mercredi 3 août 2011

CONFRONTATION ET DIALOGUE ENTRE NEOADVAITA ET EVEIL EVOLUTIF.(EPISODE 1).

Diverses conceptions de l’éveil évolutifs (celles de Mère, Sri Aurobindo ou Ken Wilber étant les plus significatives) entendent intégrer l’éveil proposé par l’advaïta védanta. Dans ses versions contemporaines occidentalisées, l'advaïta védanta peut s'appeler un néo-advaïta.


ARGUMENTAIRE NEO-ADVAÏTA CONTRE L’ÉVEIL ÉVOLUTIF ET PERMETTANT DE L'IGNORER. 


 


Cependant cette intégration pose problème : le néo-advaïta oppose dans sa logique un certain nombre d’arguments à toute forme d'évolutionnisme. Les conceptions de l’éveil évolutif s’appuie sur l’évolutionnisme matériel et biologique dont l’humain serait le prolongement signifiant d’une manifestation manifestant de plus en plus de conscience. Le néo-advaïta s’en prendra donc argumentativement à l’évolutionnisme scientifique autant que philosophique et spiritualiste. Voici quelques arguments : 



1 – L’évolutionnisme est une conception mentale déduite d’une enquête à partir de traces matérielles. C’est une connaissance indirecte qui fait appel à la mémoire et relie des traces par une fiction qui recrée des temps, des lieux qui ne sont plus.
 
Or ce type de savoir présente une faiblesse constitutive du point de vue d’une enquête directe sur ce que nous sommes vraiment. En effet ce type de savoir postule qu’il existe quelque chose en dehors de notre seul champ de conscience, en dehors de ce qui est perçu ici et maintenant. Ce savoir participe au fond au mythe mental qui empêche notre éveil à notre véritable nature. 
 Du point de vue du védanta, il n’y a pas d’autre conscience que celle dont nous disposons maintenant et tous les phénomènes y compris matériels qui se présentent à nous ici et maintenant surgissent dans cette conscience. Cette conscience où nous nous ressentons comme une personne et où se perçoivent les phénomènes est la condition de possibilité de notre existence et des phénomènes. L’erreur est de croire que notre personne n’en est pas un phénomène comme les autres. Cette conscience en laquelle surgissent les phénomènes, le temps et l’espace ou notre sens personnel est elle-même inqualifiable du point de vue du temps, de la localisation et du point de vue d’une qualité phénoménale. En effet quand nous entrons dans le sommeil profond, cette conscience semble se vider du temps comme de tous les phénomènes y compris nous mêmes : il n’y a que le temps de s’endormir et de se réveiller, l’impression subjective est qu’il n’y a aucun temps entre les deux car dans ce sommeil profond il n’y aucun phénomène de temps, ce n’est qu’au réveil que des phénomènes traces peuvent nous faire croire que notre sommeil profond a durée du temps. Là encore cette approche qui part d’une fiction composée à partir de traces matérielles nous fait manquer notre vraie nature. 


2 – Le changement existe du point de vue d’une mémoire mentale. Or la conscience pure est au-delà du mental une absence de changement. Elle est immobile. Le mental qui s’attache à lui-même par le biais d’identifications personnelles y compris liées à la science matérialiste ne permet pas de percevoir l’immobilité fondamentale sur fond de laquelle le changement se produit.


Par exemple, le mental qui valorise l’évolution va affirmer que l’homme d’aujourd’hui a plus de possibilités et il valorise ce changement. Or ce plus traduit plus de désirs, c’est-à-dire aussi plus de peurs et donc globalement moins d’éveil à CELA, cette conscience pure immobile, atemporelle, etc. Car réaliser CELA c’est être sans désir puisque CELA qui est immobile et sans changement voit en son sein des changements sans s’y identifier.  


Quand CELA est profondément réalisé, il y a des changements, un certain phénomène personnel continue à changer mais il n’y a plus de désir car il n’y a plus identification à ces mouvements de changements. Il n’y a plus de différence entre le fruit qui tombe de l’arbre et l’impulsion qui pousse à se gratter le nez alors qu’une photo est prise : ce sont des forces de changements qui surgissent en Cela contrariés ou non par d’autres forces de changements en Cela.



A vrai dire plus le mental s’élargit avec ses savoirs et plus l’éveil au Soi devient difficile. Car les savoirs mentaux font gonfler le désir d'acquisition des réalisations matérielles qu'ils permettent au-delà même des ressources planétaires. Il y a certes un changement dont nos mémoires humaines témoignent mais il est négatif sur le plan spirituel puisqu'il consiste dans un accroissement des désirs et des peurs. Ce changement est plutôt lié au fait que l’éveil spirituel et sa recherche authentique ont une influence qui se raréfie politiquement et socialement à l’échelle du monde. L’éveil ou la réalisation de CELA présuppose un effondrement complet de l’opercule mentale qui recouvre la vision de CELA. Le progrès moderne dont l'évolutionnisme est un avatar renforce les oeillères mentales. A partir de ces considérations, nous pouvons estimer que le phénomène temporelle est viscéralement cyclique. Trois cycles d’émergence phénoménale font sens en CELA :


- cycle de sommeil - rêve, d’éveil mental et d’effondrement dans le sommeil profond ;

  
- cycle naissance, âge adulte, effondrement de la vieillesse ;

- cycle âge intuitif, âge mental traditionnel et effondrement moderne ;
      

A chaque fois il s’agit d’une spirale s’envolant de la conscience de CELA vers sa dissipation dans l’oubli de Soi puis l’effondrement de cet oubli dans la catastrophe heureuse, l’effondrement des phénomènes en CELA. Ceci n’est pas issu d’une hypothèse déduite de traces matérielles mais de l’observation même des changements mentaux habituels dans l’horizon de la conscience de CELA.

Référons-nous d’ailleurs à la mémoire humaine, on notera que la pensée évolutionniste n’explique pas que les sociétés du passé concevaient pour ceux qui se consacraient à la recherche spirituelle un statut social largement mis en valeur ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les média qui véhiculent les valeurs n’accordent pas ou presque de place à la recherche spirituelle.

3 – Dernier point l’évolutionnisme philosophique met en avant une individualisation. Selon ce point de vue la nature produirait des entités de plus en plus individualisées, de plus en plus différenciées. L’humanité serait donc dans cette approche une étape significative d’une évolution de la conscience.

Le néo-védantiste conviendra qu’il y a bien une individualisation au sein de la manifestation universelle de CELA. 
L’individu n’apparaît jamais dans la conscience pure sans un environnement sans une manifestation cosmique qui au fond le précède. Par exemple l’environnement du temps et de l’espace précède toujours le phénomène personnel au moment du réveil le matin. Cette conscience spatio-temporelle est la condition de possibilité de l’individualisation. Mais allons plus loin dans cette individualisation, il y a toujours un corps individuel individualisation de l’environnement matériel. Pas de corps humain sans écosystème, sans cellules, molécules, atomes, particules, etc. mais aussi sans planètes, étoiles, galaxies, etc. Le corps est la condition de possibilité d’une identification personnelle.

La mémoire personnelle lui semble liée en grande partie. Il y a peut-être des mémoires mentales immatérielles : la même idée ne surgit-elle pas en plusieurs corps simultanément ? De même il y a des atmosphères émotionnelles, des nappes vitales qui influencent des individus divers. Mais l’identification individuelle devient complète quand elle est liée à un corps. Le champ de conscience unique semble plusieurs du point de vue des corps.

Ici la philosophie évolutionniste contredit l’évolutionnisme matérialiste. Il n’y a à vrai dire qu’une individualisation du tout matériel. Et cette individualisation est illusoire si elle perd de vue qu’elle est liée à l’universel, qu’elle n’est formée que de composante du tout. C’est en reconnaissant que notre individualité est une individualisation du tout, que notre conscience illusoire d’être une personne découvre sa vraie nature. On se réalise être depuis toujours une conscience pure manifestant une individualisation de l’univers ou ce qui revient au même une conscience pure manifestant un univers individualisé en telle personne.

L’évolutionnisme spiritualiste commet donc une erreur capitale en inversant totalement l’ordre des choses. On reconnaît l’erreur typique des modernes d’un ego illusoire qui veut être maître et possesseur de la nature en oubliant sa vraie nature de conscience pure où tout émerge. On met au centre ce qui à la périphérie de la périphérie. La conscience du tout qui est plus pourtant à l’évidence plus proche de la conscience pure est reléguée derrière l’importance de la conscience personnelle par cet évolutionnisme spiritualiste.

L’évolutionnisme spiritualiste nous prêche un éveil de plus en plus profond mais le fait de la conscience pure est déjà là. Pourquoi faudrait-il acquérir telle et telle perfection éthique ou tel et tel pouvoir psychique ? CELA est déjà pleinement réalisé mais le voile de l’ego le masque. L’individualisation est le voile qui fait obstacle à CELA en créant insatisfaction, frustration, souffrance d’être un corps mortel sujet à la décrépitude, à la douleur, etc.
Plus l’individualisation est forte, plus l’ego est fort, plus il y a illusion et souffrance. 
L’individualisation humaine n’est guère un progrès. Un petit enfant n’est-il pas bien que moins individualisé qu’un adulte beaucoup plus proche et conscient de CELA ? Un animal dans sa conscience où se déploie les mécanismes réglant les comportement de son espèce n’est-il pas davantage conscience de CELA du fait même qu’il n’est pas dans l’illusion de se croire un individu ?


On présente souvent la conscience de la mort comme significative d’une évolution majeure de la conscience : n’est-ce pas plutôt la preuve significative de la perte de conscience de notre immortalité qu’au fond l’animal et le tout petit enfant n’ont pas perdu ?


REPONSE INTEGRATIVE DE L’EVEIL EVOLUTIF.

A propos de l’argumentaire 3 :

a- De la pitié (Mitleid=souffrir avec) à l'amour de 
CELA: 

Intégration : 


Tout ce qui dans l'individualisation implique séparation de la transcendance et de l'universel manifesté est forcément illusoire. Il faut totalement entrer dans l'acception de l'être qui relativise individu et manifestation avant d'envisager une vision intégrale. Par ailleurs notre sens de l'individualité est faux et confus : rares sont les personnes sensibles au fait que leur personnalité n'est pour la majeure partie qu'imitation, citation et réaction. L'approche du néo-védanta est donc une purification nécessaire de l'égocentrisme illusoire si on ne veut pas en être victime.

Dépassement :

Si on considère que CELA est en dehors des phénomènes, la conséquence logique sera la tendance à considérer les phénomènes comme un crachat dégoulinant sur la non face de CELA. La conscience pure serait en un sens le premier pas dans l’illusion. CELA serait par delà la conscience pure où l’espace et le temps permettent à l’illusion personnelle de se déployer. L’éveil néo-vedantin serait parfait seulement quand la manifestation s’effondre, quand toute racine de l’individualisation est coupée et ne peut reprendre.


C’était en quelque sorte la position conséquente de Schopenhauer qui se maturait plus encore à la découverte des pensées vedantines que des pensées bouddhistes. C’est l’impulsion à se manifester qui est la source de l’auto-illusion de l’absolu. Schopenhauer appelle cette impulsion la volonté.
 



La compassion n’est pas étrangère à cette position mais elle a un sens spécifique celui de souffrir avec. La compassion est ce mouvement qui appartient à l’illusion puisqu’il est issu de la volonté, concept que Schopenhauer utilise pour désigner l’impulsion à se manifester mais il est retour à la source auto-abolition de l’impulsion à se manifester. 


A une compassion pessimiste qui a plus à voir avec la pitié comme souffrir avec, ne faut-il pas aller plus loin et substituer un vrai remède ? Qu’est-ce que ce sentiment de compassion pessimiste qui embrasse la manifestation avec dégoût et offre à l’autre ce dégoût comme remède ? Le cœur et son intelligence dans l’éveil ne sont-ils pas plutôt générosité ?

 

Le bouddhisme du grand véhicule qui affirme que le vide est la forme et la forme le vide ne nous donne-t-il pas davantage les clés d’un éveil où se joue l’intelligence du cœur ? En effet quand le vide embrasse la forme : la conscience pure n’est pas considérée comme étrangère aux phénomènes, elle est ce qui les suscite et les accueille. Puis quand la forme se découvre vide, la forme phénoménale est alors une impression qui regagne le cœur de la conscience pure sans même à s’abolir puisque en tant qu’impression, en son essence elle fait être la conscience pure existence libre de l’essence, vivier de toutes les essences et les formes. Plus simplement le phénoménal et le non phénoménal n’existent que l’un par rapport à l’autre, l’un suscitant l’autre, l’un potentiellement dans l’autre, celui qui réalise ce processus est dans le mouvement qui engendre l’un à partir de l’autre et réciproquement sans qu’il y ait priorité ontologique de l’un sur l’autre. Dès lors celui qui réalise CELA est le processus créateur incessant qui forme le cercle où vide et forme s’interpénètrent et s’engendrent. Il y a une générosité au cœur de l’intelligence du cœur. La compassion concerne ce qui n’a pas conscience du processus et s’y refuse illusoirement.



Le néo-vedantin risque de réaliser la moitié de CELA c’est-à-dire de n’avoir rien réaliser ou presque. Si il ne s’attache qu’à ce qui se détache des phénomènes il n’aura pas réalisé pleinement la conscience pure (le vide de conscience, la vacuité) puisque cette réalisation dans sa plénitude implique de réaliser que le vide est la forme et la forme est le vide. 

  



Se servir du vide pour être indifférent aux phénomènes risque de servir l’ego qui choisira de fuir se réfugier dans les bras de ce vide pour échapper à tel phénomène de souffrance et étrangement justifier tel de ses comportements cyniques du fait d’une mécanique universel illusoire.

Discriminer le fait de la conscience pure n’est pas encore réaliser le processus qui transcende à la fois l’éternité et le temps, à la fois la non localisation et la spatialisation, à la fois l’impersonnalité et l’individualisation. Ce processus est l'amour de CELA c'est-à-dire l'amour généreux de sa liberté et de ses formes qui vient de CELA et retourne à CELA dans un même mouvement.

b - Des limites de la personnalité à l'individualisation de CELA.

Intégration :

A vrai dire quand CELA est réalisé même pour moitié dans un dualisme subtil entre vide et forme , il y a le fait perceptif évident que personne ne voit, que la conscience dans sa pureté n’est pas liée à notre personnalité. La personnalité est effectivement un phénomène qui apparaît et disparaît dans la conscience. 

Dépassement : 

Mais lorsque dans l'expérience de CELA la forme est le vide et la vide est la forme, la personnalité est alors l'enfant individualisé directement dans la lumière de CELA. L'essence de la personnalité qui déborde notre personnalité au point d'être la liberté même de notre personne vis-à-vis de notre personnalité est en CELA pleinement CELA. A vrai dire notre personnalité reste toujours ambiguë car jamais pleinement en 1ère personne mais dans son essence étrange fruit de l'univers et de CELA qui l'englobe. Seule en CELA elle est vécue en première personne, comme un authentique JE SUIS où d'ailleurs les autres personnalités sont vécues en première personne.
 

Le néo-vedantin qui prêche l'impersonnalité ou la disparition de la personne perçoit-il que c'est l'absolu lui-même qui personnalise une personnalité ? Allons plus loin, il y a une goutte de l'essence de notre personnalité qui est la dimension personnelle de CELA, l'amour de CELA personnalisé. La vision chrétienne est ici pertinente contre certaines facilités du néo-védanta : la dimension personnelle du Divin paradoxalement tout aussi sans propriété personnelle engendre le principe essentiel de toute personne. Notre personnalité est donc créée par ce principe personnel, le Christ, le Fils/Fille de Dieu (l'enfant Divin insexué de Dieu) en nous dira le chrétien. De ce fait notre personnalité ne peut pas être touchée de la présence de son essence sans développer un sens intérieur d'une communion secrètes des âmes (malgré les frictions de leurs égos). Est-ce le royaume de Dieu en nous de Jésus-Christ qui se révèle alors ? 



Pour s'approcher de notre essence personnelle, être prêt à donner sa vie pour autrui reste parfois insuffisant même si cela semble une condition nécessaire. Nous pouvons être grand dans les grandes choses et misérable dans les petites. En effet notre personnalité est souvent multiple et incohérente. Notre personnalité est une foule amorphe qui doit s'unifier, se purifier et s'élargir à la lumière d'un principe d'individuation direct de CELA. L'individualisation produite par l'environnement dessert souvent l'individuation essentielle. Notre véritable personne est étouffée sous des éléments de personnalités qui sont le fruit des autres : nos pensées sont des citations, nos actions des imitations ou des réactions. Notre véritable personne doit souvent grandir en rendant cohérents des éléments de personnalités en l'état contradictoires et en faisant émerger des des traits dont la manifestation a été occultée ou brimée. 

 
A vrai dire, notre véritable personne est sur un chemin évolutif où elle cherche à devenir davantage elle-même c'est-à-dire une manifestation de plus en plus parfaite du divin au niveau de sa volonté, de son intelligence, de son émotionnalité voire de sa corporéité. Ce chemin de divinisation entrevu au sein des spiritualités chrétiennes ouvertes au dialogue avec les spiritualités vedantines ou bouddhiste est ici quelque peu revisitée mais n'assure-t-elle pas davantage la réalisation de CELA que la seule démarche vedantine? Quand le perçu et le percevant ne font qu'un, la dévotion grandit naturellement comme une lumière liant notre personne au tout et au principe personnel qui l'engendre. Toutefois la dévotion ne dit pas comment cette personne divine peut faire sa volonté authentique à travers la personnalité ? La voie des œuvres proposent certaines pratiques. Mais certaines tâches nécessitent plus que le renoncement de la personnalité à ses désirs propres, elles nécessitent de la créativité. L'intelligence mentale rationnelle n'est-elle pas alors insuffisante ? Le perçu et le percevant ne tendent à faire qu'un au niveau de notre personnalité que lorsque celle-ci s'ouvre à une intelligence intuitive de sa première personne.
 
L'éveil évolutif relie plusieurs niveaux d'évolution : individuation (manifestation de l'âme), spiritualisation (réalisation de plus en plus approfondie de CELA) et enfin divinisation (accès à de nouvelles dimensions de la conscience telle l'intelligence intuitive au-delà de la réflexion rationnelle).

 


A propos de l'argumentaire 2 :

a- la question du temps et du Devenir de CELA.


Intégration :


Il y a deux dimensions du temps qui sont en fait en question et le néo-védanta est nécessaire pour déconstruire ou du moins relativiser l'histoire mentale qui comme il le montre participe trop souvent à nous faire perdre de vue la seule réalité du ici et maintenant. 

Dépassement :

Le temps véritable est celui de la durée c'est-à-dire la trace actuelle des instants manifestés qui constitue la manifestation du maintenant. Ce n'est pas un passé qui causalement produit le maintenant mais le surgissement du nouvel instant qui appose sa trace sur l'actuel. La durée est donc tout autant continue et discontinue dans sa constitution. A la fois comme les cernes d'un tronc de bois dont les lignes se superposent et comme un colorant qui ajouté à un liquide peut en colorer toute la teneur. Le Devenir en jeu dans la durée n'est pas celui du temps tel que le mental le fabrique : une fiction qui finit par s'oublier comme telle, une suite de réinterprétations plus ou moins cohérentes et conscientes qui conditionnent nos positionnements face à ce qui est ici et maintenant. Le Devenir peut être ressenti dans sa particularité. 

Par exemple, comme ce Devenir manifeste l'Être, il a des rythmes, des échos du surgissement dans l'actuel ou réciproquement : l'écoute de la musique est un bon exercice pour percevoir le Devenir dans sa différence avec le temps produit mentalement. Ou bien encore quand le souvenir est perceptuel à la façon de la madeleine de Proust et non conceptuel, nous revivons vraiment le temps passé présent et vivant ici et maintenant : le Devenir se révèle comme durée discontinue.

b - Le besoin d'Être de l'âme appelle une transformation non un changement de la personne.

Intégration :

Le néo védanta dénonce justement une confusion habituelle entretenue autour du désir de changer dans les milieux spirituels. Changer revient à perpétuer ce qui est déjà actuel. 

Dépassement :

Cependant changer n'est pas évoluer.
Perpétuer l'actuel n'est-ce pas réduire dans la Durée le renouvellement du Devenir ? N'y a-t-il pas en jeu ici la liberté  de CELA de développer un pouvoir de créer individualisé ?

L'évolution en jeu à travers le principe d'individuation direct du divin se joue dans le Devenir de nos personnes mais sans que ce qui est en jeu dans cette dimension du Devenir se distingue de ses autres dimensions. La dimension cosmique est forcément imbriquée à ce processus dans son Devenir c'est-à-dire dans sa structure de manifestation de CELA. Certes certaines influences environnementales semblent faire obstacle à l'évolution du point de vue individuel proprement dit. L'univers en tant que notre environnement produit des individualisations souvent illusoires, disions-nous, du point de vue du devenir authentique de notre véritable personne, de notre âme. Mais il y a là une dialectique puisque au fond l'univers manifestant le divin ne peut être contre l'individuation manifestant le divin. Sans les mots universels, je ne saurais exprimer de façon personnelle mon point de vue individuel par exemple. Dans cette tension entre l'universel et l'individuel dans le devenir évolutif est plutôt une tension entre des forces universelles qui nous enferment et nous limitent et l'aspiration à de nouvelles forces universelles qui nous libèrent. Cette tension s'abolit dans une monade où l'univers se transforme harmonieusement avec notre individuation parce que nos aspirations à la divinisations reçoivent en réponse une manifestation de nouvelles forces de conscience universelle qui facilitent la réalisation de notre aspiration. 




L'évolution n'est pas un accroissement du mental et une accumulation de savoirs comme certains récits humains le font croire. L'évolution de l'univers a toujours consisté dans de nouvelles façons de la conscience absolu de se percevoir dans sa propre manifestation. Chaque vie est au fond une tentative de l'absolu de se percevoir autrement. Notre mental humain est la façon qu'a l'absolu de se percevoir personnellement au risque de l'aveuglement égocentrique. Mais contre la vision cyclique de cette évolution ne pouvons-nous pas entrevoir un élargissement de l'individualisation qui aille à l'encontre de l'égocentrisme ?


A l'image du risque égocentrique de l'individualisation, la sensation phénoménale dans sa condition de possibilité elle-même qu'est la vie n'a t-elle pas pour prix l'accident biologique ? La douleur cherche à le limiter et la peur à l'anticiper. Nous avons dans notre vécu la perception directe de cette tendance de l'absolu à se réfléchir matériellement personnellement. Le mental est une manière subtile d'anticiper l'accident voire même de conquérir des environnements qui a priori mettait en danger notre corporéité. 



A propos de l'argumentaire 1:

Intégration:

Nous sommes d'accord avec le diagnostic des néo-védantins : la connaissance mentale reste trop indirecte. 

Dépassement :

Ce point d'ailleurs sépare en même temps paradoxalement l'évolutionniste et le néo-védantin : du point de vue d'un éveil évolutif radical les reconstitutions de la science mentale manquent le fait actuel et absolu de la conscience de la matière. Autrement dit il manque à l'évolutionnisme scientifique la reconnaissance de la Conscience comme condition de possibilité de la connaissance. Personne n'a jamais vu quoi que ce soit en dehors de la Conscience. 
Mais précisément l'éveil évolutif réinterprète l'évolutionnisme en fonction de cette donnée. Et il cherche à voir comment la matière consciente puisqu'elle est toujours manifestée comme une perception de la consciente peut évoluer.
Un éveil évolutif peut-il ne pas entrevoir au cœur même de la corporéité l'absolu qui cherche à se reconnaître ? L'affirmation que le vide est la forme et la forme le vide questionne l'éveil humain standard en tant qu'il ne parvient pas à saisir l'émergence du phénomène matériel lui-même. Répondre par le biais d'une critique voyant là un questionnement purement intellectuel n'est pas satisfaisant. Il y a un déficit de conscience dans la prise de conscience de CELA du côté de la matière qui stimule l'insatisfaction de l'âme qui aspire à évoluer et qui rend honneur au savoir mental matérialiste développé en Occident et qui a bouleversé le destin de l'humanité.

L'éveil s'est manifesté sur le plan mental comme conscience de la présence de CELA, il a peu à peu investi le cœur et notre monde émotionnel en devenant l'amour de CELA. Il peut rayonner dans notre monde pulsionnel et sublimer ces forces jusque là en grande part inconscientes. Ce rayonnement en profondeur de CELA dans sa manifestation distingue à l'évidence certains êtres éveillés des autres. A partir de là, ne peut-on pas envisager un éveil qui s'étendrait au soubassement physique du monde pulsionnel ?


Il n'y a rien en dehors de cette conscience-ci ici et maintenant mais c'est une monade. Une monade est une partie-tout en dehors de la quelle rien n'existe. Quand nous retrouverons untel nous apprendrons qu'il s'est passé telle chose que nous pourrons constater dans un prochain ici et maintenant et qui n'était pas encore manifeste dans cet ici et maintenant. A vrai dire tout est ici et maintenant, rien n'existe en dehors mais l’autocréation qui engendre le ici et maintenant nous échappe pour la plus grande part même si par des pressentiments et le développement d'une l'intuition intelligence du tout dans la partie, nous en y prenons part. Ceci explique les coïncidences significatives.
Il y a des cycles juxtaposés journaliers, personnels et civilisationnels mais ces cycles sont comme des vagues qui vont et viennent et crée à la fin un nouveau paysage. Le néo-védantin voit ces cycles mais il ignore ce qu'ils dessinent de neuf. L'évolution n'est pas le progrès. Un dinosaures dans sa conscience de CELA ne pouvait pas se représenter l'humain sinon déjà il aurait lever les yeux vers le ciel et aurait anticiper la menace de disparition qui pesait sur lui. CELA à travers le dinosaures avait une conscience de soi plus voilé qu'à travers l'homme sans être pour autant moins que CELA. A vrai dire le seul point de constance dans la réalisation de CELA à travers tous les êtres à travers lequel il se réalise est ce mouvement d'aspiration vers plus d'être. Sur ce plan les expériences spirituelles d'un enfant sont souvent plus authentiques que celles d'un adulte qui voyant davantage la vérité spirituelle ne se vit pas souvent dans cette aspiration, ce paradoxe de plénitude et d'insatisfaction qu'est le besoin d'être des étincelles d'existence de tout être.

















CONCLUSIONS:

L'expérience spirituelle peut être une forme de résistance à l'évolution. Les pensées traditionnelles (auxquelles les néo-vedantins se réfèrent souvent positivement) n'ont pas engendré par hasard ces religions qui ont généré tant de limitations de la créativité humaine tant en Occident d'ailleurs qu'en Orient. Les complicités de ces pensées traditionnelles avec les tentatives de rétablir des ordres hiérarchiques a contribué plus d'une fois aux catastrophes du XXème siècle. Nous évoquerons les liens du Zen avec le nationalisme japonais, la proximité de Julius Evola avec les fascistes italiens, celle du néopaganisme (celtique et germanique) avec le nazisme, etc. Aujourd'hui quand ce type de pensée ne tombent pas dans ces compromissions à cause de leur conceptions sociales hiérarchiques et antidémocratiques, il se font les chantres d'une forme de cynisme : le monde court à sa perte, l'évident intérêt grandissant pour la recherche spirituelle n'est qu'une nouvelle forme de matérialisme à la recherche de bien-être, etc.

Si tout ce qui est est une manifestation consciente de l'absolu, si vraiment cette manifestation est l'absolu, pourquoi devrait-elle échouer ? L'individuation est l'évolution de l'absolu vers sa perfection dans le détail et il faut bien que l'œil prenne conscience de ce qui peut s'améliorer pour tâtonner à la recherche d'une nouvelle façon de voir transformatrice. Cette transformation si elle est parvenue à son point de rupture implique la souffrance de ce qui lui résiste et donc de ceux qui n'ont pas la lumière de l'âme affleurant dans leur personnalité. Car seule cette lumière de l'âme assume l'insatisfaction devant la manifestation dans la foi et l'espérance d'une transformation victorieuse. L'âme ne peut pas craindre l'échec car elle est une étincelle éternelle d'aspiration de CELA en son cœur et elle dispose de l'expérience du temps éternisé (tempiternité disait Panikkar). 


Une spiritualité axée sur la vacuité, le pur témoin comme celle d'une certaine pratique du néo-védanta est une réalisation nécessaire sur le chemin d'un éveil évolutif. Cependant cette réalisation si elle satisfait celui chez qui elle s'est cristallisée pourrait très bien alors devenir inauthentique et en effet elle nie le besoin du Devenir qui selon nous caractérise l'âme. Au fond le néo-vedanta s'il se ferme à l'éventualité d'un éveil évolutif peut n'être qu'une forteresse mentale subtile entravant la transformation inéluctable en cours.

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