mercredi 11 septembre 2013

NECESSITE SPIRITUELLE DE LA TOLERANCE AU BLASPHEME. Insuffisance du traditionisme guénonien et force des spiritualités évolutionnaires du mouvement intégral.

PRÉAMBULE SUR LA NOTION DE TOLÉRANCE.
"La tolérance est une couverture intellectuelle pour masquer l’intolérance."
Jiddhu  Krishnamurti 

Si on suit le fil de l'expérimentation du mental proposée par Krishnamurti, on découvre que le propre du fait mental est de distinguer, de séparer, etc. Quand notre mental raffiné affirme la tolérance de manière volontariste, l'ombre de l'intolérance plane déjà. Pourquoi vouloir se faire tolérant si nous ne sommes pas intolérants ? C'est un peu comme se vouloir non-violent et nier toute violence en nous. Si nous étions non-violents, celle-ci ne serait pas affirmée comme effort volontaire. Krishnamurti dénonce toute prétention de changer par la force d'affirmation du mental. La pensée ne produit aucune transformation de notre naturel. Seul une observation de soi non mentale peut produire un dégagement des limites mentales. La tolérance tombe comme la non-violence dans ces limites mentales.

Seulement Krishnamurti nie qu'il y ait quoi que ce soit de la vie mentale qui puisse être préparatoire à l'éveil. En ce sens tolérer la vie mentale revient à justifier l'intolérance issue inexorablement de la vie mentale. Mais Krishnamurti revendique l'absence de maître en stipulant ainsi que son enseignement du sans maître est le seul valable. On peut être quelque peu sceptique devant une telle intolérance spirituelle. Être sa propre autorité n'empêche pas de se mettre à l'écoute d'enseignant dont l'enseignement d'abord reçu mentalement nous montre la faiblesse de notre propre autorité sur nous-mêmes. A vrai dire si la non-violence est inatteignable par le mental, l'éveil ne nous en approche-t-il pas ? De même la spiritualité réalisée ne pourrait-elle pas pour toutes les vertus être comme leur accomplissement impossible au seul stade d'existence mentale ?

Envisageons donc à nouveau la tolérance non réduite à une imagerie mentale mais comme possible idéal réalisable pleinement spirituellement. 

Nous remarquerons au passage que la tolérance n'est pas un droit. Ceux qui la réclament comme un droit  et s'affirment eux les victimes de l'intolérance œuvrent bien souvent pour justifier leur intolérance plus ou moins masquée. S'il faut un droit, la liberté de conscience paraît appropriée : l'intolérant la réclament peu et ne s'efforcent guère de la défendre pour tous puisqu'il prétend au nom de sa vérité limiter au final le droit des autres. 
Rabaut de Saint Étienne défendait la liberté de conscience qui permet de donner un statut d'égale dignité à des citoyens qu'ils soient chrétiens catholiques, chrétiens protestants ou juifs. La liberté de conscience prône l'égalité de droit par delà toute considération d'appartenance religieuse ou communautaire. Aujourd'hui que parmi les appartenances communautaires et religieuses s'adjoint l'islam, cette position ne semble pas claire pour beaucoup. Certains pensent que l'islam empêchent d'accepter la liberté de conscience d'autant que certains musulmans et d'autres se mettent à contester les lois qui protègent la liberté de conscience des juifs. Mais en fait il y a là deux fautes à l'égard de la liberté de conscience qui se veut une fraternité nationale par delà religions et communautés, fraternité qui peut s'enraciner dans des valeurs apprises et développées dans chaque communautés de valeur.
On notera aussi que le droit des homosexuels à fonder une famille ne diminue en rien le droit des hétérosexuels à fonder une famille. Invoquer la liberté de conscience pour s'opposer à un droit qui ne réduit en rien le nôtre paraît quelque peu déplacé. Mais certains estiment que ce droit au mariage des homosexuels est une menace pour le droit des enfants. Ils nous semblent oublier que la vie sexuelle des parents ou des éducateurs ne doit pas interférer avec le partenariat éducatif des parents ou des éducateurs. Rappelons que dans les orphelinats l'éducation n'est pas confondue avec la vie maritale des éducateurs, que l'adoption transcende la filiation biologique. Rappelons que les divorces nombreux induisent trop souvent un abandon relatif d'un parent même si parfois ayant divorcés sentimentalo-sexuellement, certains couples restent parents solidaires en ayant une autre vie sexuelle à côté (confirmant ainsi la distinction entre sexualité et filiation), etc. Rappelons que dans l'antiquité une culture aussi éminente que celle d'Athènes homosexualité et hétérosexualité étaient combinés dans l'éducation. Nos modèles d'éducation et nos modèles de procréation seront encore modifiés dès lors qu'un utérus artificiel sera possible autrement dit un œuf : rien n'interdira de procréer un enfant en dehors de tout attachement sexuel à un partenaire. On ne pourra pas invoquer la liberté de conscience pour limiter d'éventuels nouveaux droits à la filiation de plus en plus complétement déconnectés de la vie sexuelle. Si on renonce à la filiation comme droit, on peut commencer à définir qui a le droit ou non à la filiation et pourquoi ne pas interdire la filiation à ceux qui ont des vues traditionalistes sur la façon de faire des enfants parce qu'au fond ils veulent nous ramener à la filiation animale...

Ainsi sur le plan politique (au sens d'un vivre-ensemble pluraliste), le droit à la liberté de conscience est préférable à tout droit à la tolérance car cette notion de droit permet facilement de définir ce qui est intolérable, c'est-à-dire ce qui à terme menace vraiment la liberté et l'égalité de droit de tous les citoyens. La tolérance n'a de sens que comme idéal vertueux obligé de reconnaître aux autres leurs droits. Entendu ainsi la tolérance devient un idéal difficile puisque il y aura toujours quelqu'un dont nous aimerions voir les droits limités et parce que demeurant un idéal prisonnier d'un horizon mental il ne sera jamais réalisé.

En effet, la tolérance paraît souvent une concession faite à l'autre, ce qui n'est guère le propre d'une vertu. Tolérer ne semble pas alors accueillir l'autre en sa plénitude comme l'exige la conscience pure où toute personne est accueillie sans jugement.
Toutefois, si on introduit les notions de justice et de vérité, il nous faut admettre que nous devons concéder dans une certaine mesure de tolérer en nous ce qui n'est pas à la hauteur de notre idéal. Chercher la perfection spirituelle idéale nécessite de ne pas être perfectionniste.
Ainsi au final, il devient légitime et vertueux de viser à tolérer dans le discours de l'autre ou son propre comportement ce qui est contraire à une vérité vécue, à une justice éclairée mais qui ne nuit pas à la liberté de conscience.

La vertu de tolérance a donc deux niveaux. Elle est d'abord un préambule à la charité autrement dit la compassion ou la miséricorde si on considère un horizon culturel plus large. Cette charité s'exerce que ce soit vis-à-vis de nos défaillances ou celles des autres ou que ce soit plus simplement vis-à-vis de nos conceptions différentes de la vérité et de la justice dans la mesure où elles se veulent une expression plus précise de la liberté de conscience et de l'égale dignité humaine. Ensuite si la charité est présente, une vertu de tolérance prend un autre sens : cette vertu sourd alors de la bienveillance quand elle sait ne pas être complice ou se compromettre même si elle est compréhensive d'une défaillance ou d'un défaut.
I - UNE JUSTIFICATION SPIRITUELLE DE LA TOLÉRANCE PAR LE TRADITIONISME GUENONIEN. 

Dans nos sociétés libérales, le droit à la liberté d'expression et de conscience est perçu comme fondé sur la dignité des personnes. Ce droit ne peut subsister sans une vertu de tolérance vis-à-vis des expressions et des modes de vie qui ne mettent pas en cause directement ce droit.

Si on prend au sérieux l'existence d'une vérité spirituelle, comment envisager la vertu de tolérance et le pluralisme de nos sociétés libérales ?

René Guénon semble par son traditionisme rejeter la tolérance comme un vice relevant d'un comportement contradictoire : "Rien n'est moins tolérant en pratique que les gens qui éprouvent le besoin de prêcher la tolérance et la fraternité", dit-il. On pourrait y voir une communauté de vision avec Krishnamurti : la non dualité ne peut rien tolérer si elle est réalisée. Mais à y regarder de plus près ne vise-t-il pas ici aussi la tolérance comme vertu moderne qui s'avère bien souvent intolérante vis-à-vis des visions du monde jugées prémodernes ? Rappelons que la modernité a souvent justifié le colonialisme montrant clairement son intolérance malgré sa tolérance de surface. En fait la tolérance moderne a permis aux sociétés rongées par la décadence du religieux devenu force politique de prise de pouvoir meurtrier ou moralisme vide de ne pas sombrer complétement en neutralisant la violence idéologique et religieuse issue de cette décomposition.

Si on considère le lien premier entre religions et spiritualités, on peut remarquer qu'elles ont en majorité un contenu qui appelle au respect du prochain : charité chrétienne, compassion bouddhiste, paix musulmane, etc. Si comme par ailleurs le confirme Guénon il y a une source commune de toutes les religions authentiques alors celles-ci ne devraient-elles pas alors proposer une tolérance comme préambule à la découverte de leur unité transcendante ?

On peut refonder en traditioniste la tolérance sur l'idée d'une unité transcendante des religions. C'est ainsi l'option de Bernard Guillemain dans l'article Tolérance de L'Encyclopaedia Universalis. Cette unité des religions n'est plus d'abord d'ordre morale mais transcendante c'est-à-dire que l'exploration spirituelle qu'elles proposent dans leur diversité aboutirait à la réalisation ou du moins à l'éveil d'un état conscience identique. Une telle position rend relativement problématique le prosélytisme pourtant bien souvent affirmé dans certains textes sacrés .

A la suite de René Guénon de nombreux penseurs des religions et des chercheurs spirituels ont adopté ce point de vue d'une unité transcendante des religions. La diversité des dogmes religieux, des rituels, des mœurs est extérieure mais quand le fidèle se tourne vers l'intérieur de sa tradition religieuse, il peut être initié à une tradition spirituelle unique et découlant d'une seule source. Cette source est l'unique conscience dont les consciences individuelles sont des dérivations plus ou moins illusoires et cette source dans l'histoire humaine est une chaîne d'individus ayant réalisés être cela qui transmet les procédés de cette réalisation et essaie de la valoriser culturellement.

La pensée de Guénon offre donc les bases pour encourager une tolérance religieuse forte puisque basée sur l'idée que les diversités culturelles et religieuses prennent leur source dans l'existence même d'une tradition spirituelle unique qui s'adaptant aux contingences des histoires humaines a produit les grandes civilisations. Selon la perspective guénonienne, le choc des civilisations n'est nourri que par la perte d'influence de la vraie tradition, par la déconsidération de ce qui assurait sa vitalité au sein des civilisations qui entrent en conflit avec les autres. Redisons encore que Guénon n'a jamais souscrit au colonialisme sensé apporter le progrès à des peuples arriérés et dont les richesses spirituelles qui nourrissaient les résistances légitimes étaient alors combattues vigoureusement au lieu d'être louées hormis par de rares individus. Les politiques impérialistes ne rencontraient aucune considération de sa part.

II - JUSTIFICATION DE LA TOLERANCE COMME VERTU PLURALISTE DU POINT DE VUE SPIRITUEL INTEGRAL ÉVOLUTIONNISTE.

Mais la tolérance que le traditionisme guénonien peut promouvoir par delà les mises en garde de Guénon n'est guère compatible avec un pluralisme démocratique et le risque qu'est la promotion du droit à la liberté de conscience. En effet puisque ce qui est essentiel, selon les guénonistes, est la tradition primordiale et ses continuateurs alors les sociétés pour être équilibrées devraient s'organiser autour des tenants de celles-ci.
Tous les membres d'une population ne sont pas aptes au même degré à participer aux décisions concernant l'organisation sociale : seule une organisation hiérarchique garantit à une société de se bâtir axée sur l'essentiel qui peut lui donner l'équilibre le plus parfait. Dans des sociétés multiculturelles, on pourrait confier le pouvoir spirituel à un conseil des sages et il y aurait pour les questions temporelles un conseil spécifique que ces sages auraient purifié de toute corruption. Dans les milieux spirituels on trouve donc de nombreuses personnes qui pensent en ce sens.
Cependant on peut souscrire à une unité transcendante des religions d'une autre teneur. On peut partir d'une autre hypothèse que la tradition primordiale. Envisageons, par exemple, l’hypothèse d'une évolution de plus en plus consciente de la conscience. L'accès à la source de ce qui est et la manifestation de cette source dans les expériences spirituelles est à la fois l'accès à une même lumière intérieure mais aussi à une conscience de celle-ci plus ou moins développée ou plus ou moins intégrée à la vie terrestre. Dans cette hypothèse, la pluralité des traditions spirituelles renvoie donc simultanément à une unité transcendante mais pointe aussi une réelle diversité d'expériences spirituelles qui ne se ramènent pas à une seule et même réalisations. L'amour personnel des chrétiens n'est pas identifiable à la compassion impersonnelle, la dissolution de l'ego dans le Soi divin n'est pas identifiable à la croissance d'une âme autour de son étincelle divine, etc. La lumière divine émane dans tous les cas d'une unique lumière mais elle se révèle plus ou moins intégralement et selon des aspects que d'autres révélations ignorent. Pour prendre la mesure de ce dont on parle, on peut se référer à des expériences spirituelles enfantines et des expériences spirituelles d'adultes: ce poste porte sur ce point.

Il y a une unité des réalisations A, B, C mais aussi une diversité qui rend ces expériences non hiérarchisables.
Cette approche métaphysique induit la mise en cause d'un modèle hiérarchique et fonde métaphysiquement le pluralisme : il y a plusieurs chemins d'évolution spirituelle, de nouveaux peuvent surgir, il faut accepter que des réalisations diverses coexistent, etc. L'unité transcendante même si elle est réalisée ne justifie pas une hiérarchie puisqu'elle n'est jamais réalisée intégralement au niveau humain. Les réalisations de cette unité comprennent une diversité irréductible dont le pluralisme devient une expression naturelle.


III - LE DROIT AU BLASPHÈME NÉCESSAIRE A UNE SPIRITUALITÉ RECONNAISSANT L’ÉVOLUTION CONSCIENTE DE LA CONSCIENCE.
Enfin reste la question du blasphème. Penser la tolérance à partir d'un modèle traditioniste inspiré de Guénon ou à partir d'une vision évolutionniste de la conscience, ne permet pas le plus souvent de justifier une telle tolérance sur le plan spirituel. Le guénonien ou guénoniste plongé dans la société pluraliste concède la liberté d'expression mais estime que le blasphème s'inscrit la plupart du temps dans les forces anti-spirituelles de la modernité. Ce courant anti-moderne affirmera que permettre la blasphème revient à une dénégation de l'ouverture spirituelle qui fonde la tolérance préalable à la vertu spirituelle de charité. Le blasphème relèverait dans tous les cas d'une intolérance vis-à-vis des options spirituelles voire d'une atteinte à la dignité des personnes appartenant à des familles spirituelles. Y a-t-il à partir de là un écart insurmontable entre le monde spirituel et ce qui semble des droits élémentaires de la liberté d'expression quand on défend une égale dignité des personnes ?
Tout d'abord un chercheur spirituel authentique qu'il soit traditioniste ou moderne sera sensible au fait que la libération spirituelle implique un détachement de tout réflexe identitaire. Les réactions violentes devant ce qui est jugé comme un blasphème sont le signe d'un attachement identitaire loin d'une spiritualité profonde. Pour devenir un libéré vivant, un jivan-mukti, il faut se désidentifier de toutes ses identités ce qui implique de ne pas prendre mal un blasphème, de se laisser entraîner dans une passion triste.
Guénon dans Aperçus sur l'Initiation p.237 écrivait :
"Le vrai sage ne se lie à aucune croyance", parce qu'il est au-delà de toutes les croyances particulières, ayant obtenu la connaissance de ce qui est leur principe commun.
S'appuyant sur une distinction similaire, Jésus-Christ dans Les Évangiles nous proposait déjà un critère de distinction entre 2 catégories de blasphèmes : il y a des blasphèmes contre la religion (contre le Fils, dit-il) qui sont tolérables et il y a des blasphèmes contre l'Esprit (l'amour du prochain) qui ne le sont pas.

En Matthieu 12:31-32, Jésus dit aux Pharisiens,
"C'est pourquoi je vous dis: Tout péché et tout blasphème seront pardonnés aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera pas pardonné. Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné, mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pas pardonné, ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir" ( Traduction Louis Segond, accentuation ajoutée).

Une religion met en jeu une question de foi, une adoption de formes, de mœurs : on doit admettre le blasphème (du point de vue de cette religion) de celui qui s'y refuse librement en motivant son refus par des critiques. Du point de vue pluraliste, il n'y a là que liberté d'expression. Cependant on peut attaquer une religion et manquer d'amour en appelant à la haine contre ses membres : là commence le blasphème véritable du point de vue spirituel le plus authentique. La justice moderne d'un État pluraliste fonder sur la liberté d'expression et le respect de l'égale dignité peut condamner ces comportements sous le chef d'accusation d'incitation à la haine. Un aventurier spirituel authentique quant à lui se sentira d'abord appelé à lutter contre l'ignorance plutôt qu'à se scandaliser de ce qui semble blasphématoire vis-à-vis de sa démarche.

Il n'est pas certain non plus qu'il faille associer l’évolutionnisme spirituel de la conscience au rejet de tout blasphème religieux sous prétexte qu'il serait une marque d'intolérance. Il lui est souvent nécessaire de faire preuve d'intolérance contre les fanatiques obscurantistes. L'évolution spirituelle n'implique-t-elle pas de dénoncer la limite de certains modèles spirituelles ?

Sri Aurobindo, cet acteur incontournable su mouvement intégral évolutionniste, remarque subtilement :
L’athéisme est une protestation nécessaire
contre la perversité des Églises et l’étroitesse des crédos.
Dieu s’en sert comme d’une pierre
pour écraser ces châteaux de cartes souillés.
Évoluer n'est pas seulement progresser en intégrant les stades passés. Évoluer est aussi un saut, un dépassement : cela revient donc souvent à rejeter ce sur quoi on s'appuyait autrefois. Entre autres, la gangue religieuse des spiritualités s'avère aujourd'hui un obstacle au libre développement et à la libre exploration intérieure. Quand l'athéisme et l'agnosticisme blasphèment, ils libèrent souvent le champ d'exploration spirituel. Il faut être capable de nous moquer ou de laisser moquer notre attachement à certaines représentations spirituelles pour évoluer au lieu d'adorer. Car même si une ou des représentations spirituelles nous ont permis de passer un cap, s'attacher à elle devient parfois par la suite un obstacle. De nombreuses spiritualités vivantes se fossilisent en religions obscurantistes. Ce qui a pu servir une ouverture à un moment donné devient dès lors une fermeture. Tolérer le blasphème (vis-à-vis de sa croyance et des croyances en général) est donc spirituellement louable tant que le blasphème ne se transforme pas en stigmatisation des personnes se reconnaissant dans telle croyance religieuse et/ou spirituelle.
Un blasphème ou une approche nouvelle de la parentalité grâce à une réinterprétation religieuse ?
Interdire le blasphème islamophobe, christianophobe, bouddhistophobe, etc. pour éviter qu'on porte atteinte aux personnes reviendrait à condamner des approches spirituelles nouvelles qui dans leur exposé même ne peuvent être que blasphématoire du point de vue de ces religions.

Dans Le procès de l'homme qui disait qu'il était Dieu, Douglas Harding étaie ce point en faisant en partie œuvre de fiction. Il part de l'hypothèse d'une loi contre le blasphème et montre comment elle se retourne inévitablement contre une libre recherche spirituelle. Si vraiment notre nature véritable est divine, si nous sommes en tant que personnes, les fils de Dieu, nous serons accusés de blasphème par la plupart des membres de confessions religieuses. Douglas Harding nous le suggère p.14 et suivantes :
Quant aux clauses de la loi contre le blasphème (document interminable rédigé dans le jargon légal habituel), il me suffira d'en mentionner ici les points essentiels.
La loi est dirigée contre quiconque trouble l'ordre public en offensant les communautés religieuses, quel que soit le moyen utilisé : textes écrits, réunions publiques, émissions de télévision ou de radio, ou même en interpellant simplement les gens pour les influencer. Les opinions que l'on défendrait en privé, c'est-à-dire en famille ou entre amis de mêmes convictions, ne tombent pas sous le coup de la loi. Les débordements occasionnels non plus. L'infraction doit être répétée. Est considéré comme blasphème tout langage ou comportement injurieux adopté en public à l'égard de tout être, personne ou objet quels qu'ils soient, tenus pour sacrés par un nombre appréciable de gens. Ce qui comprend notamment le fait de prétendre être l'une ou l'autre des entités sacrées, mais aussi n'importe quel comportement risquant de choquer gravement leurs fidèles. En fait on peut se demander comment il est possible de rester innocent de ce crime tout au long de sa vie à moins d'être spirituellement moribond. [...] J'ai fait remarquer au juge que si j'ai atterri sur le banc des accusés, ce n'est pas à cause de les croyances, mais de mes doutes, parce que j'ai eu l'audace de remettre en question des dogmes et hypothèses rarement contestés; à cause de mon scepticisme débridé, selon l'expression employée, à juste titre, par certains de mes critiques.

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