dimanche 18 juillet 2021

LUCY DE LUC BESSON ET CONCEPTIONS DE L'IMMORTALITE. A la suite de Sri Aurobindo





Il suffit de retourner son attention de 180° et on aperçoit une dimension de ce que nous sommes qui est sans forme (immatérielle), sans borne (illimitée) et sans temporalité (éternelle). Nous sommes simultanément composé de temps et d'éternité puisque le sans forme, sans borne et sans temporalité imprègne toutes les formes, toutes les frontières et limites, toutes les temporalités.

La possibilité d'une immortalité est la considération de la possibilité d'un acte d'une durée perpétuelle. L'éternel n'est pas immortel en ce sens, puisqu'il est sans durée. 

Ramalingam est souvent mis en relation avec Sri Aurobindo et Mère dont le projet aurait été aussi de créer un corps immortel. On dit qu'en 1874, il aurait réussi à créer un corps de lumière à partir de la matière.
Les bouddhistes parlent de corps arc-en-ciel et quand Edelmann, le disciple de Desjardins, essaie de comprendre la résurrection de Jésus dans sa relecture des Évangiles, il la relie à ce fameux corps arc-en-ciel.

Personnellement, je serai enclin à chercher à comprendre la recherche d'un corps de lumière ou arc-en-ciel à partir de la tradition alchimique chinoise basée sur une transformation du corps subtil en lequel se résorberait le corps matériel ou du moins une transformation rendant ce corps subtil indépendant du corps matériel.

Il est à noter que le corps de lumière dont il est question n'est donc pas forcément une conscience directe de la matière. 

Notre corps subtil a des incidences sur le fonctionnement organique : l'acupuncture a été testée scientifiquement comme efficace or elle est le produit d'une connaissance interne du corps subtil ; les aiguilles sont enfoncées précisément là il n'y a aucun nerf comme des carrefours de vide de matière où circule une énergie dont on peut devenir conscient. Jusqu'où peut aller la prise de conscience du corps subtil pour éventuellement avoir prise sur le destin physique du corps matériel ou du moins rendre le corps subtil libre de son support matériel ? Tant que les deux restent unis ne serait-ce  que par un fil nous n'avons aucune certitude de la persistance à long terme du corps subtil hors du corps physique.

La science montre que la structure matérielle commandant à la destinée de notre corps physique implique en l'état sa mortalité. Le corps subtil peut-il exister en dehors du corps matériel nous allouant ainsi un corps spirituel nous permettant de garder les contours d'une individualité dans une vie postmortem ? De nombreux récits d'expériences de mort imminente tendent à attester la persistance d'un corps subtil postmortem indépendant du corps matériel mais comme il y a un retour dans le corps physique cette persistance momentanée peut-elle suggérer une véritable immortalité individuelle ?

Tout ceci peut sembler bon pour des gogos en mal de salut personnel et en manque de croyances merveilleuses. Quel est l'intérêt même de ces réalité du point de vue d'un abandon complet de toute demande égocentrique pour le seul alignement dans la lumière spirituelle ? Les magiciens ou les sorciers contrôlent peut-être avec leur ego des forces occultes qui leur donnent une réelle puissance sur les autres mais ce pouvoir égocentrique n'est-il pas une négation plus ou poins subtile du spirituel ?

Premièrement, je ne vois rien de spirituel si le point de vue égocentrique désirant une existence immortelle n'est pas complétement dépassé. Un ego qui ne veut pas accepter de mourir à travers la mort éventuelle du corps est-il entièrement soumis au divin ? A-t-il renoncer à tout point de vue anthropocentrique ?

Deuxièmement, ce premièrement doit être relativisé si la mort de l'ego n'est pas du même ordre que la mortalité physique. Pour l'alchimie taoïste la réussite dans l’établissement d'un corps d'immortalité nécessite de s'unir au tout et à la transcendance. La dimension égocentrique serait donc amenée à se dissoudre par l'élargissement même de la quête d'immortalité.

Beaucoup de lecteurs de Sri Aurobindo et Mère passent à côté de ce prérequis spirituel : ce qui se fait, se fera ou pourrait se faire ne relève pas de  nos intentions égocentriques, seul l'abandon complet au divin compte d'abord. Si notre chemin passe par le fait de mourir, pourquoi ne pas s'abandonner à ce chemin ? Pourquoi la mort serait-elle un échec prouvant définitivement l'inanité de l'immortalité subtile ou physique ? Aurait-on réussi à voler en avion si on avait conclu de tous les échecs précédents que ceci était impossible ? Quand la science commence à considérer que l'allongement de la vie humaine à plus de 300 ans n'est pas utopique en envisageant des modifications biologiques, la découverte d'une immortalité physique par la voie spirituelle est-elle à rejeter comme irrationnelle et infantile ? 

Ne vaut-il pas mieux simplement trouver une voie pour s'abandonner au divin en mettant cette question entre parenthèse ? Si le chemin spirituel met en jeu un chemin évolutif vers une forme d'immortalité physique, cet abandon n'est-il pas plutôt un prérequis ?


Pour prolonger ces questions voici un extrait significatif de Sri Aurobindo  dont la pensée a été souvent caricaturée sur ces questions :




"La triple immortalité

Cette conception de la Personne et de la Personnalité, si nous l'acceptons, doit dès lors modifier nos idées courantes sur l'immortalité de l'âme ; car normalement, quand nous affirmons que l'âme ne meurt pas, nous voulons dire que survit après la mort une personnalité définie et immuable qui était et restera toujours la même pour l'éternité. C'est pour le « je » très imparfait et superficiel du moment, considéré évidemment par la Nature comme une forme temporaire qui ne vaut pas la peine d'être conservée, que nous exigeons ce droit prodigieux à la survie et à l'immortalité. Mais cette exigence est extravagante et ne peut être satisfaite : la survie du « je » du moment ne peut être admise, que s'il consent à changer, à ne plus être lui-même mais un autre, plus grand, meilleur, plus lumineux en connaissance, se modelant davantage sur l'image de la beauté intérieure éternelle, progressant de plus en plus vers la divinité de l'Esprit secret. C'est cet esprit secret, cette divinité du Moi en nous qui ne périt point, parce qu'elle est non-née et éternelle. L'entité psychique au-dedans qui la représente, l'individu spirituel en nous est la Personne que nous sommes; mais le « je » du moment, le « je » de cette vie-ci n'est qu'une formation, une personnalité temporaire de cette Personne intérieure, c'est l'une des, nombreuses étapes de notre changement dans l'évolution, et elle ne sert son dessein véritable que quand nous la dépassons pour aller vers une étape ultérieure qui nous rapproche d'un plus, haut degré de conscience et d'existence. C'est la Personne intérieure qui survit à la mort tout comme elle préexiste à la naissance; car cette survie constante est une traduction, en termes de Temps, de l'éternité de notre Esprit intemporel.
 Ce que nous exigeons normalement, c'est une survie similaire de notre mental, de notre vie et même de notre corps : le dogme de la résurrection du corps témoigne de cette dernière exigence qui a été aussi à l'origine de l'effort de l'homme, à travers les âges, pour découvrir l'élixir d'immortalité ou des moyens magiques, alchimiques ou scientifiques de vaincre physiquement la mort du corps. Mais cette aspiration ne pourrait se réaliser que si le mental, la vie ou le corps pouvaient revêtir une part de l'immortalité et de la divinité de l'Esprit qui demeure au-dedans. Dans certaines circonstances, la survie de la personnalité mentale extérieure qui représente le Pourousha mental intérieur serait peut-être possible. Elle pourrait se produire si notre être mental venait à être si puissamment individualisé à la surface, si uni au mental intérieur et au Pourousha intérieur et, en même temps, si souplement ouvert à l'action progressive de l'Infini que l'âme n'aurait plus besoin de dissoudre l'ancienne forme du mental et d'en créer une nouvelle pour progresser. Seules une individualisation, une intégration et une ouverture similaires de l'être vital à la surface rendraient possible une survie similaire de la partie vitale en nous, de la personnalité vitale extérieure qui représente l'être vital intérieur, le Pourousha vital. Ce qui arriverait en réalité, c'est que le mur entre le moi intérieur et l'homme extérieur serait abattu et l'être mental et vital permanent, représentant mental et vital de l'entité psychique immortelle, gouvernerait la vie au dedans. Notre nature mentale et notre nature vitale pourraient alors être une expression progressive continue de l'âme et non un lien entre des formations successives dont l'essence seule est conservée Notre personnalité mentale et notre personnalité vitale subsisteraient alors sans dissolution de naissance en naissance; elles seraient alors, en ce sens, immortelles, survivraient en permanence, continues dans le sens de leur identité. Ce serait évidemment une immense victoire de l'âme, du mental et de la vie sur l'Inconscience et les limitations de la Nature matérielle.,
Mais une telle survie ne pourrait durer que dans le corps subtil; l'être devrait encore se défaire de sa forme physique, passer dans d'autres mondes et, à son retour, revêtir un nouveau corps. Le Pourousha mental et le Pourousha vital éveillés, conservant l'enveloppe mentale et l'enveloppe vitale du corps subtil qui sont habituellement abandonnées, retourneraient avec elles dans une nouvelle vie et conserveraient le sens vif et soutenu d'un être mental et vital permanent constitué par le passé et continuant dans le présent et l'avenir; mais la base de l'existence physique, le corps matériel ne pourrait être conservé même par ce changement. L'être physique ne pourrait durer que si, par certains moyens, ses causes physiques de déclin et de désintégration pouvaient être surmontées et qu'en même temps il pouvait être rendu assez souple et progressif dans sa structure et son fonctionnement pour pouvoir répondre à chaque changement exigé de lui par le progrès de la Personne intérieure; il devait être capable de marcher du même pas que l'âme dans la formation de la personnalité qu'il exprime, dans le long déploiement d'une divinité spirituelle secrète et dans la lente transformation du mental en divine existence mentale ou spirituelle. Cet accomplissement d'une triple immortalité : immortalité de la nature complétant l'immortalité essentielle de l'Esprit et la survie psychique à la mort, pourrait bien être le couronnement de la renaissance et une indication capitale de la conquête de l'Inconscience et de l'Ignorance matérielle jusque dans les fondations mêmes du règne de la Matière. Mais la véritable immortalité serait malgré tout l'éternité de l'Esprit : la survie physique ne pourrait être que relative, interrompue à volonté, signe temporel de la victoire de l'Esprit ici-bas sur la Mort et la Matière.

Même si la science — physique ou occulte — parvenait à découvrir les conditions ou les moyens nécessaires à une survie indéfinie du corps, mais que par ailleurs le corps ne pouvait s'adapter suffisamment pour devenir un instrument d'expression approprié de la croissance intérieure, l'âme trouverait une manière de l'abandonner et de passer à une nouvelle incarnation. Les causes matérielles ou physiques de la mort ne sont ni sa vraie ni sa seule raison d'être : sa vraie cause intrinsèque est qu'elle est spirituellement nécessaire à l'évolution d'un être nouveau.",

Sri Aurobindo, La Vie Divine, Chapitre XXII : La renaissance et les autres mondes: le karma, l'âme et l'immortalité.

Avec les scientifiques, il semble que si la prolongation de la vie physique s'avérait, ce ne serait certainement pas avec ce corps actuel que nous atteindrions cet objectif puisque ce corps assurément vieillit. De nombreuses formes de vie monocellulaires s'usent mais ne sont pas programmées de manière physiologique pour mourir. Un organisme multicellulaire pourrait ne plus être programmé de manière interne pour mourir, il pourrait être programmé pour se renouveler indéfiniment à l'image de ces monocellulaires non déterminés à mourir. Cependant ce progrès vers l'immortalité ne surmonterait pas la mortalité due à l'accident. Surmonter l'accident supposerait de devenir une conscience de l'univers matériel capable d'infléchir son processus global. Être conscient des pensées permet de les infléchir voir de les résorber, être conscient directement des émotions et non plus indirectement par des symptômes corporels ou des pensées permet de les maîtriser authentiquement, enfin être conscient de son corps subtil peut permettre une certaine maîtrise organique. La conscience organique est-elle la limite de la conscience directe ou bien la conscience spirituelle (nature naturante) se manifestant au cœur de sa manifestation (nature naturée) ne pourrait-elle franchir ce voile et devenir conscience cellulaire directe ?
Continuant à progresser dans cette prise de conscience spirituelle de ce qui nous détermine, ne pourrions-nous pas devenir conscient des jeux de forces matérielles au sein de cette conscience cellulaire ? En être conscient directement ne permettrait-il pas de les infléchir ?

Le film Lucy de Luc Besson pose remarquablement ces questions. 


Même si le thème de pourcentage d'utilisation du cerveau qui traverse tout le film est non scientifique ou si l'utilisation "alchimique" d'une drogue semble un moyen pour le moins discutable, on prend conscience que la conscience de plus en plus directe et profonde de l'environnement amène une divinisation de l'héroïne.

Image tirée de Lucy de Luc Besson

Qui sommes-nous réciproquement pour faire fi du mystère de l'expérience du divin en laquelle peuvent très bien habiter des possibilités inimaginables pour un être humain mental et seulement rationnel ? Il y a une prétention à limiter le possible caché au sein du mystère divin qui en est une subtile négation. Toute forteresse mentale qui de ce seul point de vue proclame une soumission du divin à son rationalisme ou à ses vues risque d'être fort dogmatique. Pourquoi ce qui est racine de ce qui est ne pourrait pas être autrement qu'il n'est ou a été ? Pourquoi ce refus de l'imprévisible, du nouveau, etc. ?

Niranjan Guha Roy, un disciple de Sri Aurobindo et Mère donne ici un chemin de conscience où l'on comprend que la purification de soi libératrice de toute souffrance comprend aussi une transformation du corps. Une participation de plus en plus consciente à une évolution biologique :



Les êtres de l'avenir selon Niranjan Guha Roy

Au sujet de la transformation


La conscience humaine doit être sublimée, transformée et remplacée par la conscience spirituelle et divine. La souffrance est un attribut intrinsèque inséparable et  substance même de la conscience humaine normale. C’est-à-dire que tant que nous sommes humains avec la conscience humaine, la souffrance est inévitable. Le vrai bonheur, l’ananda, est un attribut, un principe dynamique intrinsèque et substance de la conscience spirituelle divine. La joie inconditionnelle, pure, toujours présente, lumineuse est inhérente à la conscience spirituelle divine, sa  substance même. C’est seulement par la découverte de la conscience divine et par l’union graduelle et progressive avec le Divin que nous devenons libres de la souffrance une fois pour toutes. La souffrance est le résultat inévitable et la conséquence de tous nos attributs humains inférieurs, des qualités et des actions et des mouvements non éclairés de la conscience mentale et vitale. Les désirs, la recherche et la satisfaction de plaisirs, l’avidité, la jalousie, l’ambition, la recherche du pouvoir,  position et renom, le mensonge, l’affirmation de soi, la colère, la cruauté, la violence, tous ces éléments sont les attributs naturels de la conscience humaine et ils ne peuvent pas être éliminés ou supprimés, contrôlés par l’effort vital, mental seul. Par des pouvoirs spirituels et une conscience  spirituelle élevée, ils peuvent être  raffinés, contrôlés, mais pas éliminés. C’est seulement la grâce de la Mère Divine, la conscience supramentale divine qui a le pouvoir absolu de les transformer en sa propre substance  de force, d’ananda, et  unité inaliénable.
L’homme doit devenir divin pour être entièrement libre de la conscience mentale, vitale et de ses attributs naturels. Pour être entièrement divin,  on doit diviniser non seulement son mental et son vital mais son corps aussi. Même si nous atteignons la paix spirituelle et des réalisations les plus hautes, notre corps reste sujet à la souffrance, la soif, la faim, la maladie, la décomposition et la mort. Nous pouvons trouver dans les Vedas de telles constatations. Ainsi, pour être vraiment heureux, nous devons avoir un corps libre de douleur, soif, faim, fatigue, maladie et dégénération et de la mort si possible, au moins, d’une mort accidentelle, imposée. La mort doit devenir un acte volontaire de l’âme, non imposée. C’est là que le yoga de la Mère et Sri Aurobindo diffère fondamentalement de la spiritualité traditionnelle en Inde et ailleurs. C’est parce qu’on n’a pas pu trouver une manière de diviniser le mental, le vital et surtout le corps que l’illusionnisme a été adopté, ce qui a complètement paralysé la vie et finalement tout effort spirituel.
Pour être vraiment heureux, nous devons avoir un corps divin, transformé radicalement en sa forme et fonction, en sa substance même et constitution. Quelques yogas ont essayé de réaliser l’immortalité physique. L’ Egypte antique a tenté de trouver le secret d’immortalité physique. En Grèce, il y avait une tentative de trouver la perfection physique, la beauté et l’harmonie. En Inde, Chine et au Japon, il y a eu les tentatives diverses de prolonger la vie du corps par des moyens physiques et spirituels, particulièrement en apportant un calme universel, tranquillité et paix dans le mental, le vital et le corps. L’homme rêve toujours d’un corps glorieux immortel mais nous constatons que dans toutes ces tentatives il n’y a aucune conception de transformer le corps  et ses fonctionnements, mais seulement une tentative de prolonger la vie de ce corps tel qu’ il est, probablement avec un peu de raffinement dans ses actions, réactions et fonctions. La Mère et Sri Aurobindo nous disent que si nous pouvons être en contact avec la conscience divine au-delà du mental, la conscience de vérité supramentale et nous ouvrir à la Shakti divine supramentale, alors celle ci transformera graduellement notre mental, vital, et finalement notre corps en un mental divin, une vie divine et un corps divin. Puisque nous sommes des âmes incarnées, c’est-à-dire que notre âme,  mental et  vital sont exprimés et manifestés dans un corps, le corps lui-même est l’expression de l’âme, du mental et du vital dans l’évolution. Ainsi, si nous pouvons  ouvrir le corps directement à l’influence et au pouvoir de la conscience divine, le corps sera nécessairement transformé quoique graduellement et extrêmement lentement par la descente de cette conscience plus élevée en lui. Le mental et les facultés vitales sont les attributs du corps présent et si la force de transformation de la Shakti divine entre dans le corps, ils seront aussi  nécessairement transformés. Le mental et le vital dans l’homme étant plus proches de la substance subtile de la conscience divine peuvent subir une transformation relativement rapide. Le corps quoiqu’il soit plus réceptif a été construit sur une base si solide et stable, que la transformation peut prendre des siècles. Une fois commencé le processus ira  au résultat final inévitablement, si c’est le destin de l’âme individuelle.
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Niranjan Guha Roy


Tableau de Niranjan Guha Roy

 

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