu qu'il est au milieu de l'univers ? Sa présence ne semble-t-elle pas si fragile ? Qui peut affronter cette petitesse de l'homme ? Le faux moi se tient donc dans une position angoissante, s'il y pense, il découvre sa petitesse et prend peur. Face à cette question de sa présence le moi n'est plus tout à fait dans le faux puisqu'il se sent petit dans un espace infini, mais à ce stade la question du sens demeure :


Face à l'infini de la nature, nos tentatives de représentations, notre réflexion ne peut atteindre un "pourquoi". L'infini de la nature reste silencieux et toutes nos tentatives de briser ce silence se brisent sur lui et il y a dans ce silence quelque chose qui par contagion semble ronger dangereusement l'activité de représentation qui nous caractérise. Quand ce qui demeurait un faux moi consent à devenir le petit moi qu'il est il est comme saisi d'angoisse et d'effroi.
Bien sûr si cet infini de la nature me fait face et se tient devant moi, il n'échappe pas tout à fait à ma représentation. Le sentiment du faux moi qui commence à s'admettre comme un petit moi est donc mêlé : c'est un mélange d'effroi et d'exaltation. Le tableau ci-dessous de Caspar Friedrich en est selon nous un excellent symbole :



Sur ce tableau on ressent le face à face volontaire du moi avec l'infini de la nature. Mais l'homme est au centre, le peintre lui a donné à partir du choix de son point de vue une taille à la mesure de l'infini même si le rocher au premier plan suggère comme un appui qui reste fragile.
Le faux moi qui s'approche de son authentique petitesse ne manque pas de s'enorgueillir de son humilité face à l'infini : il s'est mis à l'écoute de l'apparent silence éternel, il se laisse inspirer par ce silence. Tout ceci reste donc un jeu ambigu de représentation de soi face à face avec l'infini.

Mettons inspiré par Douglas Edison Harding le petit moi à sa véritable place face à l'infini de la nature :




La casquette du montagnard coiffe ici l'infini de la nature. Son corps est vu au bord du précipice : le petit moi subit le vertige d'être attiré par l'espace infini visible de la conscience intérieure qui l'embrasse et qui ici se dévoile dans l'expérience de l'infini de la nature et en même temps il le craint. Le faux moi qui oublie que l'infini visible du précipice s'étend dans l'espace encore plus infini de sa conscience vit sa crainte ou son effroi comme un face à face.

Mais si la réflexion devient authentique et rigoureuse, le petit moi se découvre le petit moi individualisé et matérialisé d'un grand Moi, de la source transcendante de la Conscience qui est l'infini au-delà de l'infini de la Conscience manifesté et de la nature.

Quand l'infini de la nature n'est plus regardé du point de vue du petit moi et de ses tentatives perpétuelles de représentation, quand le petit moi et l'infini de la nature sont regardés du point de vue de la Conscience qui les enveloppe, il n'y a plus de vertige.
Bien sûr ce phénomène reste parasité par le petit moi empêtré dans les habitudes de sa fausseté mais il suffit au petit moi de se remémorer qu'il est dans l'Oeil de la conscience pour que ce qui était jusque là un face à face angoissant, vertigineux et effrayant avec le silence éternel des espaces infinis de la nature s'apaise. Le sublime subsiste mais apaisé. Le silence ne ronge plus dans une angoisse un faux moi mais un petit moi lâche prise et s'abandonne à sa vraie nature qui est tranquillité, sérénité, calme, etc.


Mais ce face à face avec l'infini de la nature vaut aussi pour le face à face avec autrui. Le philosophe Lévinas montre que le visage de l'autre peut être considéré comme une expérience de l'infini. L'autre est à la fois à ma merci : la nudité de son visage révèle sa fragilité mise à ma disposition. Mais à l'inverse je suis aussi à sa merci, je me sens cette même fragilité. Quand j'envisage notre face à face à partir de mon activité de représentation, je ne ressens que l'infini de notre relation de sujet à sujet qui échappe à ma compréhension mais que je suis tenté justement de réduire en relation de moi sujet à autrui objet pour échapper à cet infini latent.



La séparation entre moi et l'autre dans les représentations fausses du faux moi sont non pas une conséquence d'une attitude égoïste du moi qu'une attitude morale suffirait à corriger. Car le faux moi est constitutivement égocentrique au sens où toutes ses représentations sont construites en fonction de lui ou presque. Sa moralité est le fruit d'un calcul du genre "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse !" mais sa morale de principe, si elle évoque en lui un sentiment positif s'évanouit très souvent. Le rythme de la réflexion morale est souvent plus lent que le rythme de la réflexion en jeu dans nos émotions de colère, d'envie, de défense agressive de soi, etc.


Si je transforme le face à face avec l'autre en face de l'autre à espace infiniment paisible de conscience, il y a un rythme nouveau qui en s'approfondissant semble capable d'aller aussi vite que mes émotions. Je ne maîtrise pas peut-être pas toute l'ambiguïté de ma relation en tant que petit moi à l'autre mais je peux d'ors et déjà reconnaître que cette relation est une relation non pas à deux personnes mais à trois personnes où la véritable première personne n'est pas celle qu'on croit :




Ma relation à l'autre met en jeu ma relation à la conscience où moi, comme l'autre, existons.

Bien sûr, certains dirons qu'il y a leur conscience, d'une part, et celle de l'autre, d'autre part, dans la relation. Mais alors ils identifient la conscience et le moi, ils nourrissent leur faux moi (voir faux moi, épisode 1) et surtout ils nient que l'autre n'est connu et mis en relation avec leur petit moi que dans la conscience qui s'ouvre sur leur petit moi. Par analogie on peut imaginer que l'autre dispose d'une conscience semblable mais celle-ci est-elle séparée ? Le dialogue n'est-il pas l'expression de la conscience de l'autre qui communique avec la mienne ? Lorsque l'autre parle et que je l'écoute en laissant sa parole agir dans la conscience où est la séparation entre nos consciences ?

Certes il y a une dimension individuelle de la conscience comme le suggère une orientation située tout en bas de l'espace visible à partir de ce corps mais si nous pointons nos doigts dans la direction opposée vers le Très Haut de la conscience, ne voyons-nous pas que nos orientations individuelles diverses dont la localisation de nos corps porte la trace s'y abolissent vraiment comme le long d'un unique axe infini ?


On peut en effet constater que notre espace de conscience visible s'étend comme diverses demi-sphères ou demi-ovoïdes possibles au diamètre paradoxalement fini et infini qui se rejoignent en un axe à l'infini.
Cet énoncé semble contraire à ce que nous croyons savoir de géométrie et de mathématiques.
Cependant rappelons premièrement qu'en mathématique, rappelons qu'entre 0 et 1, il y a paradoxalement autant de nombres réels que dans l'ensemble \mathbb{R} de tous les nombres. Et deuxièmement l'espace visible nous montre souvent que deux parallèles convergent à l'infini dans le champ visuel :
Nous ne pouvons donc guère dessiner rigoureusement cette description mais nous pouvons la suggérer :

Cette première représentation qui traduit l'idée d'axe ne montre pas encore comment deux personnes sont liées à un seul axe de Conscience. Voici un tableau un peu New Age qui cependant le mérite de suggérer que ce qui est ressenti comme une verticalisation n'empêche pas que nos lignes droites s'inscrivent dans un espace courbe :



Que nous baissions la tête tandis que l'autre se tient droit, que nous soyons aux antipodes sur le globe terrestre, nos conscience n'en restent pas moins toujours reliées si nous prenons au sérieux que nos espaces de conscience bien qu'orientés individuellement sont des bulles d'espace temps courbe, fini et infini où les axes de conscience deviennent parallèles du fait de cette courbure et se rejoignent sur l'horizon infini...

Si relié à cet axe infini de la conscience nous laissons être l'autre quel qu'il soit et quoi qu'il fasse dans l'espace de la conscience, il est alors accueilli de plus en plus profondément par l'orientation individuelle de la conscience au centre du coeur.

Ma dimension individuelle la plus authentique, c'est-à-dire l'âme peut alors, si ceci s'approfondit encore, faire ressentir dans le centre du coeur comme un écho d'une autre âme, c'est-à-dire d'une autre orientation individuelle de la conscience.

Dans une autre formulation on pourrait exprimer l'approfondissement de cet état par ce dessin ci-dessous :


Comme le dit Douglas Edison Harding, il ne s'agit plus alors s'un face à face mais d'un face à espace. Dans le champ de Conscience ma voix a autant de pertinence que celle de l'autre : elles semblent toutes deux, si je consens à laisser cette réalité s'approfondir, comme l'expression d'une seule et même réalité.

Une dimension invisible de la consience relie le soi individuel (Douglas Edison Harding parle de 3ème personne pour laquelle "je" ou "il" est indifférent) et le soi de l'autre (la 2ème personne : "Tu", "Toi", etc.) en un soi transpersonnel (notre unique première personne authentique : "Je" ou "Nous")

La moralité n'est plus alors un principe mental mais se transforme en une éthique de la Conscience : il y a conscience de plus en plus approfondi d'être soi-même comme un autre une expression de la Conscience. La Conscience à laquelle le petit moi se dévoue lui découvre des jeux d'harmonies et d'unités au sein de ce qui s'y manifeste auquel il peut participer même si c'est à son détriment. Si l'éthique consiste à servir la manifestation de plus en plus consciente de la Conscience, le petit moi peut de plus en plus facilement abandonner son égocentrisme : son rôle devient de plus en plus relatif à la manifestation de la Conscience au coeur de ce qu'elle a déjà manifestée.

En Conscience tenons-nous à plusieurs en cercle regardant la multiplicité de nos corps et laissons de côté nos dévisagements en regardant vers le bas :



Cet espace visible de la conscience pointe symboliquement l'unité de la Conscience derrière toutes ses orientations individuelles diverses. Ce symbole ne peut-il pas nous faire espérer une expression de plus en plus manifestée de cette unité entre nous et parmi nous ?

mardi 17 juillet 2007

LE FAUX MOI. Episode 1.

Lorsque je me représentais visuellement me regardant dans un miroir, je faisais ce dessin :



La plupart des gens si on leur demande de se représenter tel qu'ils se voient en face d'un miroir font ce dessin. Certains raffinent leur dessin et en font un qui fait penser à ce tableau de Norman Rockwell :






Cependant réfléchissons un peu : cette représentation picturale de Norman Rockwell le montre sur le tableau en train de se peindre lui-même, mais n'est-ce pas Norman Rocwell qui se peint ici vu de dos ?
Si on voulait vraiment se dessiner en train de se dessiner ne faudrait-il pas plutôt le faire comme François Matton ?


Ainsi face au miroir si on veut se dessiner d'après ce qu'on voit vraiment on devrait faire ce dessin inspiré de Douglas Harding :


Face à notre image sur le miroir ou face au dessin où nous essayons de nous représenter en train de nous représenter nous n'avons pas de visage du point de vue visuel. Bien sûr nous pouvons le toucher : notre visage existe en face du miroir mais il est comme transparent.

Explorons cette transparence palpable de notre visage...

Nous pouvons sentir avec les doigts nos deux yeux (beuah ! Toucher les yeux avec les doigts !) ; pour ne pas les toucher directement on baisse à demi les paupières et on sent à travers deux globes oculaires tout en continuant à voir. Cette expérience nous fait sentir que nous avons deux yeux de chair mais qu'un seul regard. Le processus charnel de visualisation qui met en jeu deux yeux ne nous est pas conscient directement. Evidemment si nous fermons un oeil de chair notre regard sera modifié. Le dessin ci-dessous de Ersnt Mach de 1871 en donne une idée :

Si nous baissons la paupière de notre œil droit, nous verrons donc un bout de notre nez à droite du champ visuel. La transparence de notre visage diminue. Lorsqu'on louche ou qu'on tourne les yeux de chairs à droite ou à gauche, notre nez est donc à la fois transparent et visible !

Mais ce n'est pas le plus étonnant : le dessous de notre sourcil peut paraître aussi grand que tout l'endroit que nous regardons. Notre sourcil visible est aussi vaste que toute la largeur de notre espace visible. L'exercice de Qi Gong taoïste où il nous est demandé d'élargir l'espace de nos sourcils devient à portée de la main. Car ce que nous sentons par le toucher et ce que nous voyons appartiennent au même champ de conscience. Il suffit donc d'abolir nos jugements mentaux usuels et de constater que notre vrai visage vécu peut être envisagé comme étant aussi vaste que tout l'espace, que tout le champ de la conscience pour élargir l'espace entre nos sourcils.


La relativité de la mesure devient évidente à partir de l'exploration de la transparence de notre visage. Et si nous fermons les yeux, nous sommes dans l'espace du toucher avant tout mais il continue à être lié à l'espace visible. C'est ainsi d'ailleurs que les aveugles peuvent se représenter par le toucher des formes géométriques. Ces deux espaces dans notre conscience sont en constantes superpositions de leurs données respectives : ils ne font qu'un. Les yeux fermés quelle mesure donner à notre corps ? Nous sommes habitués à mesurer notre corps à partir des objets dans le monde, nous estimons que la taille de l'univers est infini et donc nous nous représentons finis. Il est vrai que du point de vue du toucher notre force paraît fini par rapport à un rocher. Un objet qu'on peut prendre dans la main est presque toujours un objet que nous pouvons avoir le force physique de déplacer. Cependant si nous fermons les yeux et que nous oublions ces faits, quelle échelle a notre corps ? Et même les yeux ouverts contemplant l'univers nous sommes-nous pas aussi vaste que lui puisque le regard de notre visage transparent, notre espace de conscience visible l'embrasse ?


Notre dessin de nous même face au miroir met en jeu la représentation de nous même. Le vrai dessin de nous-même tel que nous nous voyons au quotidien pointe le fait que notre champ de conscience et donc notre véritable regard est plus vaste que l'univers visible lui-même.




Mais notre représentation mentale de nous-même cherchant à se représenter en train de se représenter est prise dans un infini qui le dépasse comme le montre le dessin de François Matton :


Cette réalité visible de la représentation de nous-même nous représentant symbolise à merveille la façon que nous avons la plupart du temps de nous concevoir psychologiquement. Nous vivons dans une représentation mentale de nous-même, une image de nous-même qui est condamnée à être inachevée, qui est condamnée à ne jamais atteindre la perfection qu'elle s'imagine... Nous sommes condamnés à ne jamais coïncider de ce point de vue avec nous même. Toutefois si nous redécouvrons la vraie représentation de nous-même, la conscience visible symbolise alors un échappatoire à ce mouvement infini de la conscience mentale essayant de se représenter en train de se représenter. En effet plus généralement le champ de conscience que nous sommes n'est jamais affecté par ce constant effort de réajustement de l'image mentale de nous-même. Notre moi usuellement identifié à ce processus de narration de soi-même se narrant devient distinct de notre champ de conscience.


Ma personnalité est ressentie comme étant dans ma tête mais ma conscience qui lui permet d'exister est plus vaste que ma tête de peau et d'os :

La conscience peut être par sa qualité d'espace visible aussi vaste que l'univers.

Le physicien depuis les années 20 ne cesse de dire que tout l'univers est dans un grain de sable : est-ce que ceci a une valeur au niveau de l'échelle biologique et existentielle ?

Quoi qu'il en soit, le biologiste se contente de dire que lorsque je touche ma tête avec ma main, je ne touche pas ma vraie tête mais une représentation de ma tête car toutes mes sensations venues de l'extérieur sont analysées dans mon cerveau : lorsque je dis que ma conscience est dans ma tête, je ne dois pas confondre la tête représentée et la tête réelle à l'intérieur de laquelle le biologiste observe des processus de représentation.
Mais le biologiste lui-même devrait se demandait comment sa représentation scientifique du cerveau d'un autre qui reste une représentation intérieure à son esprit, reconstruite à partir de données sensitives recueillies à l'aide de technologies, n'est pas condamnée à rester limitée.

Ma personnalité empêtrée dans la reconstruction incessante de représentations d'elle-même réduit ma conscience et mon visage à une boule de chair telle qu'elle se voit sur le miroir. Ma personnalité oublie alors qu'elle n'est qu'une tentative d'objectivation de la conscience subjective dont le visage transparent est aussi vaste que l'univers. Notre faux dessin de nous-même face au miroir met en jeu une erreur plus profonde qui est une erreur existentielle qui a des conséquences psychologiques négatives.

Plus largement notre activité mentale dont l'activité scientifique et technologique est le sommet aux effets le plus notables s'inscrit sur fond d'un fait ininterrogé. La technoscience en négligeant la dimension intérieure de la conscience élimine des interrogations essentielles lorsqu'on cherche à produire des connaissances indubitables (dont on ne peut pas douter). Cette intrication de la connaissance de l'objet au sein de la conscience du sujet n'a-telle pas des effets néfastes à l'heure où la biologie affirme faire de la conscience un objet matériel maîtrisable ?