vendredi 24 novembre 2023

EXPERIMENTATIONS DE LA PRESENCE DE LA LUMIERE SPIRITUELLE Avec Douglas Harding

Toutes les expérimentations spirituelles qui suivent ont été initiées
par Douglas Edison Harding (1909-2007)


LIVRONS-NOUS A DES EXPERIENCES POUR DECOUVRIR LA LUMIERE SPIRITUELLE QUI NOUS FERA VIVRE EN PLENITUDE.                       

AUTHENTIQUE, LA FOI OU LA CONFIANCE EN UNE SCIENCE SPIRITUELLE PEUT NOUS AIDER A EXPERIMENTER INTERIEUREMENT LA VIE UNIVERSELLE. CECI NOUS METAMORPHOSERA DE CHERCHEUR EN TROUVEUR ET EXPLORATEUR.

Oui, mettons nos croyances entre parenthèses et osons une expérience d'ouverture spirituelle.

On peut nourrir et développer progressivement notre confiance en la vie et donc notre foi spirituelle (on pourra consulter sur la question de la foi cet article en cliquant ici). Cependant, sans une expérience directe de la vie universelle, cette confiance ou cette foi demeurera dans l’ombre de nos croyances de chercheurs spirituels. Notre pari mettant en jeu une foi spirituelle surmoderne s’adresse à des aventuriers qui soient des trouveurs et des explorateurs. 

Ci-dessous une esquisse de ce qui distingue dans une évolutions des mentalités dans la ligne des travaux de Fowler, Grave, Beck et Wilber une foi surmoderne :

Cliquez sur l'image pour la voir en détail

Ayons l’audace de regarder en nous d’où la vie surgit et s’accueille. Tout en nous appuyant sur notre sens d'être notre propre autorité, essayons-nous à distinguer la présence de la vie universelle en nous. Il n’y a pas de sciences sans expérimentation testable. Mais la science spirituelle est aussi un art, avons-nous dit précédemment. Ce que cette science proposera sera autant de l'ordre d'une transformation de notre relation à la vie, qu'une expérimentation.

En sciences, les faits importent plus que les convictions. L'observation des faits à l'aide de protocoles d'expérimentation est centrale. Ici, nous avons en vue des faits intérieurs à notre vie qui ne sont pas assimilables à notre seule vie psychologique personnelle. Il s’agit pour nous d’avoir foi dans ces faits. Ce sont des croyances qui nous empêchent d’en voir l’évidence et qui nous indisposent à en saisir la valeur infinie. Nous sommes donc à la recherche d'un œil spirituel en nous, qui permet de voir intérieurement au lieu de seulement penser ou croire.

Les meilleurs scientifiques parlent d'idées intuitives qui les saisissent, élargissent et bouleversent leur conscience d'une problématique de recherche, alors que leur seule volonté rationnelle ne la surmontait pas. Ces idées intuitives sont une vision éclairante qui embrasse les faits observés et la manière de les concevoir, permettant ainsi de nouvelles représentations théoriques intellectuelles. L’histoire des sciences, avec ses théories et ses expérimentations, peut donner à penser que de nombreux génies scientifiques font l’expérience d'un troisième œil au-delà de l’œil de l’intellect et de l’œil du sensible.

Mais penser que d’autres ont cette expérience ne nous suffit pas. Au contraire, ceci nous motive à découvrir une sorte d’intuition intellectuelle par laquelle prendre conscience, à volonté, de la présence de cet œil spirituel. Un tel œil développerait la capacité d'une saisie intuitive d'une présence de la vie universelle en nous, et autour de nous, par-delà la conscience réduite de notre vie individuelle. Il couronnerait le développement de la buddhi ; il éclairerait sa réflexion.

Toutefois, comme nous l’avons dit précédemment, celui en qui s’expérimente un fait intérieur doit se maintenir par la foi et la confiance dans le processus transformateur qui en découle. Cet œil spirituel n’embrassera pas en une fois toutes les ombres et les demi-vérités de nos vies humaines. Se mettre dans sa lumière exigera une confiance, malgré les ruses des vieilles mécaniques ego-centriques. L’apprenti(e) surmoderne s’attendra aussi à des mécaniques mentales, émotionnelles, pulsionnelles, etc. résistantes à l’impulsion évolutive de la vie universelle. Si la vie rencontre un obstacle évolutif majeur aujourd’hui, c’est bien à cause de mécanismes du vieil homme que nous répétons. L’aventure qui mènera à faire face à ces mécanismes tapis dans l’ombre nécessite confiance, foi et aspiration, autant que stabilité de la présence de l’œil intérieur.

 

L'œil de chair a besoin de la lumière matérielle pour voir. L'œil de l'intellect qui embrasse ses représentations et sent les idées les animer a aussi une luminosité spécifique nécessaire à sa vision.

Notre quête d’un œil spirituel est la recherche de la lumière propre à l’intuition du réel.

Cette lumière spirituelle serait une lumière au-delà des lumières de l’intellect et des lumières des sens.

Ces trois types de lumières ont d’ailleurs été distingués au sein des diverses traditions spirituelles religieuses ou philosophiques, ainsi que par des individualités isolées[1].

La tradition hindoue[2], les taoïstes[3], les bouddhistes[4], la tradition musulmane[5], la tradition chrétienne mystique[6] et les philosophies platoniciennes[7] nous invitent, en effet, à distinguer ces trois lumières :

- la lumière sensible (1),

- la lumière intellectuelle (2),

- la lumière spirituelle[8] (3).

La lumière sensible (1) nous donne à voir le visible, l'audible, le tangible, etc., mais aussi le désir et l’émotion.

La lumière intellectuelle (2) est celle propre à nos pensées. On notera qu'elle est beaucoup plus transparente que celle du sensible sur laquelle elle s'appose bien souvent. Par exemple, dans mon champ de perception, l'écran ou le livre ainsi que d’autres choses sont implicitement pensés comme tels. Où que je tourne mon attention autour de moi, chaque chose ou presque est ainsi automatiquement nommée mentalement ou reliée à une idée. La lumière intelligible (2) recouvre donc tout ou presque ce qui surgit dans la lumière sensible (1).

Nous reconnaissons en général assez facilement les lumières sensibles (1) et intelligibles (2).

Quelques expérimentations seront sûrement appropriées pour que se distingue ce que nous appelons la lumière spirituelle (3). A la suite des grandes traditions religieuses ou des écoles de sagesses philosophiques, nous faisons le pari qu'un aperçu de cette lumière (3) peut occasionner un élargissement de notre expérience de la vie, jusqu’à présent plus ou moins réduite à une vie individuelle. Notre pari est que voir à partir de cette lumière (3), ne serait-ce qu'un instant, met en jeu une prise de conscience de la vie universelle en nous.

Avant de vous convier à ces expérimentations intérieures, j’aimerais juste en préciser la provenance. Elles sont le fruit de l’aventure spirituelle de Douglas Harding, sage et philosophe anglais, né en 1909 et mort en 2007. Je tiens à dire toute ma gratitude personnelle pour son enseignement et pour ceux de ses amis qui continuent, comme moi ici, à partager ses découvertes.

Avant de commencer à pratiquer ces expérimentations, je tiens aussi à vous redire, une fois encore, que vous seul pouvez voir et non plus penser. Vous seul, donc, pouvez constater si ce que pointe ces expérimentations se voit ou non en vous.

 

EXPERIMENTATION INTERIEURE 1

Mettons-nous en présence de tout ce que nous percevons. Il y a des perceptions sensibles, toutes entières composées de lumière sensible (1). Il y a des perceptions mentales, toutes composées de lumière intellectuelle (2). Il y a des perceptions qui associent lumière sensible (1) et lumière intellectuelle (2).

Mettons-nous en présence de tout le champ de perception sans nous focaliser autrement que sur ce qui permet en nous cette ouverture au champ de perception. Si nous percevons la lumière propre à cette ouverture, nous percevons la lumière spirituelle (3).

Ces indications pourtant traditionnelles sembleront insuffisantes à beaucoup, voire obscures. Nous espérons au moins avoir piqué la noble curiosité portée par le besoin de comprendre. Les deux expérimentations qui suivront approcheront sous d’autres angles cette distinction entre diverses lumières de notre vision intérieure.

Dans Ouvrir nos canaux d'énergie par la méditation, dès les premières lignes de son introduction, Jacques Vigne donne de précieuses indications sur ce que nous entendons par « une ouverture à tout le champ de perception » :

« Les chercheurs en neurosciences ont montré que l'expérience de méditation profonde est liée à une stimulation du centre permettant de percevoir l'espace pur et à une inhibition de celui des obstacles. De fait, avant même ces découvertes, il suffisait déjà de lire la littérature spirituelle pour s'apercevoir qu'une des comparaisons les plus fréquentes pour évoquer les grandes expériences spirituelles était celle de l'espace sans limite ni compartimentations. »

 

Avant de reprendre sous d’autres angles notre expérimentation intérieure 1, on peut commencer par revenir aux expérimentations intérieures proposées auparavant. Au fond, toutes nos expérimentations intérieures sont aussi des exercices spirituels qui visent l’expérience la plus profonde de la méditation. Cependant, pour approfondir spécifiquement l’expérimentation intérieure 1, nous proposons deux autres expérimentations intérieures, qui la reprendront sous des angles particuliers et, nous l’espérons, plus précis. Dans l’expérimentation intérieure 2 qui va suivre, nous nous appuierons d’abord sur le sens de la vue. Dans l’expérimentation intérieure 3 qui viendra ensuite, nous écarterons volontairement le sens de la vue.

 

EXPERIMENTATION INTERIEURE 2

Essayons de repérer cette ouverture intérieure dans la contemplation de tout l’espace, qu’il soit intérieur ou extérieur à notre individualité. La difficulté est de ne pas installer nos limites et nos compartimentations dans cet espace pur où tout apparaît. Dans une promenade, il suffit de trouver le bon promontoire pour que tout le paysage s’y présente de lui-même. Il s’agit ici de trouver au moins un bon geste intérieur pour que se trouve le point de vue où se contemple cet espace où tout paraît.

Il existe quelques critères pour tester si vraiment il y a une attention à tout le champ de perception. Par exemple, si nous y sommes attentifs, devant nous, nous avons alors 180 degrés de champ visuel visible, 360 degrés de champ auditif ou tactile. Autre point essentiel, si nous y sommes attentifs, nos pensées, nos idées, nos émotions et nos pulsions s’inscrivent dans cet espace pur. L’espace pur du champ de perception n’est pas à côté, en face ou à distance de ces éléments qui composent notre vie subjective. Les composantes sensibles et intellectuelles de notre vie subjective apparaissent dans l’espace pur du champ de perception. Ces composantes, au sein de cet espace, sont sans réelles compartimentations avec les perceptions du monde. Au niveau de nos perceptions, il n’y a pas de séparation entre l’intérieur de notre esprit et l’extérieur du monde. 

Ces critères éparpillés font peut-être beaucoup de données à maîtriser simultanément. Nous proposerons donc d’observer quelque chose s’apparentant au schéma qui suit. Vu qu’il est difficile de représenter l’idée, la pensée ainsi que le son et plus encore l’odorat, le toucher ou le goût, ce schéma en donnera une représentation d’ensemble[9] surtout basée sur le visible :

Comparez votre point de vue ici et maintenant avec celui proposé par ce schéma symbolique. Plus vous verrez l’ensemble des similarités avec votre point de vue ici et maintenant, plus vous aurez de chance que se voit l’espace pur où tout apparait. Vous n’avez plus alors qu’à y repérer l’ouverture au champ de perception.

Soyons attentifs à tout le champ de perception. Nous avons devant nous un champ visuel de lumière sensible (1) ouvert à environ 180 degrés. Nous avons aussi le champ mental de lumière intellectuelle avec quelques expressions de pensées (2). Tout ceci apparait dans une ouverture non mentale et non sensible[10].

Pour reconnaître cette ouverture proprement dite dans laquelle tout le champ de perception apparaît, il ne faut pas que notre attention soit exclusivement tournée vers l'extérieur devant nous, il faut aussi la retourner au-dedans de nous vers l’intérieur du champ de perception[11].

Ce second schéma propose ce retournement de l’attention à l'aide d'un doigt pointé vers le dedans de nous-même :


Si, de même, nous pointons notre doigt vers nous, qu'est-ce qui est pointé ? Devant nous, nous avons 180 degrés de champ visuel visible composé de lumière sensible (1) ainsi que le champ mental composé de lumière intellectuelle avec quelques expressions (2). Ce qui est devant nous n'est pas ce que nous voulons pointer par notre doigt. De l’autre côté du champ visuel, dans la direction indiquée par le doigt (3), il n’y a rien de visible. Toutefois, ce rien de visible pointé par ce doigt n'est pas exactement rien et la nuance est essentielle : regardez de nouveau, ce rien n’est-il pas conscience de rien ? Décrivons-le en y restant attentif. N'est-il pas aussi une transparence sans forme, un espace clair et transparent ? Une claire transparence n’est-elle pas une espèce de lumière ? Ne s’agit-il pas de la lumière de notre intériorité, de la lumière spirituelle (3) ?

En pointant du doigt ce par quoi se voit le champ visuel et nos lumières mentales, il y a comme un retournement de l’attention. Revenons à ce que ce retournement de l’attention révèle du champ de notre perception. Sa présence a-t-elle les traits d’une chose ? Sans couleur, sans forme, sans indication temporelle, n’est-ce pas absolument sans les caractéristiques d'une chose ? N'est-ce pas une « non-chose » ?

Pour que cette réalité se perçoive, il nous suffit de pointer du doigt la dimension invisible de notre champ visuel, là où son invisibilité est aisément perceptible. Regardez à la fois devant vous et au-dedans de vous. N'est-ce pas le même espace où tout paraît, tout s’accueille ? N’émerge-t-il pas d’une ouverture intérieure ? A quoi ressemble-t-elle ? Cette réalité invisible, transparente et sans forme n’est-elle pas ce qui englobe toutes nos perceptions sensibles (1) et intellectuelles (2) ? Avec le mouvement intérieur de l'attention que soutient ce geste de pointer le doigt, se découvre une troisième forme de lumière (3). Elle n’est ni celle propre au sensible, ni celle propre à la pensée. Cette lumière est plus claire et transparente que la lumière du jour ou la lumière des pensées. 

EXPERIMENTATION INTERIEURE 3

L’expérimentation précédente a proposé d’accéder à l’expérience de la lumière spirituelle (3) surtout par le biais du sens de la vue. Qu’en est-il quand on ne dispose pas de champ visuel ?

Fermons les yeux et examinons sans le sens de la vue si cette réalité est là ou non. Peut-on la reconnaitre en tout ce qui est encore perceptible ? Yeux fermés, est-ce que les pensées, les émotions, les sons, les sensations, les pulsions n’apparaissent pas dans un même espace conscient ? Pouvez-vous vraiment affirmer que votre présence consciente, votre intériorité est logée seulement dans votre corps ? Ne diriez-vous pas plutôt que ce sont vos sensations corporelles qui sont à l’intérieur de votre présence consciente ? Jusqu’où va alors votre présence consciente ? Explorez-la au-dessus des sensations de votre crâne. Explorez-la par devant les sensations du ventre, par derrière les sensations du dos, en-dessous de vos sensations de pieds. Trouvez-vous une limite à votre présence consciente ? S’il y a des sons, ont-ils lieu en dehors de votre présence consciente ? Les sons les plus lointains n’en sont-ils pas une manifestation ? N’est-ce pas une illusion étonnante de réduire mentalement notre présence consciente, notre intériorité à notre petite subjectivité ?

Pour décrire cet espace immense et son jaillissement, on peut tout aussi bien parler de vide conscient ou d’ouverture. Chaque description a ses avantages et ses limites. Par exemple, les yeux fermés, parler de ténèbres lumineuses n'est-il pas plus pertinent ? Cette luminosité ténébreuse n’englobe-t-elle pas toute lumière intellectuelle (2) et toute lumière sensible (1) ? Observons : si la lumière spirituelle (3) englobe toute forme, ne faut-il pas admettre que tout existe et vit en elle ? Cette conscience de tout l’espace est, avons-nous dit, une conscience de rien et de tout ce qui est. Englobant absolu de toute chose et même de l’absence de chose, n’est-elle pas aussi la vie à l’état pur ? Et réciproquement, cette vie pure n’est-elle pas, au sens propre, la lumière spirituelle (3) ?

 

Si une expérimentation, la 2 ou la 3, vous a permis d’entrapercevoir un troisième type de lumière intérieure, nous vous conseillons de revenir à l’expérimentation intérieure 1 et, ensuite, d’aborder notre expérimentation intérieure 4 qui suit.

Notre dernière expérimentation se veut un récapitulatif des propriétés de la lumière spirituelle (3) au-delà des lumières sensibles (1) et intellectuelles (2). Elle s’adresse donc à ceux qui auront aperçu avec au moins une des expérimentations précédentes une lumière intérieure (3) qui n’est ni sensible (1) ni intellectuelle (2).

EXPERIMENTATION INTERIEURE 4

Récapitulons. Si au moins l’une de nos expérimentations intérieures vous a paru pertinente, alors, tout en retournant de nouveau votre attention vers le champ global de la perception, testez les propositions suivantes :

-        Il y a une lumière (3) au-delà des lumières sensibles (1) et intellectuelles (2) ; elle est présente partout au cœur de toute lumière sensible (1) et intellectuelle (2) ;

-        Cette lumière (3) est invisible, silencieuse, intangible ; elle s’ouvre en un espace qui rend toutes les autres lumières visibles, audibles, tangibles, etc. ;

-        Cette lumière (3) s’ouvre sur un vide plein de présence consciente et de formes ; elle suscite la présence paradoxale d'une conscience de rien et de tout ;

-        Cette lumière (3) est la présence qui embrasse tout et qui rend tout présent ;

-        Cette lumière (3) est une réalité immuable, sans début ni fin ; elle est aussi un perpétuel jaillissement du monde instant après instant ; elle est une autoperception de la vie universelle dans les limites de notre perception humaine.


Kabîr exprime la valeur infinie du fait intérieur, que notre investigation expérimentale a voulu pointer comme ouverture spirituelle[12] :


« Le dehors et le dedans sont devenus pour moi un seul ciel. L’Infini et le fini se sont unis. Je suis ivre de la vue du Tout. Ta Lumière emplit l’univers ; elle est la lampe d’amour, qui brûle sur le plateau du savoir. »


 

Dans l’ouverture spirituelle, tout ce qui semblait, avant, aller à contre-courant devient l’opportunité de savourer la plénitude de la vie et de participer à son évolution globale. Les mots et les gestes qui ramènent à la vie intérieure sont de moins en moins nécessaires. La présence de la vie universelle s’irradie de silence, de paix et de joie.

 

Si cette expérience est claire, laissez-la éclairer votre intellect. La suite de l’aventure vous revient. Ses enjeux concernant votre participation harmonieuse au grand processus de la vie seront de plus en plus évidents. Si cette lumière vous ouvre le cœur, mieux vaut suivre ce qu'elle vous inspire. Et, si vous le pouvez, apprenez à lui soumettre votre volonté.

Cette reconnaissance vivante de la vie par elle-même peut aussi se révéler feu de joie lorsque son autoperception balaiera certaines impuretés qui en limite la vue dans le contexte de notre individualité humaine. Sa luminosité éclairera votre cœur. En vous, il y aura peut-être alors l'évidence que cette lumière intérieure de la vie universelle, cette lumière spirituelle de la vie en plénitude, qui brille en votre cœur est la même qui, d’un unique acte, fait être et fait voir[13]. Elle est le feu de l'ouverture de votre cœur : en elle, votre personne, celle des autres et le monde sont accueillis inconditionnellement et sans préférence pour l’un ou l’autre.

L’ouverture du cœur peut ne pas être immédiate. Mais voir à la lumière de la vie universelle érode toutes nos postures ego-centriques. Avec cette vie renouvelée dans la lumière spirituelle, une transformation opère : un amour suscité par la vie elle-même pour toutes ses formes peut jaillir au centre de nous-même.



Faites confiance à cette lumière, laissez-vous embraser, laissez-vous transformer[14]. Si vous savez vivre patiemment en sa présence silencieuse et revenir à elle autant que possible, elle révèlera l’inaccompli. D'autres fois, elle dévoilera les chemins à prendre pour accomplir. Elle opère rarement par une voix entendue à l'intérieur de vous, car elle peut parler avec bien des voix autour de vous. 

Si vous vivez instant après instant sous son éclairage, elle éclairera ce qui est obscur, ce qui constitue un obstacle sur un chemin d'illumination. Soudain, telle idée s'imposera sous le regard de la lumière spirituelle comme la plus juste et la plus rationnelle dans tel contexte. Parfois, tel rêve exprimera, le plus rigoureusement et clairement, le problème à dépasser ou la direction à prendre. Et quand notre qualité d’écoute s'affinera, telle phrase entendue ou lue, tel regard, tel geste, tel détail, rencontrés opportunément, seront comme des voix que s'est donnée cette lumière pour éclairer la raison. Suivez la lumière spirituelle en tout, pour vous y immerger le plus complètement possible. 

Evoluez en elle et à partir d’elle. Vous pouvez devenir de plus en plus conscient de son feu dans les profondeurs du cœur qui peu à peu fait de vous son individuation.

Il se peut alors que le Soi de la lumière intérieure se vive de plus en plus avec une âme en croissance alors que ce qui reste de mouvements d'ego séparé s'amenuise.

Si vraiment l’« Un innombrable » est au cœur de notre aventure, si vraiment celui-ci est la soif de votre âme, un dernier conseil cependant. Pour œuvrer à son incarnation culturelle, rencontrer des personnes avec qui puissent se tisser des amitiés spirituelles pourra éventuellement être souhaitable. Ces rencontres avec des amis spirituels sont aussi une chance pour ne pas s’illusionner dans notre aventure. Et tant mieux si ces amis cheminent sur des chemins qui ne sont pas forcément les nôtres.



Cette friction spirituelle nous fera le plus grand bien. Il ne s'agit pas, là encore, de s'enfermer dans une quelconque adhésion à une identité labellisée spirituelle. Pour avancer dans l'aventure, la friction de la relation n'est jamais inutile, surtout quand chacun use de ce feu pour nourrir le sens d'une fraternité ouverte.

Un danger spirituel majeur est de s'enfermer dans une interprétation mentale du vécu de la lumière spirituelle sans voir que son autoperception est ainsi limitée par notre contexte humain mental, émotionnel, pulsionnel et corporel. 
Ainsi, malheureusement, l'un dira qu'il n'y a plus rien à réaliser, puisque l'évidence de la lumière spirituelle est au centre de nous-même ; l'autre ajoutera qu'ainsi tout est parfait ; le pire est d'affirmer un non savoir qui permette de justifier de ne plus apprendre d'un autre, de ne plus avoir à évoluer. Dans ces optiques que devient le dialogue ? 
Tout au plus, le dialogue aura lieu avec des personnes qu'il faudrait éveiller pour partager avec qui n'ont pas cette compréhension de l'éveil, la nôtre. Allons-nous enfermer les autres dans les limites de notre éveil à la lumière spirituelle ? 
Un dialogue authentique passe par l'idée que la fenêtre intérieure de l'autre ouvre peut-être sur un paysage que de ma fenêtre intérieure je ne perçois pas. 


La fenêtre intérieure a beau être illuminée et purifiée par la lumière spirituelle, elle n'en est pas moins limitée du fait des limites de toute conscience individuelle mentale.
Ouvrir l'autre à la lumière intérieure revient aussi à l'encourager à trouver son paysage spécifique afin d'apprendre de lui à élargir la perspective de ce qui s'illumine.
Certainement celui en qui il y a pourtant présence évidente d'une lumière spirituelle et qui se refuse à ce dialogue illuminé s'enferme dans une forteresse mentale et propage des petites forteresses illuminées bien clôturées. 

Si nos vies ne jaillissent que d'une seule et unique source, la vie universelle n'en reste pas moins innombrable. Autrement dit, l’Un n’empêche pas l’Autre, l’unité n’empêche pas l’altérité. Une expérience spirituelle vécue de l’Un sans second peut laisser indistincts certains de ses contours. Le soleil de l'absolu aveugle celui qui vient de sortir de son obscurité, comme l’explique l’allégorie de la caverne de Platon. On peut comprendre dès lors que celui qui vit l’expérience de l’absolu peut en affirmer légitimement l'évidence sans pouvoir en avoir une vision parfaite. Pour éviter que ce « clair indistinct » soit prétexte à des représentations confuses et trompeuses, notre pari ici est de distinguer de plus en plus finement l’« Un innombrable »   qu’est la vie universelle ; notre pari ici est de vivre le Soi de la lumière spirituelle avec une âme (en cliquant ici vous trouverez d'autres points d'approfondissement de cette aventure spirituelle).

Pour les développementalistes, Beck et Wilber, qui pointent une évolution au niveau de la conscience mentale voire au-delà, il y a un passage à un deuxième palier où cette évolution devient véritablement une évolution consciente de la conscience illuminée. 
Pour ce faire, il faut prendre au sérieux le fait que le dialogue et ses frictions restent un élément essentiel de cette dynamique. 
Sans cette authenticité dialogale, sans attrait pour la ballet de l'Un et du Multiple, jamais notre âme qui se découvre au faîte de la descente dans l'ouverture du cœur n'y émergera avec sa soif caractéristique d'un regard de l'Un Innombrable (cet article qu'on trouvera en cliquant ici creuse ce point).




Un enjeu de ce tournant spirituel évolutif de la conscience illuminée où son Soi se vit avec une âme est l'ouverture à une conscience au-delà du mental humain. A ce sujet Sri Aurobindo (1872-1950) parle de l'ouverture du Soi se vivant avec une âme à la présence d'une dimension supramentale de la conscience. 




Pour prolonger cette aventure, nous esquissons ici des lignes d'avancées avec ces Aphorismes et pensées sur le flux autocréateur de la Vie qu'on trouvera en cliquant ici.



[1]. Dans La mystique sauvage, Puf, Michel Hulin présente des cas d’expériences spirituelles spontanées. Des gens a priori jusque-là sans religion, sans recherche philosophique et sans préoccupation spirituelle connaissent des basculements mystiques au cours de leur vie ordinaire. Dans son étude, p.57 ou p.92, Michel Hulin cite le témoignage d’éveil hors tradition de Stephen Jourdain. Dans L’irrévérence de l’éveil, Editions Accarias L’originel, p.318, ce dernier écrivait : « La vraie lumière intérieure est, par essence, profane et profanatrice. ». Nombres de ces illuminés sauvages ont remarqué que par-delà la joie ressentie ou le moment d’extase, l’émerveillement devant le fait de l’être prenait sa source dans une lumière intérieure, une transparence lumineuse jusque-là inaperçue. Dans Le voyage vers l’insaisissable, Editions Almora, Marigal témoigne aussi, par exemple, d’un éveil spirituel hors cadre qui met en jeu cette notion de lumière : « Silence-espace-lumière/Tout est là, parfait, limpide propre », écrit-elle significativement p.21.

[2]. Dans une Upanishad, un texte sacré de l’Inde védique, on lit : « Lumineux par lui-même, on en parle comme de l'Atman […]. Ici se termine la Sarvopanishad, qui fait partie de l'Atharvaveda. »

[3]. Le philosophe taoïste Wu Yun écrit : « Dans la quiétude suprême, on peut alors s’unir au Vide suprême. Avec le Vide à son summum vient la lumière. Avec la lumière à son summum, vient la radiance. Avec la radiance à son summum, c’est la communication universelle. »

[4]. Le livre des morts Tibétain affirme : « Ton esprit est à la fois vacuité et luminosité. Il a la forme d’une grande masse de lumière, il n’a ni naissance ni mort, c’est donc le Bouddha de la lumière immortelle. Il est seulement nécessaire de le reconnaître. » Dans le Komyozo Zanmaï, Maître Ejo, un maître du bouddhisme zen écrit : « Telle est la véritable et authentique certification qui existe sans déranger la manifestation de Komyo. C'est le pouvoir spirituel du non-agir par la lumière qui s’illumine d’elle-même. »

[5]. Le Coran en Sourate XXIV verset 35 affirme : « Lumière sur lumière. Dieu guide vers Sa lumière qui Il veut. »

[6]. La première lettre de Saint Jean dans la Bible chrétienne affirme : « Dieu est lumière ». La philocalie orthodoxe ou la théologie médiévale catholique, puis les traditions mystiques ultérieures, dont certaines s’épanouiront dans le protestantisme, approfondissent cet énoncé capital.

[7]. Dans Ennéade VI, 9, 9, Plotin, qui se réclame de Platon, écrit : « Alors, l'âme peut voir Dieu et se voir elle-même, autant que le comporte sa nature ; elle se voit brillante de clarté, remplie de la lumière intelligible, ou plutôt elle se voit comme une lumière pure, subtile, légère ; elle devient Dieu, ou plutôt elle est Dieu. » Les philosophies platoniciennes ont influencé les mystiques chrétiennes, juives et musulmanes.

[8]. Les traditions théistes identifient la lumière spirituelle à la lumière divine. Avec Wikipédia, rappelons que « Le mot « dieu » vient du latin deus, lui-même issu de la racine indo-européenne dei- « briller » […]. Étroitement liée à cette notion de lumière, c'est la plus ancienne dénomination indo-européenne de la divinité qui se retrouve dans le nom du dieu grec Zeus dont le génitif est Dios. De la même racine est issue la désignation de la lumière du jour (diurne) et du jour, lui-même (dies en latin) ». L’utilisation de « dieu » ne sera pas validée par certaines philosophies ou approches religieuses. L’idée de divin insiste davantage sur le caractère impersonnel de la conscience de la lumière spirituelle. Mais certains, comme Schopenhauer, par exemple, estiment que l’absolu est un néant d’où jaillissent forces et matière avant même une quelconque prise de conscience. Cet athéisme rejettera le mot « divin ». Certes nous nous opposons au pessimisme de cet athéisme qui voit en la vie une absurdité tragique, mais reconnaissons que l’aperçu de la lumière spirituelle que nous proposons d’expérimenter ci-après n’a pas pour objet immédiat de trancher ces débats.

[9]. Cette approche expérimentale de la lumière intérieure spirituelle est redevable à Douglas Edison Harding (1909-2007). Celui-ci a forgé avec ses amis de nombreux outils pour réaliser expérimentalement des faits spirituels. On en trouvera un exposé dans le livre de José et Lorène Le Roy, 64 exercices de spiritualités, Almora, 2014 ou celui de Philippe Fabri, Ce que je suis, les autres ne le voient pas, Editions Altess, 2013. 

[10].  Au sens de « invisible, silencieux, insipide, intangible, etc. » mais non pas imperceptible. Dans Phénoménologie de la perception, Tel Gallimard, p. 12, le philosophe Maurice Merleau-Ponty nous éclaire sur le champ visuel invisible mais non pas imperceptible : « La région qui entoure le champ visuel n’est pas facile à décrire, mais il est bien sûr qu’elle n’est ni noire ni grise. Il y a une vision indéterminée, une vision de je ne sais quoi, et, si l’on passe à la limite, ce qui est derrière mon dos n’est pas sans présence visuelle. »

[11]. Cette conversion du regard ou retournement du regard vers l’intérieur est un leitmotiv de nombreuses traditions spirituelles.

[12]. On trouvera ceci dans La Flûte de l’Infini, nrf poésie Gallimard, p.96. Dans notre note 7, on trouvera quelques données biographiques sur lui.

[13].  Dans La Flûte de l’Infini, nrf poésie Gallimard, p.157, Kabîr dit : « Le vrai Maître est tout Lumière. »

[14]. L'éveil à cette lumière spirituelle et à sa guidance peuvent avoir lieu avant que d’un geste intérieur toutes souffrances dues à l'ego puissent être surmontées aisément. Il peut avoir lieu longtemps avant que le décalage entre la volonté propre de l'ego et l‘action qu'impulse la transparence en cette lumière se soit extrêmement amenuisé. Pour bien se repérer dans les écrits spirituels, il faut comprendre que certains auteurs appellent illumination ou éveil quelque chose qui intègre la libération de la souffrance. D’autres désignent avec ces termes l’abolition de la volonté propre ou la conscience d’être une individuation de la vie universelle. A la suite de José Le Roy dans L’éveil spirituel, Almora, 2018, il nous semble pertinent de distinguer l’éveil spirituel, au sens propre, et la sagesse qui se développe par son exploration. Ce que nous dépeignons ici est l'éveil au fait d'être disciple du guide intérieur qu'est la lumière spirituelle. Dans une mentalité moderne, au lieu d’un vocabulaire d’une relation entre disciple et guide intérieur, nous pourrions parler d’une entrée consciente dans le processus de libération intérieure produit par la lumière spirituelle. Pour exprimer ceci, d’autres vocabulaires sont encore possibles. Nous pouvons partir du fait d’être ce véhicule corps-esprit en qui prend place un processus d’amour créateur et de compassion infinie. C’est celui-ci qui transformera le véhicule pour le rendre plus transparent à la lumière spirituelle. Autrement dit, nous parlons d’éveil à la lumière spirituelle au stade où finit, selon nous, la recherche spirituelle et où commence l'aventure spirituelle proprement dite.