samedi 15 octobre 2011
ÉLARGIR LA CONSCIENCE POUR FAIRE FACE A LA DIFFICULTÉ. LES ENTRETIENS DE MÈRE.
Henri Borel dans Wu Wei écrit :
« Lorsque tu sauras être Wu Wei, Non-Agissant, au sens ordinaire et humain du terme, tu seras vraiment, et tu accompliras ton cycle vital avec la même absence d’effort que l’onde mouvante à nos pieds. Rien ne troublera plus ta quiétude. Ton sommeil sera sans rêves, et ce qui entrera dans le champ de ta conscience ne te causera aucun souci. Tu verras tout en Tao, tu seras un avec tout ce qui existe, et la nature entière te sera proche comme une amie, comme ton propre moi. Acceptant sans t’émouvoir les passages de la nuit au jour, de la vie à trépas, porté par le rythme éternel, tu entreras en Tao où rien ne change jamais, où tu retourneras aussi pur que tu en es sorti. »
Mère dans ses Entretiens du 29 août 1956 disait :
« Maintenant, après cette explication préliminaire, je vais vous lire ce que j'avais écrit et que l'on m'a demandé de commenter. Ce sont des aphorismes, qui peut-être appellent des explications. J'avais écrit cela, inspirée peut-être par la lecture dont je vous pariais tout à l'heure [Wu Wei de Henri Borel], mais c'était surtout l'expression d'une expérience personnelle :
"Il faut être spontané pour pouvoir être divin."
C'est ce que je vous ai expliqué juste maintenant. Alors se pose la question : comment être spontané ?
"Il faut être parfaitement simple pour pouvoir être spontané."
Et comment être parfaitement simple ?
"Il faut être absolument sincère pour pouvoir être parfaitement simple."
Et maintenant, que veut dire être absolument sincère ?
"Être absolument sincère, c'est n'avoir aucune division, aucune contradiction dans son être."
Si vous êtes fait de morceaux, qui sont non seulement différents, mais souvent tout à fait contradictoires, ces morceaux nécessairement créent une division dans votre être. Par exemple, vous avez une partie de vous-même qui aspire à la vie divine, à connaître le Divin, à s'unir à Lui, à Le vivre intégralement, et puis vous avez une autre partie qui a des attachements, des désirs (ce qu'elle appelle des « besoins ») et qui non seulement recherche ces choses, mais est tout à fait bouleversée quand elle ne les a pas. Il y a d'autres contradictions, mais celle-là est la plus flagrante. Il y en a d'autres, comme celle-ci, par exemple, de vouloir se soumettre complètement au Divin, s'abandonner totalement à sa Volonté et à sa Direction, et en même temps, quand vient l'expérience qui est une expérience courante sur le chemin quand on essaie sincèrement de s'abandonner au Divin), la notion qu'on n'est rien, qu'on ne peut rien, qu'on n'existe même pas en dehors du Divin; c'est-à-dire que s'il n'était pas là, on n'existerait pas et on ne pourrait rien faire, on ne serait rien du tout... Cette expérience vient naturellement comme une aide sur le chemin du don de soi total, mais il y a une partie de l'être, quand l'expérience vient, qui entre dans une terrible révolte et qui dit : « Mais pardon ! Je tiens à être ! Je tiens à être quelque chose, je tiens à faire les choses moi-même, je veux avoir une personnalité ». Et naturellement, la seconde défait tout ce que la première avait fait.
Ce ne sont pas des cas exceptionnels, c'est très fréquent. Je pourrais vous donner d'innombrables exemples de contradictions comme cela dans l'être : quand l'un essaie de faire un pas en avant, l'autre vient et démolit tout. Alors on a tout le temps à recommencer, et tout le temps c'est démoli. C'est pour cela qu'il faut faire ce travail de sincérité qui fait que si l'on aperçoit dans son être une partie qui tire de l'autre côté, la prendre soigneusement, l'éduquer comme on éduque un enfant et la mettre en accord avec la partie centrale. Cela, c'est le travail de sincérité qui est indispensable.
Et c'est naturellement, quand il y a une unité, un accord, une harmonie dans toutes les volontés de l'être, que l'on peut avoir un être simple, candide, et uniforme dans son action et dans sa tendance. C'est seulement quand tout l'être est groupé autour d'un mouvement central unique, que l'on peut être spontané. Parce que si, au-dedans de vous, il y a quelque chose qui est tourné vers le Divin et qui attend l'inspiration et l'impulsion, et qu'en même temps il y ait une autre partie de l'être qui recherche ses propres fins et qui travaille à réaliser ses désirs, on ne sait plus où l'on en est, et on ne peut pas non plus être sûr de ce qui arrive, parce qu'une partie peut non seulement défaire, mais contredire totalement ce que l'autre veut faire.
Et bien sûr, pour être en accord avec ce qui est dit dans Wu Wei, après avoir vu très clair ce qu'est nécessaire et ce qui doit être fait, il est recommandé de ne mettre ni de violence ni trop d'ardeur dans la réalisation de ce programme, parce qu'un excès d'ardeur est au détriment de la paix et de la tranquillité, et du calme nécessaire pour que la Conscience divine puisse s'exprimer à travers l'individu. Et cela revient à ceci :
L'équilibre est indispensable, le chemin qui évite soigneusement les extrêmes opposés est indispensable, la trop grande hâte est à redouter, l'impatience vous empêche d'avancer ; et en même temps, l'inertie vous met des boulets aux pieds.
Alors pour toutes choses, -c'est le chemin du milieu comme l'appelait le Bouddha, qui est le meilleur.
(silence)
Il y a deux autres questions ici, qui sont corollaires. La première question est comme ceci :
Qu'entendez-vous par ces paroles : "Quand vous avez une difficulté, élargissez" ?
Je parie naturellement des difficultés sur le chemin du yoga, des incompréhensions, des limitations, des choses qui sont comme des obstacles, qui vous empêchent d'avancer. Et quand je dis « élargissez », je veux dire élargissez votre conscience.
Les difficultés proviennent toujours de l'ego, c'est-à-dire de la réaction personnelle, plus ou moins égoïste, que vous avez vis-à-vis des circonstances, des événements et des gens qui vous entourent, des conditions de votre vie. Elles viennent aussi de ce sentiment d'être enfermé dans une sorte de coque, qui empêche votre conscience de s'unir à des réalités plus hautes et plus vastes.
On peut très bien penser qu'on veut être vaste, qu'on veut être universel, que tout est l'expression du Divin, qu'il ne faut pas avoir d'égoïsme — on peut penser beaucoup de choses — , mais ce n'est pas nécessairement une guérison, parce que très souvent on sait ce que l'on doit faire, et puis on ne le fait pas, pour une raison ou une autre. Mais si, quand on a à faire face à une angoisse, une souffrance, une révolte, une douleur, ou un sentiment d'impuissance — n'importe, toutes les choses qui vous arrivent sur le chemin et qui sont justement des difficultés — , si vous pouvez physiquement, c'est-à-dire dans votre conscience corporelle, avoir l'impression de vous élargir, on pourrait dire de vous déplier
(vous vous sentez comme quelque chose qui est tout replié, un pli sur l'autre, comme une étoffe, n'est-ce pas, qui est pliée et repliée et encore pliée), alors si vous avez cette impression que ce qui vous tient et qui vous serre et qui vous fait souffrir, ou qui vous immobilise dans votre mouvement, est comme une étoffe qui serait pliée trop serrée, trop étroitement, ou comme un paquet qui serait trop bien ficelé, trop bien fermé, et que lentement, petit à petit, vous défaites tous les plis et que vous vous étalez, comme on déplie justement une étoffe ou un papier et qu'on le répand à plat, qu'on se fait plat et très large, aussi large que l'on peut, en se répandant aussi loin que l'on peut, en s'ouvrant et en s'étalant dans une attitude de complète passivité, avec ce que je pourrais appeler « la face à la lumière » : ne pas se recroqueviller sur sa difficulté, se replier sur elle, l'enfermer pour ainsi dire dans votre personne, mais au contraire vous déployer autant que vous pouvez, aussi parfaitement que vous pouvez, en présentant la difficulté à la Lumière — la Lumière qui vient d'en haut — , si vous faites cela dans tous les domaines, et même si mentalement vous n'y arrivez pas (parce que c'est quelquefois difficile), si vous pouvez imaginer que vous faites cela physiquement, presque matériellement, eh bien, quand vous aurez fini de vous déplier et de vous étaler, vous vous apercevrez, que plus des trois quarts de la difficulté sont partis. Et alors juste un petit travail de réceptivité à la Lumière, et le dernier quart disparaîtra.
C'est beaucoup plus facile que de lutter contre une difficulté avec sa pensée, parce que si vous commencez à discuter avec Vous-même, vous vous apercevrez qu'il y a des arguments pour et contre qui sont tellement probants, qu'il est tout à fait impossible de s'en tirer sans une lumière supérieure. Là, vous ne luttez pas contre la difficulté, vous n'essayez pas de vous convaincre vous-même, ah ! Simplement, vous vous étalez devant la lumière comme si vous vous étendiez sur le sable devant le soleil. Et vous laissez la lumière faire son œuvre. Voilà.
(Silence)
Et voici l'autre question :
Quelle est la façon la plus aisée de s'oublier soi-même?
Naturellement cela dépend de chacun ; chacun a sa manière spéciale de s'oublier, qui est pour lui la meilleure. Mais évidemment, il y a une manière assez générale qui peut s'appliquer sous des formes diverses : c'est de s'occuper de quelque chose d'autre. Au lieu de s'occuper de soi, on peut s'occuper de quelqu'un d'autre, ou des autres, ou d'un travail, ou d'une activité intéressante et qui demande de la Concentration.
Et c'est encore la même chose : au lieu de se replier sur soi et de se contempler, ou de se choyer pourrait-on dire, comme la chose la plus précieuse au monde, si l'on peut se déployer et s'occuper d'autre chose, de quelque chose qui n'est pas exactement vous-même, alors c'est la manière la plus simple et la plus prompte de s'oublier.
Il y en a beaucoup d'autres, mais celle-là est à la portée de tout le monde. Voilà mes enfants.
Publié par Serge Durand à 11:14 0 commentaires
Libellés : Au-delà du faux-moi., Douglas Harding, Evolution de la conscience., La vision en première personne., Mère, Sri Aurobindo, Vision sans tête.
lundi 15 août 2011
ELEMENTS EN VUE D'UNE CONFRONTATION ENTRE LES VISIONS DE SRI AUROBINDO ET DE KEN WILBER.
CE QUE KEN WILBER DIT DE CETTE CONFRONTATION.
On notera que Ken Wilber n'oublie jamais de mentionner Sri Aurobindo parmi ceux qui nourrissent le mouvement intégral. Dans ses schémas de développement de la conscience Ken Wilber reprend clairement les termes d'overmind (surmental) et de supramental. Ken Wilber laisse bien ouverte la perspective d'une évolution au-delà du mental et donc de ce qui caractérise notre humanité.
Mais Ken Wilber laisse sous-entendre qu'il a une vision plus claire que Sri Aurobindo du point de vue de ses quadrants extérieurs et collectifs. Il est vrai que l'évolution des mentalités chez Ken Wilber a été nourrie des travaux de Clare Graves ou de Don Beck renforcés par ceux de Piaget ou d'autres psychologues qui permettent de faire un parallèle entre développement culturel et développement psychique de l'enfant.
LA MECONNAISSANCE DE LA THEORIE DU DEVELOPPEMENT DE SRI AUROBINDO PAR KEN WILBER.
Sri Aurobindo a deux façons de considérer le développement humain et non pas une.
1 - Celle qui se rapproche de Ken Wilber est celle qui envisage un développement culturel en fonction de la taille des groupes humains : famille, tribu, ethnie, nation, fédération international comprenant des figures intermédiaires comme les empires, les royaumes, etc. qui préfiguraient ce qui se dessine. Bien sûr chaque échelle fonctionne suivant une certaine mentalité.
2- La deuxième à la fois se rapproche de celle de Wilber mais aussi s'en détache.
Ce schéma de Ken Wilber suggère que il existe des catégories d'éveil liés à différents niveaux de développement mental qu'il soit individuel puisque chacun en grandissant traverse ces étapes ou social puisque les diverses communautés ont un centre de gravité à une échelle ou l'autre de ce développement ascendant. Il y a là un point d'accord important avec les thèses de Sri Aurobindo (ou l'expérience dont il témoigne si l'on veut être précis). En effet pour Sri Aurobindo, le Nirvana peut être réalisé sur différents plans de développement qu'ils soient d'ordre vital (prémental), d'ordre mental ou surmental (intuitif). Cet éveil au Nirvana, qui en quelque sorte déréalise les phénomènes n'est pas un éveil évolutif proprement dit. On conviendra qu'un éveil évolutif nous donnerait la clé spirituelle permettant une ascension verticale des niveaux de développement dans un état de conscience non duelle. D'où le schéma que j'ai proposé en illustrant les niveaux grossiers (naturel), subtil, causal et non duel du point de vue de la vision sans tête:
Dans ce schéma, il y aurait un facteur d'éveil dans les subtilités de l'état non duel qui oeuvrerait à l'évolution des degrés de développement. On peut peut-être représenter ce facteur ainsi du point de vue de Wilber :
Et c'est sur ce point qui reste imprécis chez Ken Wilber hormis la référence à un Eros, un Telos que Sri Aurobindo nous apporte des lumières de sa propre expérience.
Mais les schémas précédents traduisent fort mal voire trahissent la vision développementale que propose Sri Aurobindo. En effet cette vision se propose d'intégrer la vision traditionnelle d'une forme de décadence des époques telle qu'on la trouve dans les textes hindous ou telle qu'un Guénon l'a formulée. Elle propose si on la traduit au niveau développemental individuel d'expliquer comment le regard si pur et si dénué de dualité du bébé se perd dans une forme d'égocentrisme lorsque se produit la mentalisation de la conscience de l'enfant. La vision développementale de Sri Aurobindo implique alors des critiques sur la vision du développement de l'enfant à l'adulte qu'a développé Ken Wilber autant qu'en ce qui concerne celui des mentalités sociales.
A ce propos ne négligeons pas les textes de Sri Aurobindo sur l'éducation qui nous donnent des indications précises sur sa théorie du développement de l'enfant et qui met toujours en jeu l'âme et l'oeuvre de descente de la Mère (ou Esprit du Monde si l'on veut préciser un peu ce que désigne le Principe Mère chez Sri Aurobindo).
Ce schéma de Ken Wilber suggère que il existe des catégories d'éveil liés à différents niveaux de développement mental qu'il soit individuel puisque chacun en grandissant traverse ces étapes ou social puisque les diverses communautés ont un centre de gravité à une échelle ou l'autre de ce développement ascendant. Il y a là un point d'accord important avec les thèses de Sri Aurobindo (ou l'expérience dont il témoigne si l'on veut être précis). En effet pour Sri Aurobindo, le Nirvana peut être réalisé sur différents plans de développement qu'ils soient d'ordre vital (prémental), d'ordre mental ou surmental (intuitif). Cet éveil au Nirvana, qui en quelque sorte déréalise les phénomènes n'est pas un éveil évolutif proprement dit. On conviendra qu'un éveil évolutif nous donnerait la clé spirituelle permettant une ascension verticale des niveaux de développement dans un état de conscience non duelle. D'où le schéma que j'ai proposé en illustrant les niveaux grossiers (naturel), subtil, causal et non duel du point de vue de la vision sans tête:
Dans ce schéma, il y aurait un facteur d'éveil dans les subtilités de l'état non duel qui oeuvrerait à l'évolution des degrés de développement. On peut peut-être représenter ce facteur ainsi du point de vue de Wilber :
Et c'est sur ce point qui reste imprécis chez Ken Wilber hormis la référence à un Eros, un Telos que Sri Aurobindo nous apporte des lumières de sa propre expérience.
A ce propos ne négligeons pas les textes de Sri Aurobindo sur l'éducation qui nous donnent des indications précises sur sa théorie du développement de l'enfant et qui met toujours en jeu l'âme et l'oeuvre de descente de la Mère (ou Esprit du Monde si l'on veut préciser un peu ce que désigne le Principe Mère chez Sri Aurobindo).
Grosso modo, le mental apparaît dans la conscience sous un mode symbolique qui dans sa vigueur intuitive permet à quelques uns d'atteindre le surmental voire de prendre contact avec le supramental. C'est la thèse de Sri Aurobindo à propos des Védas. Les pionniers en Egypte aurait aussi approcher une expérience surmentale. Ces dernières années la psychologie de l'enfant a montré que ceux-ci intuitionnaient par exemple le concept d'oiseau distinct du concept d'avion avant même de distinguer clairement une pie et un corbeau : à vrai dire parler de concept en ce qui concerne l'enfant est imprécis car il ne s'agit pas encore d'un mot mais d'un symbole intérieur. Un Stephen Jourdain évoquait aussi à ce sujet un retour à l'enfance où il y a un vécu direct des essences dont la magie symbolique nous échappe une fois la mentalisation arrivée à l'âge adulte dans la mesure où elle a pu mettre en place l'illusion psychologique de l'ego.
Au niveau développemental de l'enfant, il y a l'idée que l'être psychique (l'âme en croissance, l'authentique principe de singularisation de la conscience) qui de vie en vie assure l'évolution dans son processus d'individualisation est présent autant à l'aube de l'humanité qu'à l'aube de l'enfance mais que l'expérience mentale augmentant cette pureté de départ s'étiole. Si on en revient à l'évolution sociale, comme le suggère Le cycle humain de Sri Aurobindo, la force intuitive de la pensée symbolique se serait de plus en plus sclérosée dans une société conservatrice et prisonnière des conventions qui lui avaient donné un certain équilibre harmonieux.
Pour Sri Aurobindo le système social qui avait été holarchique (au sens de Wilber) est alors peu à peu devenu hiérarchique. L'âge typal est une première étape dans cette évolution : il fige des castes même si leurs membres sont tous considérés encore d'une même dignité et que certaines sociétés mettaient encore en valeur le lien entre naturel spirituel et caste. Le cycle Humain paraît très clair à ce niveau. A vrai dire si la vision de Sri Aurobindo est juste et si comme nous le croyons il décrit la dégénérescence d'un système holarchique, la pensée de Ken Wilber qui pointe la nécessité d'un système holarchique social peut en être quelque peu ébranlée.
Au niveau développemental de l'enfant, il y a l'idée que l'être psychique (l'âme en croissance, l'authentique principe de singularisation de la conscience) qui de vie en vie assure l'évolution dans son processus d'individualisation est présent autant à l'aube de l'humanité qu'à l'aube de l'enfance mais que l'expérience mentale augmentant cette pureté de départ s'étiole. Si on en revient à l'évolution sociale, comme le suggère Le cycle humain de Sri Aurobindo, la force intuitive de la pensée symbolique se serait de plus en plus sclérosée dans une société conservatrice et prisonnière des conventions qui lui avaient donné un certain équilibre harmonieux.
Pour Sri Aurobindo le système social qui avait été holarchique (au sens de Wilber) est alors peu à peu devenu hiérarchique. L'âge typal est une première étape dans cette évolution : il fige des castes même si leurs membres sont tous considérés encore d'une même dignité et que certaines sociétés mettaient encore en valeur le lien entre naturel spirituel et caste. Le cycle Humain paraît très clair à ce niveau. A vrai dire si la vision de Sri Aurobindo est juste et si comme nous le croyons il décrit la dégénérescence d'un système holarchique, la pensée de Ken Wilber qui pointe la nécessité d'un système holarchique social peut en être quelque peu ébranlée.
Pour Sri Aurobindo, la raison est le rempart à la dérive traditionnaliste et à son effritement féodal quand déjà le pouvoir réel n'appartient plus à des chercheurs spirituels mais à des gardiens de dogmes et en général aux hommes d'armes. Là encore nouvel écart avec Ken Wilber et la spirale dynamique. Le stade égocentrique guerrier ne suivrait pas alors le stade tribal qui serait plutôt un stade héroïque et produisant la pensée symbolique la plus raffinée par l'union en cités et en royaume. Considérer un soi-disant stade égocentrique guerrier de l'enfant serait plutôt notre projection négative sur lui alors que lui doit passer par un stade héroïque où il doit dire non au risque de perdre son confort. Le fameux "stade du non" si on suit Sri Aurobindo et ses disciples ne serait peut-être pas celui de la constitution de l'égocentrisme si on veut bien y voir l'impulsion vitale du processus d'individualisation comme singularisation. Cet héroïsme qui interrompt la bonne marche du mimétisme qui jusque là prédomine est un passage décisif si on veut que l'âme ou l'être psychique de l'enfant demeure en avant. Ce serait plutôt notre incapacité d'entendre ce "non" qui se transformant en violence éducative au lieu et place d'une éducation amenant à une compréhension juste de conventions sociales respectueuses de la singularité des enfants produit des êtres à leur tour violent et développant une agressivité égocentrique. On sait maintenant que dans la cours d'école ou même la crèche celui qui a été frappé frappe, que celui qui a blessé psychiquement blesse, etc. sauf exception.
A vrai dire le processus d'individualisation n'a pas chez Ken Wilber une dimension ontologique comme chez Sri Aurobindo. Chez Sri Aurobindo, il y a une dimension de singularité préexistante qui s'individualise derrière l'apparente individualisation dans la manifestation qu'est l'ego : ceci n'a pas de réel équivalent chez Ken Wilber car cette conception implique certaines pratiques dont il n'est guère question dans les théories développementales de Ken Wilber. D'ailleurs cette ignorance conduit à produire des kits d'éveil évolutif qui seraient pertinents pour tous comme n'importe quel produit de consommation standard. Pour Sri Aurobindo, le féodalisme est l'aboutissement du traditionalisme et de l'affaiblissement de la recherche spirituelle ouverte et non pas le fait d'une mentalité centrée sur l'affirmation guerrière de soi. D'ailleurs l'importance de l'honneur est typique du féodalisme et elle n'est guère une valeur égocentrique au sens individualiste. A vrai dire le vital du guerrier est plus large dans ses possibilités que le vital étriqué du prêtre traditionaliste. Le déséquilibre du guerrier féodal va réveiller la voie spirituelle du coeur.
Mais le coeur peut être fanatique même quand il relativise la rudesse de l'honneur. La raison est donc un sursaut dans le cercle de l'histoire mental : l'individu grâce à l'universel peut de nouveau être sa propre autorité et reprendre ses droits contre le féodalisme et les tendances fanatiques issues du traditionalisme. Ici nous avons un point de recoupement et d'accord entre Sri Aurobindo et Ken Wilber.
Mais ce qui suit ce stade consacre de nouveau une rupture entre les deux approches. Pour Sri Aurobindo, la raison n'est pas encore la subjectivisation qui va marquer le romantisme ou l'art de vivre moderne du XIXème plus encore que les Lumières ou le rationnalisme du XVIIème. Le mental subjectiviste permet alors une expression d'une identité non pas seulement à valeur universelle mais à consonance individualisante.
Là se présente le risque identitaire dont le XXème siècle a finalement été le témoin dramatique et dont la menace dans les urnes semble persistante en ce début de XXIème siècle. Là où Ken Wilber ou d'autres défenseurs de la spirale dynamique expliquent les catastrophes nazies ou nationalistes comme des retours à la prémodernité, Sri Aurobindo pointe un danger différentialiste inhérent à ce qu'on peut appeler une forme de post-modernité vitaliste (La post-modernité est entendue ici comme subjectivisation et non comme relativisme suite à la disparition de la domination des grands récits au sens de la spirale dynamique wilberienne). La majorité morale américaine ou le Tea Party aux USA ou en France Le FN et les gens de droite ou de gauche qui en partagent de nombreuses lignes représentent aujourd'hui ce danger.
Et donc c'est la spiritualisation du subjectivisme (individuel et social) qui pourra éviter les dangers de la subjectivisation égocentrique, voire égoïste ou agressive. Si on veut bien regarder le développement des individus on verra que l'acquisition de la raison est globalement satisfaisante jusqu'à l'adolescence mais qu'alors commence un processus de subjectivisation dans nos sociétés postmodernes qui parfois ne trouve aucune issue spirituelle.
Pour Sri Aurobindo la démocratie elle-même qui est le système politique de cette mentalité de la subjectivisation se trouve prise dans une crise de croissance qui ne pourrait avoir une issue qu'avec une forme d'anarchisme mystique.
Il envisage comme une dialectique entre des visions collectivistes (de droite communautariste voire fasciste et de gauche communiste ou socialiste) et individualistes (de droite ultralibérale et de gauche libérale) de la démocratie qui n'auront de satisfaction dans leurs exigences légitimes qu'avec un anarchisme mystique. L'ashram fonctionnait d'ailleurs en ce sens au niveau matériel puisque tout était mis en commun et redistribué en fonction des besoin de chacun. A auroville qui n'était pas autosuffisante économiquement, Mère a invité tout de même fortement à relativiser dans le même sens 1'importance de l'argent. Toute cette dialectique économique qui vise à passer d'une société centré sur l'avoir à une société centrée sur l'être semble étrangère à Wilber et ses soutiens majeurs américains dans le champ spirituel. On a souvent l'impression que la réussite matérielle est la base de la réussite spirituelle dans le mouvement intégral versus Wilber. A Auroville ou à l'ashram de Sri Aurobindo, cette réussite matérielle n'a jamais été aussi au centre. Wilber est-il conscient qu'il fait de la réussite matérielle est garante de l'intégration de la mentalité moderne ? Cette inconscience montre sa non intégration des idées de la gauche la plus radicale. A vrai dire, il est prisonnier ou victime des préjugés américains de base tels que Weber les a décrit dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme où au fond la réussite matérielle garantit la valeur spirituelle d'une entreprise.
Rares aux USA ceux qui échappent à ce préjugés. En Europe, la pensée de la gauche radicale a toujours été proche d'une certaine recherche spirituelle même extrêmement minoritaire : en France, on évoquera Del Vasto disciple de Ghandi chantre de la frugalité et inspirateur de nombreux gaucho-écologistes, Emmanuel Mounnier, Jacques Ellul chrétiens proches d'une gauche libertaire, et plus loin en arrière Jaurès disciple secret de Pierre Leroux, vraisemblablement le premier intégraliste complet (le premier à penser une spiritualité intégrale non religieuse car au-delà de la confrontation de diverses religions) ou encore Jean-Jacques Rousseau...
Certes Sri Aurobindo et ses disciples seraient d'accord avec Ken Wilber et certains de ses défenseurs pour dire que il y a égale dignité mais inégalité spirituelle. Mais cette inégalité spirituelle ne sera pleinement claire que du point de vue d'une spiritualité poursuivant un processus d'individualisation abouti. En fait cette évidence de l'inégalité spirituelle ne sera pas contraire à une politique démocratique radicale. La différence spirituelle ne mettra pas en jeu l'appropriation, la reconnaissance ou la reproduction mais l'évolution biologique elle-même. D'ailleurs dans l'ashram de Sri Aurobindo tout le monde était égal avant 1926. Au départ Sri Aurobindo et Mère n'avaient pas plus de pouvoir décisionnel et de reconnaissance que les autres dans ce qui était avant tout un laboratoire de l'évolution. Ce n'est que l'écart de plus en plus évident pour tous dans l'évolution qui avait conféré un statut spécial à Sri Aurobindo et Mère. Mais ceci dit Mère ou Sri Aurobindo donnaient des conseils et des avis plus que des ordres intransigeants. Ils ne mettaient pas en avant la voie du gourou. Ils demandaient à leurs disciples de ne pas adorer mais d'évoluer en s'appuyant sur le besoin d'être de leur âme qui doit s'arracher à l'ego et se mettre en avant à travers lui et qui selon eux est précisément le véhicule de l'évolution. Leur intransigeance ne devenait saillante que lorsque il y avait totale insincérité. Auroville qui a été fondée du vivant de Mère est clairement démocratique même si elle n'est pa encore une anarchie mystique.
Ainsi tout se jouait et se joue certainement pour la majorité d'entre nous entre subjectivisation et spiritualité tant au niveau de notre développement individuel qu'au niveau social et politique. En l'état Ken Wilber est semble-t-il étranger à la psychisation, à la prise de conscience de l'âme individuelle qui évolue au niveau mental qui selon Sri Aurobindo et ses disciples serait la condition préalable à une spiritualisation fiable tant au niveau individuel que collectif.
LES DIFFERENCES ENTRE WILBER ET SRI AUROBINDO CONCERNANT L'EVOLUTION DE LA CONSCIENCE AU-DELA DE LA SPIRITUALISATION.
Les grandes différences d'accent développemental entre Wilber et Sri Aurobindo ne sont pas seulement au niveau individuel et collectif. Elles touchent au statut du rapport entre ce que Wilber nomme l'intérieur et l'extérieur dans ses quadrants.
Pour Sri Aurobindo et ses disciples, "Tout est conscience" (j'ai mis un extrait éloquent sur ce point dans un commentaire de ce post). Ce qui nous semble un point de vue extérieur est dû à une connaissance mentale indirecte et non à une conscience directe. L'évolution de la conscience se caractérise par une intériorisation de ce qui n'était qu'extérieur.
Ainsi celui qui avancera sur le chemin de l'évolution distinguera de moins en moins de frontière entre son évolution et celle de toute l'humanité, entre son évolution biologique et l'évolution de la matière, etc. La connaissance par identité qui s'élargit de plus en plus abolit les frontières entre individuel et universel, entre intérieur et extérieur.
De ce point de vue certaines interprétations des quatre quadrants de Wilber risquent de faire manquer la cosmicisation par intériorisation et le fondamental "TOUT est conscience".
A vrai dire le quadrant fournit une interprétation de l'évolution de conscience, toutefois Wilber s'inscrit dans ce qu'il appelle la postmétaphysique et n'absolutise pas ses quadrants. Car il juge qu'une expérience de conscience n'existe que relativement à une interprétation. A vrai dire puisque le contexte d'interprétation dit autant la valeur de l'expérience que l'expérience elle-même, comment dès lors penser une expérience de conscience surpramentale, c'est-à-dire l'existence d'un niveau de conscience au-delà du mental ? Si vraiment un être a une action dans le monde par-delà le mental, comment le contexte d'interprétation mental compterait-il encore ? La théorie de Wilber même si elle s'ouvre à un au-delà de l'homme en évoquant le supramental manque de cohérence. Cela ne signifie-t-il pas que Ken Wilber n'a jamais eu le moindre aperçu d'une conscience supramentale dans son expérience spirituelle ? Car un tel aperçu relativiserait le niveau de conscience mentale. A vrai dire le silence mental serait sans doute nécessaire pour s'avancer plus avant dans ce nouveau niveau de conscience et s'il y a une considération mentale qui demeure ce serait comme un commentaire lointain, une expression incomplète de ce qui resterait largement en dehors de sa compétence.
Wilber et sa postmétaphysique ne sont pas accordables en l'état à la fameuse citation de Sri Aurobindo : "Le supramental s'expliquera de lui-même".
Son art de penser n'est donc pas en l'état perméable à un surmental voire à un supramental. Nous avons tenté de concevoir un art de penser qui ne soit pas étanche à la venue s'un supramental dans un post précédent : Pensée totalisante et art de penser intégral.
Son art de penser n'est donc pas en l'état perméable à un surmental voire à un supramental. Nous avons tenté de concevoir un art de penser qui ne soit pas étanche à la venue s'un supramental dans un post précédent : Pensée totalisante et art de penser intégral.
Publié par Serge Durand à 01:24 1 commentaires
Libellés : Au-delà du faux-moi., Education et évolution de la conscience., Evolution de la conscience., Evolution des mentalités., Ken Wilber, Le faux moi., Sri Aurobindo
mercredi 3 août 2011
CONFRONTATION ET DIALOGUE ENTRE NEOADVAITA ET EVEIL EVOLUTIF.
Diverses conceptions de l’éveil évolutifs (celles de Mère, Sri Aurobindo ou Ken Wilber étant les plus significatives) entendent intégrer l’éveil proposé par l’advaïta védanta. Dans ses versions contemporaines occidentalisées, l'advaïta védanta peut s'appeler un néo-advaïta.
ARGUMENTAIRE NEO-ADVAÏTA CONTRE L’ÉVEIL ÉVOLUTIF ET PERMETTANT DE L'IGNORER.
Cependant cette intégration pose problème : le néo-advaïta oppose dans sa logique un certain nombre d’arguments à toute forme d'évolutionnisme. Les conceptions de l’éveil évolutif s’appuie sur l’évolutionnisme matériel et biologique dont l’humain serait le prolongement signifiant d’une manifestation manifestant de plus en plus de conscience. Le néo-advaïta s’en prendra donc argumentativement à l’évolutionnisme scientifique autant que philosophique et spiritualiste. Voici quelques arguments :
1 – L’évolutionnisme est une conception mentale déduite d’une enquête à partir de traces matérielles. C’est une connaissance indirecte qui fait appel à la mémoire et relie des traces par une fiction qui recrée des temps, des lieux qui ne sont plus.
Or ce type de savoir présente une faiblesse constitutive du point de vue d’une enquête directe sur ce que nous sommes vraiment. En effet ce type de savoir postule qu’il existe quelque chose en dehors de notre seul champ de conscience, en dehors de ce qui est perçu ici et maintenant. Ce savoir participe au fond au mythe mental qui empêche notre éveil à notre véritable nature.
Du point de vue du védanta, il n’y a pas d’autre conscience que celle dont nous disposons maintenant et tous les phénomènes y compris matériels qui se présentent à nous ici et maintenant surgissent dans cette conscience. Cette conscience où nous nous ressentons comme une personne et où se perçoivent les phénomènes est la condition de possibilité de notre existence et des phénomènes. L’erreur est de croire que notre personne n’en est pas un phénomène comme les autres. Cette conscience en laquelle surgissent les phénomènes, le temps et l’espace ou notre sens personnel est elle-même inqualifiable du point de vue du temps, de la localisation et du point de vue d’une qualité phénoménale. En effet quand nous entrons dans le sommeil profond, cette conscience semble se vider du temps comme de tous les phénomènes y compris nous mêmes : il n’y a que le temps de s’endormir et de se réveiller, l’impression subjective est qu’il n’y a aucun temps entre les deux car dans ce sommeil profond il n’y aucun phénomène de temps, ce n’est qu’au réveil que des phénomènes traces peuvent nous faire croire que notre sommeil profond a durée du temps. Là encore cette approche qui part d’une fiction composée à partir de traces matérielles nous fait manquer notre vraie nature.
2 – Le changement existe du point de vue d’une mémoire mentale. Or la conscience pure est au-delà du mental une absence de changement. Elle est immobile. Le mental qui s’attache à lui-même par le biais d’identifications personnelles y compris liées à la science matérialiste ne permet pas de percevoir l’immobilité fondamentale sur fond de laquelle le changement se produit.
2 – Le changement existe du point de vue d’une mémoire mentale. Or la conscience pure est au-delà du mental une absence de changement. Elle est immobile. Le mental qui s’attache à lui-même par le biais d’identifications personnelles y compris liées à la science matérialiste ne permet pas de percevoir l’immobilité fondamentale sur fond de laquelle le changement se produit.
Par exemple, le mental qui valorise l’évolution va affirmer que l’homme d’aujourd’hui a plus de possibilités et il valorise ce changement. Or ce plus traduit plus de désirs, c’est-à-dire aussi plus de peurs et donc globalement moins d’éveil à CELA, cette conscience pure immobile, atemporelle, etc. Car réaliser CELA c’est être sans désir puisque CELA qui est immobile et sans changement voit en son sein des changements sans s’y identifier.
Quand CELA est profondément réalisé, il y a des changements, un certain phénomène personnel continue à changer mais il n’y a plus de désir car il n’y a plus identification à ces mouvements de changements. Il n’y a plus de différence entre le fruit qui tombe de l’arbre et l’impulsion qui pousse à se gratter le nez alors qu’une photo est prise : ce sont des forces de changements qui surgissent en Cela contrariés ou non par d’autres forces de changements en Cela.
A vrai dire plus le mental s’élargit avec ses savoirs et plus l’éveil au Soi devient difficile. Car les savoirs mentaux font gonfler le désir d'acquisition des réalisations matérielles qu'ils permettent au-delà même des ressources planétaires. Il y a certes un changement dont nos mémoires humaines témoignent mais il est négatif sur le plan spirituel puisqu'il consiste dans un accroissement des désirs et des peurs. Ce changement est plutôt lié au fait que l’éveil spirituel et sa recherche authentique ont une influence qui se raréfie politiquement et socialement à l’échelle du monde. L’éveil ou la réalisation de CELA présuppose un effondrement complet de l’opercule mentale qui recouvre la vision de CELA. Le progrès moderne dont l'évolutionnisme est un avatar renforce les oeillères mentales. A partir de ces considérations, nous pouvons estimer que le phénomène temporelle est viscéralement cyclique. Trois cycles d’émergence phénoménale font sens en CELA :
- cycle de sommeil - rêve, d’éveil mental et d’effondrement dans le sommeil profond ;
- cycle naissance, âge adulte, effondrement de la vieillesse ;
- cycle âge intuitif, âge mental traditionnel et effondrement moderne ;
A chaque fois il s’agit d’une spirale s’envolant de la conscience de CELA vers sa dissipation dans l’oubli de Soi puis l’effondrement de cet oubli dans la catastrophe heureuse, l’effondrement des phénomènes en CELA. Ceci n’est pas issu d’une hypothèse déduite de traces matérielles mais de l’observation même des changements mentaux habituels dans l’horizon de la conscience de CELA.
Référons-nous d’ailleurs à la mémoire humaine, on notera que la pensée évolutionniste n’explique pas que les sociétés du passé concevaient pour ceux qui se consacraient à la recherche spirituelle un statut social largement mis en valeur ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les média qui véhiculent les valeurs n’accordent pas ou presque de place à la recherche spirituelle.
3 – Dernier point l’évolutionnisme philosophique met en avant une individualisation. Selon ce point de vue la nature produirait des entités de plus en plus individualisées, de plus en plus différenciées. L’humanité serait donc dans cette approche une étape significative d’une évolution de la conscience.
Le néo-védantiste conviendra qu’il y a bien une individualisation au sein de la manifestation universelle de CELA.
L’individu n’apparaît jamais dans la conscience pure sans un environnement sans une manifestation cosmique qui au fond le précède. Par exemple l’environnement du temps et de l’espace précède toujours le phénomène personnel au moment du réveil le matin. Cette conscience spatio-temporelle est la condition de possibilité de l’individualisation. Mais allons plus loin dans cette individualisation, il y a toujours un corps individuel individualisation de l’environnement matériel. Pas de corps humain sans écosystème, sans cellules, molécules, atomes, particules, etc. mais aussi sans planètes, étoiles, galaxies, etc. Le corps est la condition de possibilité d’une identification personnelle.
La mémoire personnelle lui semble liée en grande partie. Il y a peut-être des mémoires mentales immatérielles : la même idée ne surgit-elle pas en plusieurs corps simultanément ? De même il y a des atmosphères émotionnelles, des nappes vitales qui influencent des individus divers. Mais l’identification individuelle devient complète quand elle est liée à un corps. Le champ de conscience unique semble plusieurs du point de vue des corps.
Ici la philosophie évolutionniste contredit l’évolutionnisme matérialiste. Il n’y a à vrai dire qu’une individualisation du tout matériel. Et cette individualisation est illusoire si elle perd de vue qu’elle est liée à l’universel, qu’elle n’est formée que de composante du tout. C’est en reconnaissant que notre individualité est une individualisation du tout, que notre conscience illusoire d’être une personne découvre sa vraie nature. On se réalise être depuis toujours une conscience pure manifestant une individualisation de l’univers ou ce qui revient au même une conscience pure manifestant un univers individualisé en telle personne.
L’évolutionnisme spiritualiste commet donc une erreur capitale en inversant totalement l’ordre des choses. On reconnaît l’erreur typique des modernes d’un ego illusoire qui veut être maître et possesseur de la nature en oubliant sa vraie nature de conscience pure où tout émerge. On met au centre ce qui à la périphérie de la périphérie. La conscience du tout qui est plus pourtant à l’évidence plus proche de la conscience pure est reléguée derrière l’importance de la conscience personnelle par cet évolutionnisme spiritualiste.
L’évolutionnisme spiritualiste nous prêche un éveil de plus en plus profond mais le fait de la conscience pure est déjà là. Pourquoi faudrait-il acquérir telle et telle perfection éthique ou tel et tel pouvoir psychique ? CELA est déjà pleinement réalisé mais le voile de l’ego le masque. L’individualisation est le voile qui fait obstacle à CELA en créant insatisfaction, frustration, souffrance d’être un corps mortel sujet à la décrépitude, à la douleur, etc.
Plus l’individualisation est forte, plus l’ego est fort, plus il y a illusion et souffrance.
L’individualisation humaine n’est guère un progrès. Un petit enfant n’est-il pas bien que moins individualisé qu’un adulte beaucoup plus proche et conscient de CELA ? Un animal dans sa conscience où se déploie les mécanismes réglant les comportement de son espèce n’est-il pas davantage conscience de CELA du fait même qu’il n’est pas dans l’illusion de se croire un individu ?
On présente souvent la conscience de la mort comme significative d’une évolution majeure de la conscience : n’est-ce pas plutôt la preuve significative de la perte de conscience de notre immortalité qu’au fond l’animal et le tout petit enfant n’ont pas perdu ?
A propos de l’argumentaire 3 :
a- De la pitié (Mitleid=souffrir avec) à l'amour de CELA:
Intégration :
Tout ce qui dans l'individualisation implique séparation de la transcendance et de l'universel manifesté est forcément illusoire. Il faut totalement entrer dans l'acception de l'être qui relativise individu et manifestation avant d'envisager une vision intégrale. Par ailleurs notre sens de l'individualité est faux et confus : rares sont les personnes sensibles au fait que leur personnalité n'est pour la majeure partie qu'imitation, citation et réaction. L'approche du néo-védanta est donc une purification nécessaire de l'égocentrisme illusoire si on ne veut pas en être victime.
Dépassement :
Si on considère que CELA est en dehors des phénomènes, la conséquence logique sera la tendance à considérer les phénomènes comme un crachat dégoulinant sur la non face de CELA. La conscience pure serait en un sens le premier pas dans l’illusion. CELA serait par delà la conscience pure où l’espace et le temps permettent à l’illusion personnelle de se déployer. L’éveil néo-vedantin serait parfait seulement quand la manifestation s’effondre, quand toute racine de l’individualisation est coupée et ne peut reprendre.
C’était en quelque sorte la position conséquente de Schopenhauer qui se maturait plus encore à la découverte des pensées vedantines que des pensées bouddhistes. C’est l’impulsion à se manifester qui est la source de l’auto-illusion de l’absolu. Schopenhauer appelle cette impulsion la volonté.
La compassion n’est pas étrangère à cette position mais elle a un sens spécifique celui de souffrir avec. La compassion est ce mouvement qui appartient à l’illusion puisqu’il est issu de la volonté, concept que Schopenhauer utilise pour désigner l’impulsion à se manifester mais il est retour à la source auto-abolition de l’impulsion à se manifester.
A une compassion pessimiste qui a plus à voir avec la pitié comme souffrir avec, ne faut-il pas aller plus loin et substituer un vrai remède ? Qu’est-ce que ce sentiment de compassion pessimiste qui embrasse la manifestation avec dégoût et offre à l’autre ce dégoût comme remède ? Le cœur et son intelligence dans l’éveil ne sont-ils pas plutôt générosité ?
Le bouddhisme du grand véhicule qui affirme que le vide est la forme et la forme le vide ne nous donne-t-il pas davantage les clés d’un éveil où se joue l’intelligence du cœur ? En effet quand le vide embrasse la forme : la conscience pure n’est pas considérée comme étrangère aux phénomènes, elle est ce qui les suscite et les accueille. Puis quand la forme se découvre vide, la forme phénoménale est alors une impression qui regagne le cœur de la conscience pure sans même à s’abolir puisque en tant qu’impression, en son essence elle fait être la conscience pure existence libre de l’essence, vivier de toutes les essences et les formes. Plus simplement le phénoménal et le non phénoménal n’existent que l’un par rapport à l’autre, l’un suscitant l’autre, l’un potentiellement dans l’autre, celui qui réalise ce processus est dans le mouvement qui engendre l’un à partir de l’autre et réciproquement sans qu’il y ait priorité ontologique de l’un sur l’autre. Dès lors celui qui réalise CELA est le processus créateur incessant qui forme le cercle où vide et forme s’interpénètrent et s’engendrent. Il y a une générosité au cœur de l’intelligence du cœur. La compassion concerne ce qui n’a pas conscience du processus et s’y refuse illusoirement.
Le néo-vedantin risque de réaliser la moitié de CELA c’est-à-dire de n’avoir rien réaliser ou presque. Si il ne s’attache qu’à ce qui se détache des phénomènes il n’aura pas réalisé pleinement la conscience pure (le vide de conscience, la vacuité) puisque cette réalisation dans sa plénitude implique de réaliser que le vide est la forme et la forme est le vide.
Se servir du vide pour être indifférent aux phénomènes risque de servir l’ego qui choisira de fuir se réfugier dans les bras de ce vide pour échapper à tel phénomène de souffrance et étrangement justifier tel de ses comportements cyniques du fait d’une mécanique universel illusoire.
Discriminer le fait de la conscience pure n’est pas encore réaliser le processus qui transcende à la fois l’éternité et le temps, à la fois la non localisation et la spatialisation, à la fois l’impersonnalité et l’individualisation. Ce processus est l'amour de CELA c'est-à-dire l'amour généreux de sa liberté et de ses formes qui vient de CELA et retourne à CELA dans un même mouvement.
b - Des limites de la personnalité à l'individualisation de CELA.
Intégration :
A vrai dire quand CELA est réalisé même pour moitié dans un dualisme subtil entre vide et forme , il y a le fait perceptif évident que personne ne voit, que la conscience dans sa pureté n’est pas liée à notre personnalité. La personnalité est effectivement un phénomène qui apparaît et disparaît dans la conscience.
Dépassement :
Mais lorsque dans l'expérience de CELA la forme est le vide et la vide est la forme, la personnalité est alors l'enfant individualisé directement dans la lumière de CELA. L'essence de la personnalité qui déborde notre personnalité au point d'être la liberté même de notre personne vis-à-vis de notre personnalité est en CELA pleinement CELA. A vrai dire notre personnalité reste toujours ambiguë car jamais pleinement en 1ère personne mais dans son essence étrange fruit de l'univers et de CELA qui l'englobe. Seule en CELA elle est vécue en première personne, comme un authentique JE SUIS où d'ailleurs les autres personnalités sont vécues en première personne.
Le néo-vedantin qui prêche l'impersonnalité ou la disparition de la personne perçoit-il que c'est l'absolu lui-même qui personnalise une personnalité ? Allons plus loin, il y a une goutte de l'essence de notre personnalité qui est la dimension personnelle de CELA, l'amour de CELA personnalisé. La vision chrétienne est ici pertinente contre certaines facilités du néo-védanta : la dimension personnelle du Divin paradoxalement tout aussi sans propriété personnelle engendre le principe essentiel de toute personne. Notre personnalité est donc créée par ce principe personnel, le Christ, le Fils/Fille de Dieu (l'enfant Divin insexué de Dieu) en nous dira le chrétien. De ce fait notre personnalité ne peut pas être touchée de la présence de son essence sans développer un sens intérieur d'une communion secrètes des âmes (malgré les frictions de leurs égos). Est-ce le royaume de Dieu en nous de Jésus-Christ qui se révèle alors ?
Pour s'approcher de notre essence personnelle, être prêt à donner sa vie pour autrui reste parfois insuffisant même si cela semble une condition nécessaire. Nous pouvons être grand dans les grandes choses et misérable dans les petites. En effet notre personnalité est souvent multiple et incohérente. Notre personnalité est une foule amorphe qui doit s'unifier, se purifier et s'élargir à la lumière d'un principe d'individuation direct de CELA. L'individualisation produite par l'environnement dessert souvent l'individuation essentielle. Notre véritable personne est étouffée sous des éléments de personnalités qui sont le fruit des autres : nos pensées sont des citations, nos actions des imitations ou des réactions. Notre véritable personne doit souvent grandir en rendant cohérents des éléments de personnalités en l'état contradictoires et en faisant émerger des des traits dont la manifestation a été occultée ou brimée.
A vrai dire, notre véritable personne est sur un chemin évolutif où elle cherche à devenir davantage elle-même c'est-à-dire une manifestation de plus en plus parfaite du divin au niveau de sa volonté, de son intelligence, de son émotionnalité voire de sa corporéité. Ce chemin de divinisation entrevu au sein des spiritualités chrétiennes ouvertes au dialogue avec les spiritualités vedantines ou bouddhiste est ici quelque peu revisitée mais n'assure-t-elle pas davantage la réalisation de CELA que la seule démarche vedantine? Quand le perçu et le percevant ne font qu'un, la dévotion grandit naturellement comme une lumière liant notre personne au tout et au principe personnel qui l'engendre. Toutefois la dévotion ne dit pas comment cette personne divine peut faire sa volonté authentique à travers la personnalité ? La voie des œuvres proposent certaines pratiques. Mais certaines tâches nécessitent plus que le renoncement de la personnalité à ses désirs propres, elles nécessitent de la créativité. L'intelligence mentale rationnelle n'est-elle pas alors insuffisante ? Le perçu et le percevant ne tendent à faire qu'un au niveau de notre personnalité que lorsque celle-ci s'ouvre à une intelligence intuitive de sa première personne.
L'éveil évolutif relie plusieurs niveaux d'évolution : individuation (manifestation de l'âme), spiritualisation (réalisation de plus en plus approfondie de CELA) et enfin divinisation (accès à de nouvelles dimensions de la conscience telle l'intelligence intuitive au-delà de la réflexion rationnelle).
A propos de l'argumentaire 2 :
a- la question du temps et du Devenir de CELA.
Intégration :
Il y a deux dimensions du temps qui sont en fait en question et le néo-védanta est nécessaire pour déconstruire ou du moins relativiser l'histoire mentale qui comme il le montre participe trop souvent à nous faire perdre de vue la seule réalité du ici et maintenant.
Dépassement :
Le temps véritable est celui de la durée c'est-à-dire la trace actuelle des instants manifestés qui constitue la manifestation du maintenant. Ce n'est pas un passé qui causalement produit le maintenant mais le surgissement du nouvel instant qui appose sa trace sur l'actuel. La durée est donc tout autant continue et discontinue dans sa constitution. A la fois comme les cernes d'un tronc de bois dont les lignes se superposent et comme un colorant qui ajouté à un liquide peut en colorer toute la teneur. Le Devenir en jeu dans la durée n'est pas celui du temps tel que le mental le fabrique : une fiction qui finit par s'oublier comme telle, une suite de réinterprétations plus ou moins cohérentes et conscientes qui conditionnent nos positionnements face à ce qui est ici et maintenant. Le Devenir peut être ressenti dans sa particularité.
Par exemple, comme ce Devenir manifeste l'Être, il a des rythmes, des échos du surgissement dans l'actuel ou réciproquement : l'écoute de la musique est un bon exercice pour percevoir le Devenir dans sa différence avec le temps produit mentalement. Ou bien encore quand le souvenir est perceptuel à la façon de la madeleine de Proust et non conceptuel, nous revivons vraiment le temps passé présent et vivant ici et maintenant : le Devenir se révèle comme durée discontinue.
b - Le besoin d'Être de l'âme appelle une transformation non un changement de la personne.
Intégration :
Le néo védanta dénonce justement une confusion habituelle entretenue autour du désir de changer dans les milieux spirituels. Changer revient à perpétuer ce qui est déjà actuel.
Dépassement :
Perpétuer l'actuel n'est-ce pas réduire dans la Durée le renouvellement du Devenir ? N'y a-t-il pas en jeu ici la liberté de CELA de développer un pouvoir de créer individualisé ?
L'évolution en jeu à travers le principe d'individuation direct du divin se joue dans le Devenir de nos personnes mais sans que ce qui est en jeu dans cette dimension du Devenir se distingue de ses autres dimensions. La dimension cosmique est forcément imbriquée à ce processus dans son Devenir c'est-à-dire dans sa structure de manifestation de CELA. Certes certaines influences environnementales semblent faire obstacle à l'évolution du point de vue individuel proprement dit. L'univers en tant que notre environnement produit des individualisations souvent illusoires, disions-nous, du point de vue du devenir authentique de notre véritable personne, de notre âme. Mais il y a là une dialectique puisque au fond l'univers manifestant le divin ne peut être contre l'individuation manifestant le divin. Sans les mots universels, je ne saurais exprimer de façon personnelle mon point de vue individuel par exemple. Dans cette tension entre l'universel et l'individuel dans le devenir évolutif est plutôt une tension entre des forces universelles qui nous enferment et nous limitent et l'aspiration à de nouvelles forces universelles qui nous libèrent. Cette tension s'abolit dans une monade où l'univers se transforme harmonieusement avec notre individuation parce que nos aspirations à la divinisations reçoivent en réponse une manifestation de nouvelles forces de conscience universelle qui facilitent la réalisation de notre aspiration.
L'évolution n'est pas un accroissement du mental et une accumulation de savoirs comme certains récits humains le font croire. L'évolution de l'univers a toujours consisté dans de nouvelles façons de la conscience absolu de se percevoir dans sa propre manifestation. Chaque vie est au fond une tentative de l'absolu de se percevoir autrement. Notre mental humain est la façon qu'a l'absolu de se percevoir personnellement au risque de l'aveuglement égocentrique. Mais contre la vision cyclique de cette évolution ne pouvons-nous pas entrevoir un élargissement de l'individualisation qui aille à l'encontre de l'égocentrisme ?
A l'image du risque égocentrique de l'individualisation, la sensation phénoménale dans sa condition de possibilité elle-même qu'est la vie n'a t-elle pas pour prix l'accident biologique ? La douleur cherche à le limiter et la peur à l'anticiper. Nous avons dans notre vécu la perception directe de cette tendance de l'absolu à se réfléchir matériellement personnellement. Le mental est une manière subtile d'anticiper l'accident voire même de conquérir des environnements qui a priori mettait en danger notre corporéité.
A propos de l'argumentaire 1:
Intégration:
Nous sommes d'accord avec le diagnostic des néo-védantins : la connaissance mentale reste trop indirecte.
Dépassement :
Ce point d'ailleurs sépare en même temps paradoxalement l'évolutionniste et le néo-védantin : du point de vue d'un éveil évolutif radical les reconstitutions de la science mentale manquent le fait actuel et absolu de la conscience de la matière. Autrement dit il manque à l'évolutionnisme scientifique la reconnaissance de la Conscience comme condition de possibilité de la connaissance. Personne n'a jamais vu quoi que ce soit en dehors de la Conscience.
Mais précisément l'éveil évolutif réinterprète l'évolutionnisme en fonction de cette donnée. Et il cherche à voir comment la matière consciente puisqu'elle est toujours manifestée comme une perception de la consciente peut évoluer.
Un éveil évolutif peut-il ne pas entrevoir au cœur même de la corporéité l'absolu qui cherche à se reconnaître ? L'affirmation que le vide est la forme et la forme le vide questionne l'éveil humain standard en tant qu'il ne parvient pas à saisir l'émergence du phénomène matériel lui-même. Répondre par le biais d'une critique voyant là un questionnement purement intellectuel n'est pas satisfaisant. Il y a un déficit de conscience dans la prise de conscience de CELA du côté de la matière qui stimule l'insatisfaction de l'âme qui aspire à évoluer et qui rend honneur au savoir mental matérialiste développé en Occident et qui a bouleversé le destin de l'humanité.
Mais précisément l'éveil évolutif réinterprète l'évolutionnisme en fonction de cette donnée. Et il cherche à voir comment la matière consciente puisqu'elle est toujours manifestée comme une perception de la consciente peut évoluer.
Un éveil évolutif peut-il ne pas entrevoir au cœur même de la corporéité l'absolu qui cherche à se reconnaître ? L'affirmation que le vide est la forme et la forme le vide questionne l'éveil humain standard en tant qu'il ne parvient pas à saisir l'émergence du phénomène matériel lui-même. Répondre par le biais d'une critique voyant là un questionnement purement intellectuel n'est pas satisfaisant. Il y a un déficit de conscience dans la prise de conscience de CELA du côté de la matière qui stimule l'insatisfaction de l'âme qui aspire à évoluer et qui rend honneur au savoir mental matérialiste développé en Occident et qui a bouleversé le destin de l'humanité.
L'éveil s'est manifesté sur le plan mental comme conscience de la présence de CELA, il a peu à peu investi le cœur et notre monde émotionnel en devenant l'amour de CELA. Il peut rayonner dans notre monde pulsionnel et sublimer ces forces jusque là en grande part inconscientes. Ce rayonnement en profondeur de CELA dans sa manifestation distingue à l'évidence certains êtres éveillés des autres. A partir de là, ne peut-on pas envisager un éveil qui s'étendrait au soubassement physique du monde pulsionnel ?
Il n'y a rien en dehors de cette conscience-ci ici et maintenant mais c'est une monade. Une monade est une partie-tout en dehors de la quelle rien n'existe. Quand nous retrouverons untel nous apprendrons qu'il s'est passé telle chose que nous pourrons constater dans un prochain ici et maintenant et qui n'était pas encore manifeste dans cet ici et maintenant. A vrai dire tout est ici et maintenant, rien n'existe en dehors mais l’autocréation qui engendre le ici et maintenant nous échappe pour la plus grande part même si par des pressentiments et le développement d'une l'intuition intelligence du tout dans la partie, nous en y prenons part. Ceci explique les coïncidences significatives.
Il y a des cycles juxtaposés journaliers, personnels et civilisationnels mais ces cycles sont comme des vagues qui vont et viennent et crée à la fin un nouveau paysage. Le néo-védantin voit ces cycles mais il ignore ce qu'ils dessinent de neuf. L'évolution n'est pas le progrès. Un dinosaures dans sa conscience de CELA ne pouvait pas se représenter l'humain sinon déjà il aurait lever les yeux vers le ciel et aurait anticiper la menace de disparition qui pesait sur lui. CELA à travers le dinosaures avait une conscience de soi plus voilé qu'à travers l'homme sans être pour autant moins que CELA. A vrai dire le seul point de constance dans la réalisation de CELA à travers tous les êtres à travers lequel il se réalise est ce mouvement d'aspiration vers plus d'être. Sur ce plan les expériences spirituelles d'un enfant sont souvent plus authentiques que celles d'un adulte qui voyant davantage la vérité spirituelle ne se vit pas souvent dans cette aspiration, ce paradoxe de plénitude et d'insatisfaction qu'est le besoin d'être des étincelles d'existence de tout être.
L'expérience spirituelle peut être une forme de résistance à l'évolution. Les pensées traditionnelles (auxquelles les néo-vedantins se réfèrent souvent positivement) n'ont pas engendré par hasard ces religions qui ont généré tant de limitations de la créativité humaine tant en Occident d'ailleurs qu'en Orient. Les complicités de ces pensées traditionnelles avec les tentatives de rétablir des ordres hiérarchiques a contribué plus d'une fois aux catastrophes du XXème siècle. Nous évoquerons les liens du Zen avec le nationalisme japonais, la proximité de Julius Evola avec les fascistes italiens, celle du néopaganisme (celtique et germanique) avec le nazisme, etc. Aujourd'hui quand ce type de pensée ne tombent pas dans ces compromissions à cause de leur conceptions sociales hiérarchiques et antidémocratiques, il se font les chantres d'une forme de cynisme : le monde court à sa perte, l'évident intérêt grandissant pour la recherche spirituelle n'est qu'une nouvelle forme de matérialisme à la recherche de bien-être, etc.
Si tout ce qui est est une manifestation consciente de l'absolu, si vraiment cette manifestation est l'absolu, pourquoi devrait-elle échouer ? L'individuation est l'évolution de l'absolu vers sa perfection dans le détail et il faut bien que l'œil prenne conscience de ce qui peut s'améliorer pour tâtonner à la recherche d'une nouvelle façon de voir transformatrice. Cette transformation si elle est parvenue à son point de rupture implique la souffrance de ce qui lui résiste et donc de ceux qui n'ont pas la lumière de l'âme affleurant dans leur personnalité. Car seule cette lumière de l'âme assume l'insatisfaction devant la manifestation dans la foi et l'espérance d'une transformation victorieuse. L'âme ne peut pas craindre l'échec car elle est une étincelle éternelle d'aspiration de CELA en son cœur et elle dispose de l'expérience du temps éternisé (tempiternité disait Panikkar).
Une spiritualité axée sur la vacuité, le pur témoin comme celle d'une certaine pratique du néo-védanta est une réalisation nécessaire sur le chemin d'un éveil évolutif. Cependant cette réalisation si elle satisfait celui chez qui elle s'est cristallisée pourrait très bien alors devenir inauthentique et en effet elle nie le besoin du Devenir qui selon nous caractérise l'âme. Au fond le néo-vedanta s'il se ferme à l'éventualité d'un éveil évolutif peut n'être qu'une forteresse mentale subtile entravant la transformation inéluctable en cours.
Publié par Serge Durand à 16:53 0 commentaires
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